Le croissant partagé

Ce matin-là, elle court à vive allure dans la rue. Elle n’a pourtant rien d’une sportive faisant son jogging, elle fait plutôt penser à une secrétaire pressée de se rendre à son travail et de rattraper peut-être son retard. N’ayant pas pris le temps du petit-déjeuner, elle s’est, sans doute, arrêtée à la boulangerie du quartier pour acheter un croissant. Son pas précipité ne l’empêche pas de le manger. Un homme qui fait la manche la regarde arriver. Au moment où elle passe devant lui, elle stoppe brusquement et dans un geste spontané, lui tend le reste de croissant. « Merci ! » Sourire de part et d’autre, puis elle reprend sa course en toute hâte. Indifférent aux règles d’hygiène et de prévention contre la grippe, le mendiant le porte aussitôt à sa bouche, laissant interloqués et admiratifs les témoins de la scène !

Quelques jours après, visitant une personne âgée chez elle, je suis surpris par son accueil. Dès les premiers mots, elle s’exclame : « Avec mon mari, nous savons maintenant ce qu’est la fraternité. Nous avons des voisins charmants, prêts à nous rendre des services. Ils viennent nous voir très souvent avec les personnes que nous rencontrions auparavant à la messe dans la chapelle du quartier. »

Dans le hall d’une gare parisienne où déambulent des milliers de personnes en fin de journée, à trois reprises je suis sollicité par des jeunes qui disent : « Quelque chose pour manger... », seuls mots de français qu’ils semblent connaître. Ma surprise est grande quand, par deux fois, une jeune fille étrangère, assise à côté de moi, sort un yaourt pour le donner à un jeune. Peu après, elle fait de même avec un autre.

Trois événements qui méritent d’être relevés en ces temps où le mot « fraternité » est fréquemment employé dans des discours politiques et où la peur gagne les uns et les autres. Le vivre ensemble est exigeant et nous risquons de nous en protéger. La gratuité de ces comportements s’inscrit en faux comme une réponse possible. Les deux yaourts offerts au milieu de cette foule anonyme, le croissant partagé sur un trottoir, les voisins soucieux des personnes âgées, tout cela rayonne de chaleur humaine...

La parole de Nelson Mandela donne tout son sens à ces gestes du quotidien perçus comme des “scintillements” : « En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant. » Aujourd’hui, en voyant les croissants chez mon boulanger, en prenant un yaourt dans le réfrigérateur, me reviennent à l’esprit ces signes de fraternité que j’ai la joie de partager avec vous. Puissions-nous en faire autant !

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/03/2018