Sainte Trinité (26/5) : Pistes pour l’homélie

Piste 1

Toutes les fêtes se réfèrent à un événement passé, soit la naissance de Jésus à Noël, sa résurrection à Pâques, le don de l’Esprit à la Pentecôte… tandis que la fête de la Sainte Trinité semble être quelque chose de tout à fait abstrait. Le mot « trinité » n’est d’ailleurs pas biblique. On parle bien du Père, du Fils et du Saint Esprit mais jamais n’apparaît le mot trinité. Et pourtant, comme vous allez le voir, la fête de la Trinité est très belle parce qu’elle nous permet de pénétrer au cœur même de la vie de Dieu, elle nous révèle sa plus profonde intimité. Elle nous dévoile toute l’originalité de Dieu par rapport aux autres divinités.
En effet toutes les religions monothéistes nous présentent des dieux solitaires qui se suffisent à eux-mêmes.
Or le Dieu de Jésus est tout à fait le contraire, il n’est pas un Dieu bétonné dans sa suffisance, replié sur lui-même mais un Dieu à l’intérieur duquel il y a une altérité, un échange, une communion, une relation, une communication, une circulation, un partage… autrement dit un Dieu dans lequel il y a un mouvement perpétuel de vie.
Le Père n’existe que grâce au Fils et le Fils grâce au Père et tous deux en se tournant vers l’Esprit en reçoivent son souffle. Chacun vivant par l’autre et pour l’autre.
Or nous dit la Bible, dès le commencement, « nous sommes créés à l’image de Dieu » cela signifie que pour devenir vraiment humain, pour atteindre la profondeur de notre humanité, notre vie doit devenir de plus en plus semblable à celle de Dieu c’est à dire une vie relationnelle, une vie de communion.
Nous savons déjà que nous nous recevons des autres, nous sommes ce que nous sommes grâce aux autres qui nous font devenir : « Je suis moi grâce à toi. » C’est mon enfant qui me fait devenir père, c’est mon épouse qui me fait devenir époux, ce sont mes ouvriers qui me permettent de devenir chef…
L’humain est donc un être essentiellement relationnel, de communication, d’échange. C’est le mal ou le péché qui fausse cette relation ou l’anéantit : lorsque je ne laisse aucune place à l’autre ou pire, lorsque je l’utilise pour satisfaire mes envies.
Par contre, le plus grand bien, la source du bonheur et de tout enrichissement c’est lorsque dans un mouvement réciproque on se valorise et se fait grandir mutuellement.
Cela implique naturellement une énorme modestie, il faut savoir reconnaître que seuls nous ne pouvons rien, nous avons besoin de l’autre, nous ne pouvons exister que l’un par l’autre.
Accepter l‘autre tel qu’il est, dans ses différences, s’élever mutuellement, se procurer du bonheur… ne serait-ce pas tout simplement la définition de l’amour ?
En résumé, si la fête de la Trinité n’est pas un événement, elle nous fait pénétrer au cœur de l’avènement, au cœur de Dieu, nous devenons ses intimes et, ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est qu’en nous introduisant dans la famille divine, elle nous fait atteindre le sommet de la vie en nous permettant de vivre du même amour que Dieu.

