Guérison d’un aveugle de naissance (Jn 9, 1-41)

4e dimanche de carême - Année A.

Guérison d’un aveugle de naissance

Lire avec grande attention le récit, chef d’œuvre de l’art dramatique de Jean, que l’on pourrait mettre facilement en scène.

1. Contexte
Jean, le seul parmi les évangélistes à nous le raconter, n’a rédigé ce récit que dans les années 90-100. Avait-il encore en mémoire tous les détails de l’ordre des rencontres, des paroles échangées ? Il n’y avait pas sur place de scribe pour les écrire. Si on ne peut douter de l’historicité de la guérison d’un aveugle de naissance, on doit entrer dans la manière d’écrire à cette époque qui donne plus de place au message qu’aux détails. Jean va le faire dans un récit dramatisé à sa manière, pour des chrétiens à conforter.

2. Intervenants
a. Jésus n’apparaît qu’au début et à la fin du récit : il introduit le sujet et conclut la discussion par le message qui touche au thème majeur de l’évangile : la Lumière en face des Ténèbres. Sa conclusion : Jésus vient de Dieu, est lumière du monde.

b. L’aveugle, présent tout au long du récit, fait parcourir le chemin qui mène de l’ignorance à la foi.

c. Les pharisiens, opposants habituels, disent : cet homme ne vient pas de Dieu. En outre il guérit un « puni » de Dieu le jour du sabbat.

d. Les parents sont là comme un interlude pour présenter une autre option du refus de croire.

3. Analyse
a. La rencontre d’un aveugle (dont on ignore le nom comme souvent pour en signifier l’universalité) donne aux disciples une entrée en matière : « Qui a péché ? » Jésus coupe court et donne une réponse qui oriente le récit dans la direction voulue par Jean. Le péché reviendra dans la bouche des pharisiens pour soutenir que cet aveugle est puni de manière irrémissible.

b. L’aveugle « de naissance » (pour dire l’universalité de l’obscurité des hommes) devient le personnage essentiel. Par opposition au propos de Jean « Jésus est lumière ».

c. Le geste de Jésus (application sur les yeux de la boue faite avec la salive) est un geste de la manière prophétique (voir ceux de Jérémie : le joug porté sur les épaules, la cruche brisée, la ceinture pourrie pour annoncer les calamités qui fondront sur Jérusalem). La salive avait une réputation curative, signe prémonitoire de guérison.

d. La piscine de Siloé dont le nom signifie « Envoyé » n’est pas choisie au hasard. Elle n’est pas Bethzatha, la piscine des guérisons. Elle est située en bas de la ville, dans la vallée du Cédron et son nom a le même sens que Messie, l’envoyé de Dieu.

e. L’aveugle doit y aller sur la seule recommandation de Jésus, pour dire que la confiance est nécessaire. Cette confiance demandée revient dans les récits d’autres miracles qui se concluent par « Va, ta foi t’a sauvé ».

f. Jésus disparaît de la scène et l’aveugle revient sur les lieux de sa mendicité. Les passants ont peine à croire au changement qu’il raconte. S’il connaît le nom de l’homme à l’origine de sa guérison, il ne sait pas encore où il réside comme les disciples. L’aveugle en est à la première étape.

g. Il le voit comme un prophète comme d’autres selon la réponse que les disciples donnent à la question de Jésus : « Que dit-on de moi ? » ().

h. Les pharisiens occupent maintenant le devant de la scène. A juste raison, puisqu’ils sont les premiers visés par le récit. A l’époque de la rédaction, les pharisiens très présents autour du Temple maintenant détruit, n’existaient plus en tant que groupe constitué. Ils représentent les synagogues très répandues et très hostiles aux chrétiens qui affirmaient que Jésus venait de Dieu.

i. Pour la première fois est dit : « Cet homme n’est pas de Dieu ! », thèse fondamentale des synagogues. L’inobservance du sabbat souvent citée, figurera dans l’acte d’accusation : « Dès lors, les Juifs n’en cherchaient que davantage à le faire périr, car non seulement il violait le sabbat, mais encore il appelait Dieu son propre Père, se faisant ainsi l’égal de Dieu. » ()

j. Les parents représentent tous ceux qui ne veulent pas prendre position par peur de l’autorité en place et de se voir exclus de la communauté. L’exclusion des Judéo-chrétiens des synagogues devint effective dès que leurs groupes prirent de l’importance. L’apôtre Paul fut chassé de la plupart des villes de son parcours missionnaire effectué entre 45 et 60.

k. Lors de la deuxième comparution devant les pharisiens, l’aveugle développe une argumentation qui devrait conduire à reconnaître à l’évidence que Jésus est un homme de Dieu. Lui-même est déjà pris pour l’un de ses disciples et son discours en témoigne. Il est donc jeté dehors parce qu’il est « péché ». On devine déjà le rejet final de Jésus.

l. La rencontre de l’aveugle et de Jésus se conclut par une confession de foi, à l’instar des disciples et ultérieurement de Thomas : « Je crois. » Le parcours de conversion est terminé.

m. La fin du récit reprend la question « Qui a péché ? » pour désigner les « pécheurs du temps présent » : ceux qui refusent de voir que Jésus vient de Dieu comme lumière du monde. Une illustration du « péché contre l’Esprit » ().

4. Actualisation
Jean a écrit pour les chrétiens de son époque qu’il faut conforter dans la foi. Ils devront accepter de passer par les épreuves que sont l’indifférence, le rejet pour des raisons diverses comme la peur de s’affirmer dans l’opinion qui considère la foi comme rétrograde, illusion ou incompatible avec les avancées modernes.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 01/04/2020