Vivre l’Avent avec Marie

Ave Maria – Je vous salue, Marie – réjouis-toi

Chairè kecharitômenè – Réjouis-toi pleine de grâce : cette salutation retentit à l’aube des temps nouveaux, où Dieu vient se manifester de façon nouvelle, unique et définitive. L’avènement du Fils de Dieu dans le temps et dans le monde s’annonce avec JOIE et GRÂCE ! Et l’adresse de cette bonne nouvelle sans pareil est MARIE, jeune fille de Nazareth.

Prenons le chemin de l’Avent avec elle, Marie de Nazareth. Prenons comme guide cette prière dite dans toutes les langues et répétée des billions de fois au cours des siècles. Imaginons que chaque Ave Maria est une étoile qui scintille dans le ciel froid de ces semaines d’hiver.

Cette prière résume en quelque sorte tout ce que nous pouvons dire de Marie et nous fait découvrir les différents dogmes que l’Église a formulés pour insérer Marie dans le plan de salut de Dieu.

Nous nous mettons en route avec Marie, en nous attardant sur les mots de la prière angélique d’une richesse inouïe et nous demandons au Saint-Esprit de nous ouvrir l’intelligence et le cœur pour pouvoir bien vénérer celle devant qui les anges s’inclinent respectueusement.

Le nom de Marie

Commençons avec le nom de Marie.

Myriam peut provenir de l’égyptien mir qui signifie la bien-aimée, l’aimée. Yah est la première syllabe du nom divin Yahvé, le Dieu de l’Alliance (). Myriam signifierait alors la bien-aimée de Dieu.

Myriam peut aussi venir du syriaque mar, un mot qui désigne l’épouse du souverain. Myriam signifierait alors la princesse. Saint Jérôme traduisait ainsi le nom de Marie par « la Dame »... d’où sans doute notre Notre Dame.

Myriam en hébreu signifie étoile de la mer (Ave maris stella !).

On ne sait point si ce fut par une révélation particulière que ce nom est donné à la Sainte Vierge, mais il n’y a point de doute, disent les Pères, que Dieu ne le lui ait donné. « Aussitôt, dit saint Pierre Damien, que le nom de Marie fut tiré du sein de la divinité le grand ouvrage de notre salut fut résolu et comme sans le Verbe rien n’a été créé aussi rien n’a été réparé sans Marie. »

C’est donc un nom de salut, un nom de bénédiction, un nom de miséricorde ; aussi est il descendu du ciel car, dit saint Epiphane, « ce ne furent pas les parents de Marie qui lui donnèrent ce nom auguste il lui fut imposé par la volonté de Dieu ».

« Certainement, dit saint Bernard, la Mère de Dieu n’a pas eu un nom qui lui convînt mieux que celui de Marie ni qui signifiait mieux son excellence, ses grandeurs et sa haute dignité Marie est cette belle et brillante étoile de cette vaste et grande mer du monde. Perdre de vue la céleste étoile c’est se mettre dans un danger évident de s’égarer ou de donner sur les écueils, c’est enfin courir à un triste naufrage. Les tempêtes sont fréquentes sur cette mer orageuse. Voulez vous éviter le naufrage regardez toujours cette étoile, appelez Marie à votre secours, invoquez sans cesse le nom de Marie. »

« Êtes-vous en butte aux malheurs, dit le grand Albert, êtes-vous désolé par les accidents fâcheux de la vie, êtes-vous accablé par les plus amères adversités invoquez le nom de Marie ! »

« Ô Marie ! Nom béni que j’aime et que je vénère du plus profond de mon être ! Je l’atteste par mon expérience : quand un cœur a reçu du ciel le don précieux de recourir à Marie dans ses peines, ses dangers, ses épreuves, ce cœur est pacifié, reposé, béni ! » (Jacques Fesch, un des derniers condamnés à mort français, exécuté le 1er octobre 1957 ; converti en prison, mystique, en procès de béatification).

La salutation de l’ange Gabriel : Chairè kecharitômenè

Venons-en à la salutation de l’ange Gabriel : Chairè kecharitômenè – Réjouis-toi, pleine de grâce.

Le premier mot de l’ange Gabriel à Marie est Chairè, une salutation courante dans le monde grec ; elle équivaut à notre Salut !. Le mot grec est traduit par saint Jérôme par Ave.

