Histoire d’un mur

C’est l’histoire d’un enfant qui arrive au Paradis. Il est tout heureux, il découvre un univers extraordinaire. Tout ce qu’il avait pu imaginer et désirer se réalise : vraiment la “parfaite béatitude” ! Toutefois, voilà qu’il se trouve face à un interdit que lui signifie saint Pierre. Devant un grand mur qui s’élève dans ce paradis, il entend une recommandation expresse : « Surtout, tu ne montes pas sur ce mur et tu ne cherches pas à voir ce qu’il y a derrière. »

L’interdit pour un enfant, comme pour un adulte d’ailleurs, accroît toujours la curiosité. Un jour, sachant qu’il n’était pas sous le regard de saint Pierre, il escalade le mur et passe la tête pour voir ce qu’il y a de l’autre côté. À son grand étonnement c’est du pareil au même, c’est exactement ce qu’il connaît de son côté ; tout est identique. Pourquoi donc cet interdit ?

N’arrivant pas à taire sa transgression, tout en craignant les réprimandes de saint Pierre, l’enfant s’adresse à lui : « Tu vois, saint Pierre… Je n’ai pas pu tenir. J’ai voulu savoir ce qu’il y avait de l’autre côté. J’ai passé la tête et j’ai vu que derrière le mur c’était exactement la même chose qu’ici. Pourrais-tu me dire pourquoi ? » Pierre, tout étonné de cette franchise comme de la question, lui répond : « Normalement, je ne dois pas te le dire, c’est un grand secret ! Ce mur est pour les catholiques, c’est pour qu’ils se croient seuls au Paradis. »

Sous le mode d’une histoire plaisante voilà débusquées bien des attitudes et des croyances de catholiques qui pensent être les seuls vertueux à mériter la récompense éternelle. Pendant des siècles, ce point de vue a prévalu ; il ne faisait pas de place à l’annonce d’un bonheur promis à tout homme, invité à y accéder, avec ses valeurs et ses insuffisances, par des chemins de foi totalement différents. Un poète avait ouvert une porte dans ce mur quand il avait parlé de “ceux qui croyaient au ciel et de ceux qui n’y croyaient pas”.

Il faut espérer qu’aujourd’hui, catholiques et autres croyants sachent “se désapproprier” de ce qu’ils peuvent prendre chacun de leur côté, pour la seule et propre vérité sans laisser de place à la vérité de l’autre. Dans le concert des cultures et des religions qui marquent notre environnement actuel, ne faut-il pas nous remettre dans cette perspective plutôt que dans la peur de perdre notre identité ? Chacun se laisse tenter d’élever ses propres murs pour bénéficier des attentions exclusives de Dieu. N’est-ce pas un danger qui nous guette les uns et les autres ?

Même si nous restons toujours sur le seuil du mystère de Dieu, nous pouvons toujours dire avec prudence que, si Dieu prend le parti de tous les hommes, il ne cherche surtout pas à les “parquer”.

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/05/2018