22e dimanche ordinaire

1. Le sabbat est un jour de fête et le repas doit être en accord. En outre, celui auquel est invité Jésus devait être à la hauteur de son hôte, un chef des pharisiens. On peut s’étonner d’ailleurs d’y voir Jésus dont on sait qu’il fut très critiqué par les pharisiens les plus observateurs de la Loi. Mais cela peut se comprendre si l’on se souvient que Jésus, avant d’être un objet de scandale, fut d’abord un objet de curiosité. Et quelle meilleure occasion de l’interroger que de l’inviter à un repas avec les spécialistes et dignitaires de la religion juive ? Et Jésus parle. Deux fois, et chaque fois en partant d’observations des comportements bien ordinaires, bien humains : la recherche des premières places.

2. Jésus s’adresse à une assemblée de la tendance pharisienne qui se disait sûre d’avoir, aux yeux de Dieu comme aux yeux des hommes, la première place. Les invités devaient être des personnes des mieux placées dans la ville. Ils sont attrayants, les hommes qui ont réussi en affaires, en politique. Ils ont des pouvoirs et des clés qui peuvent nous ouvrir des portes, obtenir de mieux vivre, de mieux réussir, enfin de leur ressembler ! Pour monter dans l’échelle de la considération publique, ne vaut-il pas mieux s’asseoir à côté de ceux qui ont pouvoir, fortune, renommée ? Et il apparaît bien que celui qui se met à la dernière place y restera longtemps. A l’occasion de cette observation et à travers sa recommandation, Jésus veut nous conseiller bien plus qu’une attitude de bienséance. Son enseignement est tissé de la trame de l’humilité, cette disposition d’esprit dont on ne parle guère parce qu’on y voit comme un abaissement, ce qui n’est pas faux, ou comme une humiliation, ce qui est faux.

3. Humus, la terre, est la racine du terme humilité. On peut méditer là-dessus. Nous venons de la terre et à la terre nous retournerons. C’est vers la terre qu’il faut se pencher si nous voulons ensemencer, cultiver, récolter. Dans ces gestes, il ne doit y avoir que du respect, de la reconnaissance, tant nous lui devons. En la regardant, nous pouvons apprendre l’humilité. Nous pensons tout savoir, tout pouvoir mais ne savons pas, nous ne pouvons pas faire ce que la plus petite araignée sait faire. Nous nous perdons dans les cohues, les déserts ; le plus petit passereau, lui, sait retrouver son nid, entendre ses petits l’appeler au loin. Que penser devant les arbres multi centenaires ? Toute la création devrait nous conduire à plus d’humilité. François d’Assise, dans son Cantique des créatures, n’eut pas son pareil pour voir dans la création la plus belle louange au Seigneur. Il le terminait par cette invitation : « Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité. »

4. « Je suis doux et humble de cœur » dit Jésus. Des mots qui durent surprendre les disciples, venant de celui qu’ils considéraient comme un maître, voire l’envoyé de Dieu. Avec ces mots, on entre dans une autre dimension de la foi chrétienne. Alors que l’homme des cavernes s’était représenté Dieu avec grande puissance, dans le tonnerre des montagnes et le fracas des mers, le croyant juif du Premier Testament dialogue avec lui. En Jésus, il vient à lui, appelle aux portes de son cœur. Au lieu de la crainte qui fait mettre à distance, il invite à s’asseoir à côté de lui. Du jamais entendu. Quelle tristesse que de ne pas l’entendre !

5. Jeudi dernier on fêtait le roi de France Louis IX, saint Louis. Son biographe raconte que « s’il y avait parmi ses pauvres un aveugle ou un mal voyant, le roi lui mettait un morceau dans l’écuelle et lui enseignait comment il devait mettre la main à l’écuelle ; et encore plus quand il y avait un mal voyant et un impotent, il mettait du poisson devant lui, prenait le morceau de poisson et en retirait les arêtes diligemment de ses propres mains, et le mettait dans la sauce, et alors le mettait dans la bouche du malade ». Dans les recommandations dernières à son fils, on lit : « Cher fils, s’il advient que tu deviennes roi, prends soin d’avoir les qualités qui appartiennent aux rois. Et s’il advient qu’il y ait querelle entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu’à ce que tu saches la vérité, et quand tu la connaîtras, fais justice. » Ce roi montra que grande noblesse et humilité pouvaient marcher ensemble.

6. L’humilité n’est pas humiliation mais vérité. Être vrai devant le Seigneur, c’est d’abord reconnaître notre indigence, la pauvreté de notre amour, l’absence de notre reconnaissance. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » écrivait l’apôtre Paul. Saint Augustin que nous fêtons aujourd’hui a écrit : « S’il t’advient de dire : “Cela suffit, je suis parvenu à la perfection”, tout est perdu. Car c’est la fonction de la perfection de nous faire connaître notre imperfection. » Être vrai devant notre prochain, c’est s’attacher à ne pas donner le change. André Gide a écrit : « On veut donner le change et l’on s’occupe tant de paraître qu’on finit par ne plus savoir qui l’on est. » Nous avons entendu en première lecture Ben Sira le Sage nous dire : « Accomplis toute chose dans l’humilité et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. »

Seigneur j’ai tout à apprendre. Toi qui nous vois faire tant d’efforts pour nous élever, donner le change, aide-nous d’abord à nous regarder nous-mêmes tels que nous sommes, en vérité, afin de regarder l’autre plus justement.


Seigneur,
Je la connais cette envie
Qui me dit à l’oreille
De me mettre en avant
Et dire à tout venant
Qu’il n’y a pas mon pareil.

Seigneur,
Je la connais cette jalousie
Qui me fait mettre la suspicion
Sur la réussite et les opinions
De qui ne partage pas mon avis.

Seigneur,
Je le connais ce silence
Qui me tient à distance
De la reconnaissance et du merci
A qui je dois bien plus que je ne dis.

Apprends-moi, Seigneur, les chemins
De l’humilité qui fait de la place
A celui que tu as mis à mes côtés
Pour me faire connaître la richesse
De ta création et la joie de partager
Le trésor qu’en nous tous tu as distribué.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 28/08/2022