L’ange salue Marie donc par un mot courant, connu, employé fréquemment. Nous entendons dans cette salutation adressée par l’ange à Marie une parole de Dieu : parole habillée de la plus grande simplicité quotidienne des hommes – parole de Dieu allant bien au-delà d’un simple salut !

Marie ne se trompe pas, elle réfléchit ce que cette salutation peut signifier. La traduction du grec Chairè (du verbe chairô = se réjouir) signifie Réjouis-toi !. L’évangéliste Luc choisit bien consciemment ce mot, il fait résonner en Marie toutes ces paroles prophétiques de la réjouissance que Dieu préparera à son peuple : « Réjouis-toi, fille de Sion » () – il remet au cœur de Marie cette immense espérance du peuple choisi de voir apparaître le Messie, de voir venir celui qui sauvera son peuple – il ravive en Marie l’attente du Salut qui vient de Dieu. Et, Marie représente le peuple de Dieu en attente joyeuse.

La joie est un thème récurrent dans l’évangile de Luc : joie dans le chant du Magnificat, passant par ceux qui accueillent la Parole « avec joie » (), par le peuple qui se réjouit de ce que Jésus fait (), par Zachée qui accueille Jésus avec joie (), jusqu’à la joie avec laquelle les disciples chantent la louange de Dieu en accompagnant Jésus dans son entrée à Jérusalem (), et la grande joie dans laquelle les disciples rentrent à Jérusalem après l’Ascension ().

L’Eglise d’Orient a retenu cette salutation Réjouis-toi, notamment dans ce passage de l’Acathiste (6e ou 7e siècle) :

Un ange fut envoyé du ciel dire à la Mère de Dieu : Réjouis-toi !
Et saisi d’admiration, en vous voyant, Seigneur, vous incarner à cette Parole immatérielle, il se tenait devant elle en s’écriant :
Réjouis-toi, toi par qui resplendira la joie !
Réjouis-toi, toi le relèvement d’Adam déchu !
Réjouis-toi, car tu es le trône du grand Roi !
Réjouis-toi, car tu portes Celui qui porte toutes choses !
Réjouis-toi, Etoile annonciatrice du soleil !
Réjouis-toi, Sein de la divine incarnation !
Réjouis-toi, toi par qui est renouvelée la création !
Réjouis-toi, toi par qui et en qui est adoré le Créateur !
Réjouis-toi, Epouse inépousée !
Vierge !

En écho, et en continuation de la salutation de l’ange nous chantons le Magnificat avec Marie qui y chante les prévenances et les merveilles que Dieu fait pour elle.
Réjouis-toi, Marie – et chante ton Magnificat – et laisse-nous joindre nos voix à la tienne pour nous laisser combler des grâces de miséricorde et de salut !

Comblée de grâce

La 2e parole de la salutation de l’ange est comblée de grâce.

Le messager salue Marie comme pleine de grâce : il l’appelle ainsi comme si c’était là son vrai nom. Il ne donne pas à celle à qui il s’adresse son nom propre suivant l’état civil terrestre : Miryam (Marie), mais ce nom nouveau : Pleine de grâce (Redemptoris Mater 8, Jean-Paul II, 1987).

Oui, c’est bien là ce qui exprime le mieux qui est la jeune Myriam de Nazareth : elle est l’aimée de Dieu depuis toute éternité, elle est l’élue, la comblée, la bénie de « toutes sortes de bénédictions spirituelles dans le Christ » (). Elisabeth la dira « bénie entre toutes les femmes », et Marie elle-même dira « désormais toutes les générations me diront bienheureuse » (Magnificat).

Le mot grec kécharitôménê est une forme du chairé - réjouis-toi. La grâce charis a pris possession de la personne Marie et l’a transformée – elle est la grâciée, c’est son essence. Elle est depuis toujours et pour toujours fille de Dieu qui porte de façon parfaite l’image de son Créateur : elle est à l’image et la ressemblance de Dieu.

