Nativité du Seigneur, Nuit (24/12) : Pistes pour l’homélie
Piste 1
Ce qui fait la spécificité de notre foi chrétienne, c’est avant tout, je pense, Noël !
Essayons d’imaginer quelle serait notre foi, en quel Dieu croirions-nous sans Noël, c’est-à-dire sans un Dieu né parmi nous, un Dieu humain au milieu des humains ?
Nous parlerions de Dieu comme beaucoup d’autres, c.-à-d. comme quelqu’un qui se tient là haut dans le ciel, un Dieu lointain, distant, étrange, tout puissant, mystérieux. Ce Dieu, nous l’imaginerions tellement haut, tellement grand que nous nous sentirions insignifiants devant lui. Nous nous sentirions si petits que nous n’aurions qu’à nous aplatir, le nez par terre devant lui ; nous écraser comme des esclaves devant leur maître qui a droit de vie ou de mort.
Sans Noël nous serions soit déistes soit idolâtres.
Mais heureusement voilà Noël, un événement inimaginable pour l’esprit humain : nous voyons Dieu s’enfuir du ciel (où les hommes par leur religion l’avaient consigné à résidence) pour établir sa demeure parmi nous sur terre.
Avec Jésus, Dieu vient partager notre humanité, il devient l’un des nôtres et du même coup, bouleverse toutes nos représentations de lui.
Noël, c’est en quelque sorte Dieu qui nous dit : « Je ne suis pas le Dieu très haut que vous imaginiez, mais le Dieu très bas. Vous ne devez plus me chercher là haut dans le ciel au dessus des nuages ou dans un sacré inatteignable, mais vous ne pouvez me trouver qu’ici parmi vous, au milieu de vous sur la terre. »
« Pour me voir vous ne devez plus lever les yeux mais baisser votre regard sur la crèche, c.-à-d. parmi les plus petits, les plus pauvres et les plus démunis. »
Oui, Noël nous dévoile un Dieu qui n’a rien de comparable avec les images que les hommes avaient de lui depuis la nuit des temps : des divinités terrifiantes dont on doit s’attirer la bienveillance par des sacrifices pour obtenir leurs grâces. Désormais ces sacrifices ne sont plus nécessaires.
« Je n’ai que faire de vos sacrifices, nous dit notre Dieu, ce qui me plaît c’est le cœur authentique. »
Cette naissance de Dieu parmi les hommes, cette incarnation, a pour conséquence géniale qu’elle vient donner à notre propre vie une consistance toute particulière, un poids infini. Notre vie terrestre n’est plus, comme on nous l’a longtemps fait croire, une existence secondaire, une vie au rabais, mais, grâce à Noël, notre vie ici-bas reçoit une dimension infinie, une valeur incommensurable puisque Dieu lui-même a choisi de la vivre avec nous.
Notre vie devient un lieu théo-logique !
Oui, désormais nous savons que c’est dans notre vie toute humaine, terre à terre, même avec ses laideurs, ses ratés, que nous pouvons rencontrer Dieu.
Remarquez que l’histoire, un peu enjolivée, de Bethléem nous parle d’une étoile. En général lorsque l’évangéliste donne des détails, c’est que ceux-ci ont une signification. Vous le savez, les étoiles symbolisent le ciel, le ciel au-dessus des nuages, là où les humains ont toujours situé la demeure de Dieu. Or cette étoile, quitte le ciel pour s’installer à la crèche.
Elle vient confirmer que le ciel n’est plus au dessus de nos têtes mais là où il y a de la fragilité.
Ce message de Noël ne nous est pas donné pour information, simplement pour en savoir un peu plus sur Dieu, mais il nous est donné pour raffermir notre foi. Or vous le savez quand on a la foi on est capable de faire des prodiges, de transporter une montagne.
Autrement dit, si nous comprenions enfin que Dieu est vraiment parmi nous, pauvre parmi les pauvres, cette nouvelle devrait bouleverser notre vie, nous aider à réagir, à nous engager car Dieu nous montre qu’il a réellement besoin de nous, de notre attention, de notre aide, de notre amour.
Bonne et joyeuse fête de Noël.
Piste 2
Les Evangiles sont vraiment à l’envers de tous les autres livres : ils ont été écrits en commençant par la fin, par la dernière page, c’est-à-dire par le récit de la résurrection.
Ce n’est qu’en découvrant Jésus vivant, ressuscité, que les apôtres ont compris qu’en le relevant de la mort, Dieu l’approuvait, qu’il était de son côté, que Dieu signait « d’accord » à côté de toutes les paroles, faits et gestes de Jésus.