Piste 2

« L’homme descend du singe ! » Même si cette hypothèse est parfois remise en question par certains conservateurs, il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui elle est universellement admise. Il reste cependant la question de savoir à partir de quand a-t-on pu distinguer l’homme de l’animal ? Selon quels critères peut-on dire, en découvrant des ossements : « Celui-ci est un singe, celui-là est un homme ? »
Un signe déterminant qui marque le début de l’humanité est le jour, je pense, où l’on a commencé à enterrer les morts. Par ce geste, l’homme débutant, signifie qu’il espère en un au-delà, il croit en un quelque-chose de plus grand que lui. C’est ainsi que prirent naissance les divinités.
Depuis lors, l’homme n’a cessé d’être en recherche et de s’interroger sur sa destinée.
C’est ainsi que progressivement se sont élaborées une multitude de religions aux divinités multiples, jusqu’au jour où le christianisme offrit au monde, en la personne de Jésus, l’image la plus originale de Dieu.
Remarquez que Jésus ne s’est jamais présenté comme une divinité mais comme quelqu’un qui entretenait une relation privilégiée avec Dieu, une intimité tellement grande qu’il fait, peut-on dire, partie de la famille de Dieu, il est fils de Dieu et nous appelle également à vivre une telle relation, au point que nous puissions dire nous aussi que nous sommes fils de Dieu.
Le Dieu que Jésus nous dévoile, contrairement aux autres divinités, n’est pas un Dieu solitaire qui se prend pour le centre de l’univers ou vers qui tout doit converger. Il est un Dieu relationnel, d’échange et de communion. Un Dieu à l’intérieur duquel il y a une altérité, une communication, un amour.
Or une relation, un échange implique nécessairement un vis-à-vis. Si Dieu est amour il a logiquement en face de lui un partenaire. Il est donc un Dieu aux multiples visages, que les évangiles nous présentent comme Père - Fils et Esprit, tellement unis qu’ils ne font qu’un.

C’est un mystère, dit-on ! Oui, mais tout autant que l’humain lui aussi est un mystère. En effet, créés à l’image de Dieu, nous ressemblons d’abord au Père qui crée et donne la vie. Donc nous lui ressemblons quand nous sommes capables du don de nous-mêmes, du don de vie comme père et mère mais aussi quand nous aidons les autres à vivre, quand notre considération et notre encouragement les font exister.
Nous ressemblons au Fils, notre frère en humanité, lorsque nous vivons le respect et la solidarité, lorsque notre amour est sincère et actif auprès de ceux qui nous entourent.
Nous ressemblons à l’Esprit, lorsque nous accueillons et faisons la vérité dans notre vie comme dans la vie de toutes celles et ceux que nous côtoyons.

Cette fête de la Trinité est la fête de Dieu d’abord, mais aussi notre fête puisque nous sommes tous invités à entrer dans cette intimité de Dieu, cette communion avec un Dieu qui n’est pas seulement trois mais bien plus largement toute une famille.

Piste 3

Tous nous avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Quel est donc ce Dieu au triple nom ? Depuis toujours les hommes ont tenté en vain de percer ce mystère ! Ce Dieu, dit la Bible, nous a créés à son image et selon sa ressemblance. Alors, en toute logique cela signifie, que nous reproduisons les caractéristiques essentielles de Dieu !
Si nous voulons entrevoir le modèle il suffit donc de nous regarder nous-mêmes. C’est, me semble-t-il, en partant de nos relations humaines que nous pourrons comprendre qui sont le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Nous sommes tous « Père » : car tous nous exerçons une « paternité » ou une « maternité ». Cela veut dire que nous sommes tous à l’origine de quelque chose, que nous sommes « source ». Ainsi par exemple un tout petit peut déjà être source quand il commence consciemment à mettre ses cubes les uns sur les autres ou à réussir un beau pâté de sable. En grandissant il deviendra de plus en plus père, dans la mesure où il saura donner davantage, y compris sa force de paternité. Nous sommes d’autant plus « Père » que nous suscitons des êtres libres et capables d’être source à leur tour.

Nous sommes tous « Fils » car tous nous recevons.
Nous sommes tous fondamentalement réceptifs. Etre fils et fille c’est recevoir la vie, être dépendant de, existant par quelqu’un d’autre. C’est vrai pour le bébé qui tête sa mère, c’est vrai de l’enfant qui va à l’école, mais c’est encore tout aussi vrai de l’homme, fût-il père de famille ou chef d’entreprise. Il reçoit encore et toujours, de son épouse, de ses enfants, de ses amis ou collaborateurs.
La filiation est donc constitutive de l’homme.
Nous pouvons chacun nous percevoir entièrement « fils » !

Nous sommes aussi « Esprit ».
En effet nous n’avons pas seulement des relations de « don » ou de « réception », nous avons aussi des relations d’échange dans le va-et-vient du dialogue, de la communication, de l’amour.
En ce sens nous sommes comme le souffle de la respiration, le mot « Esprit » signifiant « souffle ».
Ce souffle comporte un double mouvement d’inspiration et d’expiration.
L’amour est ainsi partage et réciprocité, échange permanent. Il est cette réalité de deux êtres totalement de l’un et totalement de l’autre.