Cette parole comblée de grâce sera développée au cours des siècles jusqu’à la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX en 1854. En 1858 à Lourdes, en la fête de l’Annonciation, la belle Dame révèlera son nom à Bernadette : « Que soy era Immaculada Counceptiou » - « Je suis l’Immaculée Conception. »

L’hymne de la lettre aux Ephésiens est le seul endroit du Nouveau Testament où ce mot comblé de grâce revient : « Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé » () – ou plus littéralement : « dans laquelle il nous a comblés de grâce en son Bien-Aimé ».

Cette parole de l’ange nous renvoie aussi au dogme et à la fête de l’Assomption : celle que Dieu a comblée de grâce dès le début de son existence, il la comble aussi à la fin de sa vie terrestre et la prend corps et âme auprès de lui : Marie est la première à être sauvée, c’est-à-dire de participer à la vie de Dieu, dont l’accès a été acquis par Jésus Christ dans sa vie, sa mort et sa résurrection.

Le Seigneur est avec toi

La 3e parole de la salutation de l’ange Le Seigneur est avec toi transcrit en quelque sorte la grâce dans l’aujourd’hui de Marie. L’expression est ancienne et revient dans l’Ancien Testament quand un homme est appelé pour un projet de Dieu : ainsi Dieu dit à Moïse « Je serai avec toi », l’ange donne à Gédéon cette promesse pour réaliser le projet de libération de Dieu et chasser les Midianites « L’Eternel est avec toi. » Et dans le psaume 22 () nous prions : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. »

Dans cette parole résonne déjà aussi le nom de l’enfant dont Marie sera la mère : tu lui donneras le nom de Jésus (Le Seigneur sauve) – l’évangile de Mathieu reprend la promesse du prophète Isaïe : on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit par Dieu avec nous.

Le Seigneur est avec toi – le prêtre salue l’assemblée avec cette parole au début des célébrations liturgiques. C’est assurément une promesse déjà réalisée : le Seigneur est avec nous – et nous avons toujours à accueillir cette présence et qui plus est : nous laisser imprégner par cette présence, nous laisser combler par le don de Dieu, par sa grâce – et accueillir dans notre vie de tous les jours celui qui a pris notre corps, a pris notre condition humaine, qui s’est identifié à nous, qui a partagé toute notre vie, de la naissance à la mort, les joies et les douleurs, les bonheurs et les angoisses – pour nous faire participer à sa vie, celle de bien-aimés de Dieu, celle de comblés de grâce.

Tu es bénie entre toutes les femmes

Avec Elisabeth nous saluons Marie Tu es bénie entre toutes les femmes. Nous annonçons la merveille que Dieu fit en elle. Nous lui donnons la place de choix qui lui revient, nous proclamons heureuse celle qui a cru, qui a dit son Fiat, son Oui au plan de salut de Dieu, nous chantons la mère et nous adorons son Fils qui a proclamé l’Évangile, qui par le don total de sa vie nous a sauvés pour nous faire entrer dans la grâce, dans l’amour de Dieu !

Nous regardons les deux femmes enceintes qui sont parfois représentées en mettant leur main sur le ventre de l’autre : l’une plus âgée, l’autre jeune ; l’une s’écriant de joie en accueillant Marie, Marie qui s’est hâtée pour visiter Elisabeth – toutes deux en attente, pleines d’espérance et élevant leurs voix pour partager leur bonheur.

Vivre l’Avent, c’est vivre ce temps avec Marie qui médite en son cœur tout ce qu’elle a appris de la part de l’ange, qui sent grandir en son sein l’enfant qui sera appelé Fils du Très Haut, elle s’habille le cœur (d’après une belle expression de Antoine de Saint-Exupéry dans Le petit Prince) et prépare le trousseau pour la naissance, qui est dans l’action de grâce et chante sans cesse le Magnificat et tressaille d’allégresse en Dieu, son sauveur. Elle se sent éclore comme un bourgeon pour devenir de plus en plus cette fleur unique dans le jardin de Dieu ; elle se sent être l’aurore qui annonce le soleil de justice et sait que la lueur du matin lui vient du soleil qui monte !

Aurons-nous jamais assez de paroles et d’images pour sentir quelque peu la grandeur et la noblesse de Marie qui est entièrement une créature selon le cœur et l’amour de Dieu ?

