Soigner ou prendre soin

À des années de distance, deux femmes ont été très présentes, dans les médias, au moment de leur mort. Tout dernièrement la mort de sœur Emmanuelle, la chiffonnière du Caire, a provoqué des prises de paroles multiples et suscité de nombreux reportages dans la presse écrite, à la radio, à la télévision. Certains commentateurs ont été jusqu’au bout du pourquoi de son action et de son nouveau choix de vie après une carrière d’enseignante : sa foi en Dieu était le moteur de sa joie de vivre et de son engagement.

Sœur Emmanuelle n’était pas qu’une humanitaire. Il est bon de réentendre Xavier Emmanuelli parlant de Mère Teresa : « À mon avis, Mère Teresa ne faisait pas d’humanitaire, bien que son action eût été décrite et interprétée comme telle. Elle faisait seulement de “l’humanité”, car elle ne supportait pas qu’une créature humaine puisse être traitée comme un objet sans valeur ni considération. Mère Teresa était avant tout une mère qui répétait éternellement les gestes que fait la mère de l’humanité... Elle ne soignait pas, elle prenait soin. Ce n’est pas incompatible, mais c’est très différent. Les deux doivent se compléter. » [1] Ces propos pourraient éclairer aussi l’action de sœur Emmanuelle en Egypte.

Ces deux femmes nous invitent à prendre en compte leur démarche à la fois humanitaire et profondément spirituelle. Au service de l’homme souffrant, elles témoignent d’une profonde “charité“ : non pas cette condescendance que réfutent ceux qui n’aiment pas qu’on leur “fasse la charité“. Mais une charité qui se vit à l’image de l’amour du Christ pour tous les hommes. Mère Teresa et sœur Emmanuelle rappelaient souvent la nécessité de la prière et de la contemplation, lieux de leur ressourcement pour leurs engagements choisis.

Quand Xavier Emmanuelli fait la différence entre “soigner” et “prendre soin” il montre la grandeur de ceux et celles qui savent poser des gestes techniques, certes, faire des soins, donner des traitements, faire de la prévention mais qui savent témoigner d’une vraie compassion et d’un réel accueil de l’autre dans tout ce qu’il est. Prendre soin c’est aller plus loin qu’un regard sur la maladie ou la détresse c’est reconnaître une personne affrontée à tout ce qui peut la faire souffrir. C’est voir la personne dans sa globalité. Les personnes œuvrant dans la pastorale de la santé nous invitent à changer de vocabulaire : plutôt que de parler du “malade“, parlons de la “personne malade“. La personne ne se réduit pas à sa maladie. Tout l’art de la présence auprès d’elle consiste à développer toutes les richesses qu’elle possède pour affronter sa pauvreté et ses souffrances. Sœur Emmanuelle s’est employée à mettre en œuvre biens des potentialités que portaient en eux ceux et celles qu’elle a rencontrés sur les tas d’ordures du Caire. Elle a “pris soin“ des chiffonniers !

[1Xavier Emmanuelli, L’homme n’est pas la mesure de l’homme, Presses de la Renaissance.

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/02/2009