Oui, ce n’est qu’après la résurrection que les apôtres ont vraiment compris qui était ce Jésus qu’ils avaient côtoyé et fréquenté si longtemps. Maintenant que Jésus les avait quittés, ils ne parlaient plus que de lui et essayaient de se rappeler tous les événements qu’ils avaient vécus et dont ils avaient été les témoins.
Chacun y allait donc de son petit souvenir : « Ah, tu te souviens de Cana, quelle noce ! Et à Capharnaüm, ce paralysé près de la piscine et oui, c’était comme à Siloé… Et la veuve de Naïm… et la Cananéenne qui avait touché son vêtement oh oui ! Et la pécheresse chez le pharisien… les souvenirs fusaient ainsi de toute part.
Alors les apôtres ont pensé : « Il serait dommage qu’après nous tout soit oublié… et si on mettait tout ça par écrit ! » Et ceux qui savaient écrire se mirent à l’ouvrage.
Mais quand ils ont eu fini, certains, comme saint Luc, ont pensé : « Si nous pouvions compléter l’histoire en approfondissant notre enquête : Ce Jésus d’où venait il ? N’était-il pas le fils de Marie et de Joseph ? Qu’a-t-il donc fait jusqu’à trente ans ? Il travaillait avec son père comme charpentier, il suivait assidûment l’école des scribes, il apprenait les Ecritures et fréquentait le temple… Et même paraît-il, et cela pour terminer le livre, il est né dans une crèche à Bethléem, la ville de David.
C’est ainsi que de Pâques nous arrivons à Noël. Si Noël existe c’est grâce à l’événement de Pâques.
Mais si nous sommes attentifs nous verrons que toute la vie, tout l’enseignement de Jésus se trouve déjà résumé, condensé dans le récit de Noël. Ce récit de la naissance nous dévoile le Dieu que Jésus nous annonce :
Il est un Dieu des petits, des sans grades : c’est le sens des bergers.
Il est un Dieu qui a besoin des hommes : il naît petit enfant, fragile et vulnérable.
Il est un Dieu pour toute l’humanité : ce que symbolisent les mages venus des pays lointains.
Il est un Dieu qui se donne en nourriture : c’est la signification de la mangeoire et du nom de Bethléem qui signifie « maison du pain ».
Il est un Dieu de lumière, un chemin de vie, symbolisé par l’étoile qui guide sur la route.
Il est un Dieu de justice et de tendresse, tel que les prophètes l’avaient annoncé.
Oui, il est un Dieu qui a besoin des hommes, des hommes de bonne volonté !
Nous croyons peut-être que ce livre est fini, qu’il est écrit jusqu’à la dernière page !
Il n’en n’est rien, aujourd’hui l’Evangile, la Bonne Nouvelle continue à s’écrire dans la vie du monde car Dieu n’a pas fini de naître, sa rencontre intime avec l’humanité continue de mille manières.
Dans la clarté de nos jours et l’ombre de nos nuits, l’annonce est encore murmurée, Noël se réinvente chaque jour et la naissance de Dieu se perpétue.
Où allons-nous créer des lieux, des espaces qui permettront à notre Dieu de manifester son amour aujourd’hui ?
Bonne et joyeuse fête de Noël.
Piste 3
Noël ne laisse personne indifférent, même si la fête de Noël a été rattrapée et récupérée par la civilisation de la consommation. A cette occasion le cœur d’enfant, que chacun porte en soi, se remet à battre. Il nous revient des sentiments de bienveillance à l’égard de tous et d’abord des petits, des plus faibles, des pauvres, des vieillards, des personnes isolées à qui on s’efforce de porter un peu de joie. On essaye pendant quelques instants ou quelques jours de poser des gestes de générosité pas très habituels.
Tous, nous connaissons quasi par cœur le récit de la naissance de Jésus : une histoire à la fois familière et mystérieuse, le recensement de l’empereur Auguste, la naissance dans une étable, le chœur des anges et les bergers avec leurs moutons. Bref une histoire merveilleuse où la réalité se mélange au rêve, où le mystérieux côtoie l’historique.
« Je vous annonce une grande nouvelle, un sauveur vous est né ».
Chaque année nous entendons cette parole et nous rêvons d’un monde meilleur, une société plus juste, une humanité délivrée de la violence et du mal.
Mais nous sommes bien lucides, nous savons que demain continuera comme avant. Le 26 décembre les pauvres seront toujours aussi pauvres, les riches encore plus riches et les blessés de la vie continueront à vivre dans leur marasme.
Mais alors pourquoi continuer à célébrer Noël ?
Si Noël n’est que la commémoration d’un fait passé et non la célébration de la naissance actuelle du Christ en chacun de nous, cela ne nous sert à rien.