Marie, mère des croyants, mère de l’Église

Marie, sous la croix, reçoit la mission d’être la mère des croyants, la mère de l’Église. Regarder Marie, méditer la vie de Marie devient toujours méditation sur l’Église, regard sur l’Église.

Regarder Marie avec un regard d’amour pendant ce temps de l’Avent, devient un regard amoureux sur l’Église. Avec un cistercien du 12e siècle, Isaac de l’Étoile, laissons nous entraîner dans une méditation qui met en parallèle Marie et l’Église :

« Tête et corps : un seul tout, le Christ unique. D’un seul Dieu au ciel, et sur terre d’une mère unique. Beaucoup de fils et pourtant un seul. Et tout de même que tête et membres sont un seul fils et plus d’un, ainsi Marie et l’Église sont une seule mère et plus d’une, une seule vierge et plus d’une.
L’une et l’autre mère, l’une et l’autre vierge. L’une et l’autre conçoit du même Esprit sans attrait charnel. L’une et l’autre donne sans péché au Dieu Père une postérité : Marie, sans aucun péché, fournit au corps sa tête ; l’Église, dans la rémission de tous ses péchés, donne à cette tête son corps. L’une et l’autre est mère du Christ : mais aucune des deux ne l’enfante tout entier sans l’autre.
Aussi, dans les écritures divinement inspirées, ce qui est dit universellement de cette vierge qu’est l’Église, l’est aussi de Marie singulièrement ; et ce qui est dit d’une façon spéciale de Marie vierge mère, s’étend à droit en un sens général à l’Église vierge mère : en sorte que, lorsqu’on entreprend de parler de l’une ou de l’autre, ce qu’on en dit s’applique à l’une et à l’autre presque indifféremment et d’une façon mêlée. »

Vivre l’Avent, c’est vivre ce temps avec Marie

Vivre l’Avent, c’est vivre ce temps avec Marie qui accueille humblement la volonté de Dieu : « Voici, je suis la servante du Seigneur. » Elle se fait toute accueillante, toute disponible, toute prête, toute obéissante, toute servante (Luc emploie le mot grec esclave) : son « Oui » exprime toute sa foi, sa confiance, son abandon entre les mains de Dieu.

En croyant à l’accomplissement des paroles divines, Marie devient mère – sa foi était nécessaire pour que précisément ces paroles s’accomplissent. Elle est aussi typiquement celle qui écoute la Parole : elle est le modèle du croyant, la première chrétienne, la disciple modèle et exemplaire. Le concile Vatican II dira qu’elle est « l’associée généreuse » de Jésus.

« La Vierge a été par sa vie le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l’Église, coopèrent pour la régénération des hommes. » (LG 65)

Isaac de l’Étoile développe ainsi, dans une logique parfaite, ce qu’est et doit être le membre de l’Église, le chrétien, l’âme chrétienne : « Chaque âme, fidèle aussi, est épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ. Chaque âme fidèle doit être dite vierge et féconde. La même chose est donc dite universellement pour l’Église, spécialement pour Marie, singulièrement pour l’âme fidèle. L’héritage du Seigneur, au sens universel, c’est l’Église ; au sens spécial, c’est Marie ; au sens singulier, chaque âme fidèle. Dans le tabernacle du sein de Marie, le Christ est demeuré neuf mois. Dans le tabernacle de la foi de l’Église, il demeure jusqu’à la consommation du siècle. Dans la connaissance et l’amour de l’âme fidèle, il demeurera dans les siècles des siècles. »

Une autre dimension apparaît dans cette foi généreuse et joyeuse de Marie, exprimée dans sa réponse à l’ange : « Voici la servante du Seigneur » – l’humilité ! Elle donne sa confiance à la Parole de Dieu dite par le messager céleste, elle accueille la Parole de son Créateur et s’y soumet humblement.

Son attitude est radicalement contraire à celle de Adam et Ève. À l’instigation du serpent, ils avaient mis en doute la Parole de Dieu et lui avaient désobéi. Ils ont voulu se saisir par eux-mêmes de ce que Dieu voulait leur donner de toute éternité dans le cadre d’une relation aimante avec Lui. Ils se sont saisis du fruit de l’arbre pour pouvoir décider de tout tout seul et devenir ainsi heureux par eux-mêmes. À l’orgueilleuse désobéissance d’Adam et Ève qui a conduit l’humanité à sa perte, s’oppose maintenant l’humble obéissance de Marie qui va permettre à l’humanité de retrouver, dans la joie, le chemin de la Vie grâce à Jésus, le Sauveur du monde.

