Une histoire de salade

Acheter une salade, trouver la moins chère et la plus avantageuse, tel était mon objectif en entrant dans le marché couvert. Quoi de plus banal dans ce geste familier ? Ce ne sont pas les salades qui manquent à des prix différents, et un choix s’impose. Mon achat va se transformer en une jolie petite histoire pleine de surprises. Dans le banal du quotidien se révèle l’insolite.

Au stand d’un maraîcher, c’est le grand père qui sert. Sa disponibilité, au temps de la retraite, lui permet de rendre ce service à ses enfants. Il en est tout heureux. Chez lui, je trouve la « feuille de chêne » recherchée, un peu petite comme son prix de 0,90 €. Le grand-père me voit hésitant : « Cherchez une salade plus grosse, il y en a au fond du bac ! » Tout en disant cela, il me rejoint devant l’étal et cherche la salade qui peut me satisfaire.

J’exprime à la fois ma satisfaction et mon étonnement : une conversation s’engage. J’apprends qu’il fut artisan maçon, pendant plus de quarante ans. Pour confirmer son propos, il me montre ses mains de travailleur manuel, il ajoute : « Ce qui, pour moi, est le plus important dans la vie, ce sont les relations humaines. Je m’efforce d’être bien avec tout le monde et d’avoir des relations agréables avec chacun que cela concerne les clients d’autrefois, ou ceux que je rencontre aujourd’hui... Oui, répète-t-il, c’est le plus important d’une vie, alors qu’il y aurait de quoi se fâcher avec certains. »

Le témoignage de mon vendeur me touche, et nous continuons à parler de ce qui nous paraît être l’essentiel dans la vie. Il se trouve conforté en me prenant à témoin comme prêtre, pour authentifier la validité de ses choix.

Voilà l’histoire de ma salade « feuille de chêne ». En l’apprêtant pour le repas, je me réjouissais d’avoir vécu une rencontre comme je souhaiterais en faire souvent, enrichissantes, empreintes de vérité et de sagesse. Lors d’une prochaine venue au marché, pourquoi ne pas me poser la question : derrière le visage des autres commerçants n’y aurait-il pas à découvrir des personnes aussi riches d’humanité ? Une parole, un regard, mais aussi une certaine disponibilité, peuvent permettre de telles rencontres… Sont-elles possibles dans la file d’attente, devant les caisses d’un supermarché ?

Une suggestion… lorsque nous faisons le plein de notre cabas n’y aurait-il pas aussi un supplément d’être à offrir ou à recevoir ? Ce matin, pour 0,90 € j’ai fait un plein d’humanité !

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/06/2022