31e dimanche ordinaire

1. Quelle lumineuse parole que celle que nous venons d’entendre. Elle irradie toute la scène : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi ! » « Descends vite » comme s’il n’y avait plus de temps à perdre. « Il faut que j’aille », comme s’il y avait urgence absolue. « Demeurer chez toi » comme pour qui va chez un ami qu’il a hâte de retrouver.

2. Pourtant, il n’était l’ami de personne, ce collecteur d’impôts de l’opulente ville résidentielle d’Hérode. Il avait bien raison de se cacher pour ne pas sentir peser sur lui le regard réprobateur de ceux qu’il rançonnait pour le compte des Romains. Dans un sycomore bien touffu, on ne le verrait pas. Mais Zachée voulait voir Jésus. On parlait tant de cet homme et ce qu’il disait et faisait était tellement autre. N’avait-il pas donné en exemple ces Samaritains réprouvés, promis les premières places dans son Royaume aux prostituées ? Zachée vient d’apprendre que Jésus est aux portes de la ville. Il vient de rendre la vue à Bartimée, cet aveugle mendiant. Une foule suit. Cela fait du bruit. C’est l’occasion.

3. Mais surprise ! Du milieu de cette foule bruyante, alors qu’il est pressé de toutes parts, c’est vers cet homme qui ne veut pas être reconnu, caché à distance, que Jésus lève les yeux. Leurs regards vont se croiser. Le sien, tout de curiosité et celui de Jésus, celui qu’il portait sur les petits, les laissés pour compte. Zachée dut avoir un choc lorsqu’il entendit Jésus l’appeler par son nom, lui demander l’hospitalité dans sa maison dont aucun Juif respectueux de la Loi n’aurait franchi le seuil. Avec une totale liberté, Jésus outrepasse un interdit, une fois de plus.

4. Voilà ce qui émeut Zachée, ce qui le convertit. Lui qui se savait détesté, voici qu’il s’entendit dire : « Je te considère ; je pense que tu es capable de bien alors que tout le monde pense de toi le contraire. » Tout d’un coup, cet homme s’est senti regardé autrement, au-delà de ce qu’on lui reprochait, au-delà de son regard sur lui-même, très dépendant de celui des autres. Sans lui demander des comptes, ni de changer. Il en est retourné et « Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie ». Vite, avec joie… Zachée ne pouvait plus que s’empresser de recevoir celui qui le considérait comme un ami. Il s’était mis à distance, s’était caché et le voilà mis au premier rang, au vu de tous. Celui qui ne pensait jusque-là qu’à s’enrichir au détriment de ses concitoyens, va maintenant distribuer à profusion, bien au-delà de ce que la loi prescrivait. Parce Jésus avait porté un autre regard sur lui, Zachée porte maintenant un autre regard autour de lui. Ce jour-là le salut est entré dans cette maison : « Jésus » ne signifie-t-il pas « Dieu sauve » ?

5. L’histoire de Zachée est signifiante pour chacun de nous. Elle nous dit le chemin de la joie de la foi. Il nous suffit de sentir le regard de Jésus sur nous. Celui qui fit pleurer Pierre au sortir du prétoire romain, celui qui mit Paul à terre sur le chemin de Damas, celui que n’a pas croisé ce jeune trop riche, celui qui a rendu la vue à l’aveugle de la piscine de Siloé. La manière de Jésus nous conduit à changer notre regard. Le passant que nous croisons a son histoire, porte en lui bien des épreuves que nous ne connaîtrons jamais. Pourquoi alors notre regard ne serait-il pas bienveillant, d’emblée, systématiquement ? Pourquoi nos yeux, notre visage ne diraient-ils pas : « Tu ne m’es pas indifférent ; je veux secrètement partager tes soucis, porter un peu de tes peines ? Vois en moi non un étranger mais un frère, un ami de la suite de Jésus. » Penser cela, montrer cela, c’est déjà demeurer chez lui avec les sentiments de Jésus. Et ce faisant, c’est encore nous qui bénéficierons en premier du salut apporté par Jésus. Puisqu’il demeure chez nous comme chez lui.


Zachée, petit homme, tu voulais bien savoir
Quel était cet homme de si grande renommée
Qui soulevait tant de poussières et d’espoirs
Pour ces humbles des terres de la mer de Galilée.

Zachée, petit homme, si riche en tes avoirs,
Près de toi, il s’est arrêté comme s’il avait deviné
Que tu souffrais de cette pauvreté cachée
Dont on revêt les pestiférés qu’on tient à l’écart.

Zachée, petit homme, craint et honni de tous,
Qu’as-tu vu dans son regard levé vers toi
Qui voulais le voir de loin sans être vu,
Alors que tu étais le seul qu’il voulait voir ?

Zachée, petit homme, quelle dignité t’a-t-il redonnée
Lorsque chez toi il a voulu tout de suite demeurer
Sans rien te demander d’autre que l’hospitalité
Comme si, pour toi, l’amitié, avait toujours existé !

Seigneur, dans l’instant, tu as donné à Zachée
Ce que le monde depuis toujours lui refusait.
Donne-moi un peu de cette bienveillance
Pour éteindre en moi toute intransigeance.

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 30/10/2022