Marie est l’exemple par excellence de tout serviteur du Seigneur : elle accueille sa Parole, lui obéit, le laisse faire et conforme ainsi toute sa vie à son projet. Ce désir de Marie d’obéir humblement à Dieu est très présent dans l’Évangile de Luc qui insiste manifestement sur ce point pour nous offrir Marie en exemple. À son époque, la référence première de ceux et celles qui désiraient accomplir la volonté de Dieu était la loi. Le mot loi apparaît 10 fois en saint Luc. La moitié concerne Marie et son obéissance à la loi. Cette disposition de cœur de Marie d’obéir en tout à la volonté de Dieu renvoie à une catégorie de personnes que l’Ancien Testament appelle les anawims, c’est à dire les pauvres, les humbles. A. Serra les définit ainsi : « À côté du concept matériel de pauvreté - qui signifie le manque effectif de biens économiques - un autre sens apparaît de plus en plus en Israël : une signification morale plus intériorisée. Est pauvre celui qui adhère de tout son cœur au Seigneur, obéissant à la loi et refusant par conséquent toutes les façons humaines d’assurer la sécurité qui sont en opposition avec la volonté divine révélée dans cette loi. »

La pauvreté est pratiquement la foi, avec une nuance d’abandon, d’humilité, de confiance. À Kampala (Ouganda, novembre 2015), le pape François a prononcé cette phrase : « Chers amis, à travers des gestes simples, à travers des actes simples et dévoués qui honorent le Christ dans ses frères et sœurs les plus petits, nous faisons entrer la force de son amour dans le monde et nous le changeons réellement. »

Honorer Dieu dans les plus petits : cette phrase peut sans doute nous aider à réfléchir au sens de la fête de Noël. Nous allons célébrer dans quelques jours le mystère du Verbe de Dieu fait chair. Dieu vient à nous, se fait proche, pour nous donner sa vie. Noël - il s’agit bien de laisser Dieu lui-même entrer dans ce monde en son Fils. Si nous voulons l’accueillir, lui, le Fils du Père, il nous faut lui faire une place. Il faut lui faire à l’exemple de Marie, toute la place ! Et comment mieux le faire que de l’honorer, d’abord dans les plus pauvres et les plus petits, les anawims, dans ceux qui sont dans les étables et crèches, dans les bidonvilles et abris pour sans-logis, dans les baraques et tentes de réfugiés ?

La première en chemin, Marie, tu nous entraînes

La première en chemin, Marie, tu nous entraînes à risquer notre Oui aux imprévus de Dieu.
Marie a reçu la grâce des commencements. Elle est la première chrétienne, la première Église, la première missionnaire.

Le Seigneur nous appelle marcher simplement derrière la première en chemin, à faire du neuf dans notre vie. Le temps de l’Avent est par excellence le temps de se mettre à l’écoute pour que la Parole de Dieu remplisse notre vie et lui donne des tournants nouveaux, inédits.

Laissons-nous entraîner par Marie à méditer comme elle la Parole de Dieu et les événements, à nous laisser interpeller et questionner, à réfléchir et à remuer en nous ce qui nous bouleverse. Laissons-nous conduire par le même Esprit Saint qui a guidé Marie. Laissons-nous entraîner à dire Me voici – Oui comme Marie. Aimons l’Église comme Marie l’aime. Notre vie deviendra alors un commencement sans fin dans la nouveauté de la connaissance et de l’amour du Christ-Jésus au cœur de l’Église, notre Mère.

Un nouveau visage de l’Église est en train d’apparaître

Un nouveau visage de l’Église est en train d’apparaître, des signes nouveaux d’espérance, sachons regarder cela suppose humilité et attention bienveillante alentour de nous ! : Le concile Vatican II qui fut un retour aux sources, une source d’avenir. L’Église a appris à se remettre en cause : oui, la situation de minorité des chrétiens, provoque une remise en cause, une purification. Devant les bouleversements, toute une recherche d’approfondissement se fait jour : pour la prière, la connaissance de la Bible, la formation théologique. Participation à des retraites. La Foi devient source de vie. La fraternité grandit entre les chrétiens.

