Le morceau qui manquait

Il était un petit animal, tout jaune, tout rond, à qui il manquait un morceau. Il en était très malheureux. Alors il se mit en recherche, criant partout : « Je cherche le morceau qui me manque. » Tantôt sous le soleil, tantôt sous la pluie froide, tantôt sous la neige, il s’épuisait à chercher. Mais, finalement, de manière ou d’autre, le soleil finissait toujours par percer. En effet, comme il lui manquait un morceau, il ne pouvait rouler très vite. Aussi s’arrêtait-il pour parler au vermisseau, sentir une fleur ou regarder passer un escargot. C’était alors les plus beaux moments de sa vie ! Il franchit les océans et les montagnes, ouvrant les yeux et chantant : « Je cherche le morceau qui me manque. »

Enfin, un jour, il s’écria : « J’ai trouvé ! »

« Minute, dit le morceau ! Je ne suis pas le· morceau qui te manque. Je ne suis le morceau de personne. Je n’appartiens qu’à moi-même. »

Alors le petit animal repartit tout triste, parce que le morceau n’était pas le frère qu’il cherchait. Roule et roule ; il trouva quantité d’autres morceaux. Mais trop petits ou trop grands. Ou très bien, mais cassés !... Enfin, un jour, il trouva un morceau qui lui sembla être exactement ce qu’il désirait : « Oh, cria-t-il, es-tu le morceau qui manque à quelqu’un d’autre ? - Non, dit l’autre, pas que je sache ! - Mais peut-être veux-tu être à toi-même ton propre morceau ? - Bah, je peux être le morceau de quelqu’un et être aussi le mien. - Bien ! Mais peut-être, tu ne veux pas être le mien ? - Ah, pourquoi pas ? - Mais peut-être, on s’articulera mal ? - Ah... Bien ! »

Et ce fut parfait. Enfin, il avait trouvé. Il repartit alors en roulant. Mais comme il était devenu absolument rond et complet, sa vitesse s’accéléra. Et il roulait si vite, si vite, qu’il ne pouvait plus s’arrêter pour parler au vermisseau, sentir une fleur et s’émerveiller d’un papillon. Il roulait sur terre à toute allure. Alors le désespoir monta en lui. « Je manque de tout » dit-il ! 

Et il s’arrêta net. Il essaya de chanter, mais il bredouillait, car il avait la bouche pleine. Un papillon s’approcha et le regarda. Alors, lui, très lentement, se détacha du morceau qui le comblait. Il repartit lentement sur la terre en chantant : « Un morceau me manque, un morceau me manque. » Alors le papillon lui parla, et l’escargot, et la fleur au bord de la route.

Cette parabole, retrouvée dans une revue des aumôneries de l’enseignement public, n’est-elle pas message pour nous aujourd’hui ? Qu’est-ce qui nous manque ? Quel est le sens de notre désir ?

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/10/2009