Ainsi, voyez-vous, tous nous sommes appelés à reproduire le mystère de la Trinité au cœur même de nos relations les plus quotidiennes.
Ce regard porté sur nous-mêmes nous éclaire dans ce mystère d’un Dieu en trois personnes.
Puissions-nous dorénavant dans nos prières, nous tourner :
- vers le Père lorsque dans notre journée nous aurons pu être « source » ou « créateur ».
- le Fils lorsque nous aurons bénéficié de l’apport des autres.
- vers l’Esprit lorsque dans notre journée, le partage et l’amour auront été dominants.

Piste 4

Il est parfois difficile, lors d’une réception, d’un dîner… d’entretenir la conversation avec d’autres personnes que l’on rencontre pour la première fois. On n’a pas grand-chose à se dire, à échanger, on parle de la pluie et du beau temps.

Par contre lorsqu’on est entre amis, si longue que soit la rencontre, lorsqu’arrive le temps de se quitter, il semble que l’on n’a pas tout dit et qu’il y a encore tant de choses à se raconter. En réalité, lorsque je dis à mon ami, « j’avais encore beaucoup de choses à te raconter », j’exprime mon désir de faire passer à l’autre le fond de moi-même que je ne parviendrai jamais à dire avec des mots.
Avant de quitter ses apôtres, Jésus lui aussi a la même réflexion : « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire. »
Malgré toutes les années que j’ai vécues avec vous, semble dire Jésus, je ne suis pas parvenu à vous faire passer tout ce que je suis, tout ce que je vis, tout ce que je ressens, à vous faire comprendre le fond de mon cœur et de ma foi.
Jésus a beaucoup parlé aux foules, parfois même des journées entières au point que le soir tout le monde avait faim, or étrangement les évangiles ne relatent que très peu le contenu de ses discours.
Mais ces discours de Jésus, loin d’être de la grande théorie, plongent leurs racines dans la vie quotidienne. Autrement dit les discours de Jésus s’exprimaient essentiellement par des actes : il remettait debout, il rendait vigueur, il faisait s’ouvrir les yeux et les oreilles, il rendait la dignité aux pécheurs, l’espérance aux éclopés, un avenir nouveau à tous les marginaux qu’il rencontrait et ouvrait les cœurs au partage… autant de gestes qui parlaient beaucoup plus que des discours.

Aujourd’hui, Dieu a encore bien des choses à dire aux hommes, mais il n’a plus la voix ni les mains de Jésus, il n’a plus que nous pour se révéler.
Quelle tâche importante ! Comment pouvons-nous encore aujourd’hui bien parler de Dieu ?

Jésus nous dit : « Quand il viendra lui l’Esprit de Vérité, il vous guidera vers la Vérité toute entière, il redira tout ce qu’il aura entendu. »
Il nous guidera vers la Vérité ! Mais qu’est ce que la Vérité ? Et quelle Vérité ?
Même Jésus n’a pas répondu à cette question de Pilate.
Mais ce qui est quasi certain c’est que la Vérité n’est pas d’abord une connaissance intellectuelle, un savoir, la Vérité est une personne. Or une personne, on n’a jamais fini de la découvrir par ses paroles et par ses actes, comme je le disais au début, quand on aime on n’a jamais fini de se dire, de dire sa vérité.

Il en va de même pour Jésus, il est venu nous dire le Père, la Vérité du Père, il l’a dit le plus parfaitement possible avec nos moyens humains. Les apôtres, et nous ensuite, nous n’avons pu saisir que des bribes de cette révélation.
Heureusement Jésus nous promet une aide, c’est grâce à l’Esprit que nous pouvons continuer notre découverte de la Vérité de Dieu pour ensuite nous aussi le révéler à notre tour, non pas tant en discours, mais comme Jésus par nos actes et nos engagements dans le monde auprès de nos frères et sœurs en humanité.

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Georges LAMOTTE

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.

Publié: 26/04/2024