Si Noël n’est pas une « nouvelle naissance » toujours renouvelée de sorte que dans l’événement de la naissance de Jésus je vis toujours ma propre naissance, alors le christianisme n’est plus qu’une idéologie et non pas une expérience de vie.
Ce 2019ème Noël que nous célébrons aujourd’hui a-t-il encore quelque chose à nous dire, a-t-il encore des chances de changer quelque chose ?
Le Noël de l’évangile est-il encore vraiment une bonne Nouvelle pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui ?
En effet plus de 2 000 fois les hommes ont célébré la naissance de Jésus
2 000 fois les hommes se sont engagés à faire reculer la haine.
2 000 fois Dieu a essayé de naître chez nous.
Quels sont les résultats ?
Naître est un acte sans fin, toujours en devenir, c’est une espérance.
Naître, c’est quitter, abandonner un monde ancien pour une vie nouvelle.
Naître c’est grandir jusqu’à la mort qui se veut elle-même naissance à une vie nouvelle.
Si nous sommes attentifs nous verrons que dans la Bible il est très souvent question de commencement. Chaque journée qui commence est pour chacun une nouvelle histoire, une naissance nouvelle.
Noël ce n’est pas seulement le 25 décembre. Chaque jour peut être Noël, chaque jour Dieu peut naître avec nous. Comme Marie, par la puissance du Saint-Esprit nous pouvons engendrer Jésus, le mettre au monde.
Le jour où nous aurons vraiment compris cela, le jour ou chacun vivra Noël au jour le jour, dans son quotidien le plus banal et le plus ordinaire, dans nos étables de misère et dans les chants de nos fêtes… alors ce qui n’était qu’un conte de Noël trouvera tout son sens, le monde sera transformé et nos vies auront déjà un goût de résurrection.
Bonne et joyeuse fête de Noël.
Piste 4
Que venons-nous chercher ici en ce jour (cette nuit) de Noël ? J’ai parfois l’impression qu’en célébrant Noël le monde veut ouvrir une parenthèse dans sa vie, en essayant de goûter un moment de rêve au milieu de la grisaille ou de l’obscurité des jours.
L’homme essaye de s’émouvoir et qu’y a t-il de plus émouvant qu’un petit bébé qui naît sur de la paille ? Et puis demain chacun reprendra le collier, reprendra sa route sans plus se faire aucune illusion. Ce sera fini jusqu’à l’an prochain.
Pensez-vous que Dieu vient simplement pour ouvrir une petite parenthèse dans nos vies, nous faire rêver quelques heures sur un bonheur illusoire ? Si c’est ça Noël, c’est vraiment décevant, cela ne vaut franchement pas la peine ! Jésus n’a pas voulu se contenter d’introduire une parenthèse dans la vie de ses contemporains, mais il a bouleversé toute la vie, non seulement des gens de son époque mais de tous les hommes, de génération en génération, à travers le monde.
En effet, ce Jésus n’est pas resté petit enfant dans une crèche, il n’est pas non plus devenu un adulte bien gentil, cordial, sociable et plein de sagesse… Quoi donc alors ? N’est-il pas devenu un de ces types qui généralement ne plaît guère, une sorte d’extrémiste illuminé qui va à contre sens de toute l’organisation des gens bien en place que l’on considère comme des gens exemplaires ? Il a pris parti contre le pouvoir des chefs, des responsables que tout le monde vénérait, non pas sans doute pour leurs qualités humaines mais tout simplement parce qu’ils étaient les chefs, ils détenaient l’autorité et l’argent.
Oui, cet homme Jésus a pris le parti des petits du peuple, de ceux qui ont le tort de n’avoir pas réussi dans la vie, par leur faute ou non.
Vraiment ce Jésus a mis beaucoup de monde mal à l’aise, il a dérangé et perturbé plus d’un ! Et tout cela, par-dessus le marché, il le faisait au nom de Dieu.
Mais alors, me direz-vous, qu’est ce que Noël ?
Noël est une naissance, c’est-à-dire un commencement, la vie ne s’arrête pas à la naissance, elle est faite pour grandir. Oui, en venant à la crèche nous nous engageons à grandir avec Jésus, à entrer dans la même dynamique que lui, de la crèche à la croix.
Noël est un nouveau départ, un tremplin pour prendre un peu plus au sérieux tout le message de l’Evangile qui deviendra action au cœur de nos vies.
Et pour commencer, je souhaite que nous soyons chacun les ambassadeurs de l’espérance auprès de nos familles, mais aussi auprès de toutes celles et ceux qui souffrent davantage en ces moments de fête. Ainsi la venue du Christ continue et continuera à réchauffer le cœur de tous.
Bonne et joyeuse fête de Noël.

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.

https://portstnicolas.org/article4999