Cette situation de minorité provoque aussi de nouveaux engagements des laïcs à l’intérieur de l’Église, en paroisses : un peu partout, des équipes de laïcs préparent la liturgie, les messes sont plus vivantes, approchent les malades, visitent les familles en deuil pour préparer l’enterrement, participent à la préparation des parents pour le baptême des enfants, préparent les jeunes couples au mariage. On voit une collaboration plus grande entre les prêtres et les laïcs. Le nombre de diacres grandit. Les évêques sont devenus plus proches des fidèles. Pensons encore aux communautés nouvelles, aux JMJ, à Taizé, aux pèlerinages. On peut encore évoquer le mouvement œcuménique. Enfin dans la société, dans les mouvements humanitaires, les chrétiens sont très présents : l’Église est en progrès d’ouverture aux autres, aux pauvres. Et dernier don de l’Esprit en date : le pape François.

Seraient-ce des utopies, des rêves, des illusions, des visons irréelles ? Alors il est grand temps de nous hâter à en faire des réalités ! Marie s’est hâtée pour aller chez sa cousine Elisabeth. Qu’attendons-nous pour nous hâter d’aller à la rencontre des hommes et des femmes d’aujourd’hui ? Ils vont mal ! Ils vont plus mal que l’Église ! Jetons un regard nouveau sur notre monde d’aujourd’hui. Changeons notre regard pessimiste, ce n’est pas celui de Jésus.

Ayons un regard de Foi sur notre vie. Nous avons été envoyés (mission, apôtres) dans le monde (). Nous sommes témoins de ce qui se passe. La Foi nous donne de constater, d’être témoins que le Christ continue à sauver des hommes, il continue de faire naître en eux un amour qui les transforme. Nous sommes moissonneurs c.-à.-d. recueillons ce que le Seigneur a semé et qui a fructifié.

Nous avons souvent du mal à percevoir ce salut en train de se faire, parce que souvent cela se passe dans l’intimité, dans les cœurs et n’est pas toujours dit (p. ex. un geste de pardon ou d’ouverture à un voisin ou d’un engagement dans une association ou encore des parents qui savent découvrir imperceptiblement la croissance de leurs enfants à travers des petites choses, des petits pas).

« Dieu était là, disait Jacob, et je ne le savais pas ! » Nous sommes témoins que Dieu continue son oeuvre de salut. Glanons tous les jours les merveilles que Dieu réalise dans les cœurs et la vie des hommes, en alliance avec eux. Nourrissons notre prière de toutes ces petites merveilles que nous découvrons chez les gens. Une telle prière peut-être une illumination sur l’Évangile.

Une telle prière nourrit notre espérance. Dans un monde où nous sommes assaillis par les violences, on pourrait désespérer. Alors développons ces germes que nous voyons et cherchons comment collaborer : portons un regard confiant, et non qui juge, bienveillant, vis-à-vis de Dieu (qui ne nous abandonne pas, ne juge pas) et aussi regard bienveillant, confiant sur les hommes. Pour éveiller la Foi en quelqu’un, il faut d’abord avoir confiance en lui. « Avant même de convertir le monde, bien mieux, pour le convertir, il faut l’approcher et lui parler » (Ecclesiam Suam 70, 68) déclare Paul VI en prônant le dialogue comme méthode pastorale.

Ô viens, Emmanuel, prendre forme dans notre vie.
Ô viens, Jésus, transformer nos hivers en printemps.
Ô viens, Seigneur des seigneurs, éclairer notre route.
Ô viens, Sauveur du monde, nous libérer de nos illusions.
Ô viens, Seigneur des merveilles, nous ouvrir à ta présence.
Ô viens, Fils du Dieu vivant, nous appeler à ta gloire.
Ô viens, Roi des rois, nous guider sur les chemins de la vie.
Ô viens, Maître du temps et de l’histoire, orienter nos actions vers le bien.
Ô viens, Emmanuel, nous sauver d’une vie sans Dieu.

André Tiphane, vicaire général de Montréal

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Henri HAMUS

Ancien curé de la cathédrale de Luxembourg.

Publié: 01/11/2019