Fête du Sacrement du Corps et du Sang du Christ

1. Au temps de Jésus, dans le Temple de Jérusalem, existait un espace fermé appelé le Saint des Saints. Il ne contenait aucun meuble mais était censé contenir la présence invisible de Dieu. Le grand-prêtre n’y entrait qu’une fois par an, le jour du Grand Pardon, le Yom Kippour. Le Temple fut détruit en 70 et dès lors le croyant juif a intériorisé cette présence divine. Aujourd’hui nous célébrons la Fête-Dieu, la fête du Saint-Sacrement, la fête du don que le Christ fait de sa personne, de sa présence sous les espèces du pain et du vin, à travers le temps et l’espace.

2. « Prenez, ceci est mon corps… ceci est mon sang. » Nous les avons entendues tant de fois depuis que nous participons aux célébrations eucharistiques. Ne sont-elles pas devenues trop banales ? Elles demeurent bien mystérieuses à notre compréhension. L’hostie reste bien une association de farine et d’eau, le vin reste du vin après ces paroles qui, pour le croyant chrétien, réactualise celles de Jésus. Les théologiens ont essayé de donner une consistance raisonnée à ce changement en distinguant les apparences, celles du pain et du vin, et ce que voile ces apparences, c’est-à-dire à dire le corps et le sang du Seigneur. Mais cela ne se prouve pas. Il n’y a pas d’interprétation scientifique, rationnelle. Il n’y a que la foi : on croit en ces paroles parce que Jésus les a dites. Tout repose donc sur notre adhésion à lui, sur la confiance que nous avons mise en lui. Il n’y a rien à expliquer, rien à démontrer. Je crois parce qu’il l’a dit.

3. On doit à Alphonse de Liguori, originaire de Naples, avocat dans sa jeunesse, le fondateur des Pères du Très Saint Rédempteur, prédicateur exceptionnel, les plus belles méditations sur la Présence Réelle dans un ouvrage intitulé « Les visites au St Sacrement », publié en 1722, et dès lors à des millions d’exemplaires, en plus de soixante-dix langues et toujours édité. Voici comment il comprend le pourquoi de la Présence Réelle du Seigneur : « Craignant que son absence ne fût une occasion de l’oublier, que fit-il sur le point de quitter la terre ? Il leur laissa pour mémorial ce Très Saint Sacrement où il réside lui-même ; il ne put souffrir qu’entre lui et nous, pour raviver perpétuellement son souvenir, il y eût un autre gage que lui-même… Les païens se forgeaient des dieux à leur fantaisie mais ils ne purent jamais imaginer un Dieu épris d’amour pour eux comme notre Dieu l’est pour nous, un Dieu qui pour témoigner son amour, prodiguer les trésors de sa grâce, accomplit le prodige d’amour de se cacher dans une hostie et rester ainsi, nuit et jour, sur l’autel, leur perpétuel compagnon, comme s’il ne pouvait, semble-t-il, se séparer d’eux, même un instant. »

4. Nos cathédrales, nos églises sont les lieux privilégiés de cette présence du Christ. Elles sont pourtant de plus en plus désertées par les chrétiens. L’auteur de la lettre aux Hébreux des années 70 en avait fait déjà le constat : « Ne désertons pas nos assemblées comme certains ont pris l’habitude, écrit-il, mais encourageons-nous ! » Edith Stein, juive non croyante, professeur de philosophie reconnue, en recherche de la vérité, raconte : « Je suis entrée quelques minutes dans la cathédrale (de Francfort-sur-le-Main) et, tandis que je me tenais là dans un silence respectueux, une femme est entrée avec son sac à provision et s’est agenouillée sur un banc pour prier vite fait. Pour moi, c’était du jamais vu. Dans les synagogues et les temples protestants que j’avais fréquentés, on ne venait là que pour les services divins. Mais là, quelqu’un était en train d’interrompre ses tâches quotidiennes pour se livrer, dans une église déserte, à une sorte d’entretien intime. C’est quelque chose que je n’ai jamais plus oublier. »
Si nous l’avons perdu, reprenons le chemin de notre église. On y entendra autre chose que le récit ininterrompu par nos médias des violences, des meurtres, des guerres. Autre chose que des débats politiques sans fin. On y trouvera le silence et le retour sur soi, surtout lorsque des épreuves nous en font sortir pour retrouver plus de sérénité et de paix.

Seigneur, tu nous vois battre la campagne et remplir nos jours mais sans bien savoir où nous allons. Sans savoir que tu es là, invisible dans la lumière du jour dans l’attente que nous levions le regard vers toi. Sans savoir qu’un trésor est à la porte de notre cœur qui pourtant ne s’ouvre pas. Sans savoir que tu es le pain qui ne nous laisserait plus sur notre faim, notre eau qui ferait cesser notre soif. Par grâce, Seigneur, fais-nous aller vers toi.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 11/06/2023