1er dim. de l’Avent (30/11) : Pistes pour l’homélie
Piste 1
Les Belges, nous disent les médias, sont de très gros consommateurs de tranquillisants et d’antidépresseurs. Qu’est-ce donc qui nous empêche de dormir ? Pourquoi sommes-nous si mal dans notre peau ?
Nous mettons cela sur le compte du stress, de l’agitation, sur les pressions dans lesquelles nous sommes plongés ou sur le compte des innombrables sollicitations auxquelles nous devons faire face… Il y a aussi l’ambiance générale dans laquelle nous baignons : nous n’entendons parler que de ce qui ne va pas que ce soit dans le domaine de la politique, de l’économie, de la justice, du social, de l’emploi… sans parler de toutes les menaces qui nous inquiètent personnellement : la maladie, les agressions, les séparations… comme à l’époque de Noé nous sommes aussi plongés dans un véritable déluge… Oui, il y a de quoi prendre des antidépresseurs !
Et pourtant nous devons admettre, si nous prenons un peu de recul, que nous sommes des privilégiés par rapport au reste du monde et que nos ennuis font pâle figure devant le déluge de violence, de pauvreté de misère qui s’abat de plus en plus sur des milliards d’humains. Devant eux il est indécent de se plaindre.
Or le réflexe spontané de celui qui possède est de protéger ses acquis, ses avoirs. Se protéger est synonyme de s’enfermer, s’entourer d’une citadelle. C’est vrai au niveau individuel comme au niveau national. C’est ainsi que nous sommes les témoins d’une émergence de nationalismes et d’extrémismes les plus divers.
Mais nous oublions facilement que si nous sommes dans un pays de cocagne, ce n’est pas parce que nous l‘avons mérité mais parce que nous en avons hérité ; c’est parce qu’avant nous une multitude d’hommes et de femmes pendant des siècles ont lutté et donné leur vie pour obtenir les avantages, les bienfaits, les droits dont nous jouissons aujourd’hui. C’est parce que d’autres ont semé et planté que nous avons maintenant la chance de cueillir les fruits.
Voilà ce que Jésus nous rappelle aujourd’hui : « Sortez de votre enfermement, sortez de vos rêves, réveillez-vous et ouvrez vos portes et fenêtres. » Dépassez le décor que vous vous êtes construit et regardez la réalité, voyez le monde qui est le vôtre.
Savez-vous que chez nous en Belgique, un million et demi de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et parmi eux, les aînés et les jeunes sont les plus touchés. Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Au niveau de l’Europe, 19 millions d’enfants vivent dans la pauvreté. Etre pauvre est une accumulation de manques qui se prolongent dans le temps : manque d’argent, de formation, de liens sociaux. La pauvreté consiste à perdre sa dignité et être exclu des activités et des modes de vie normaux du pays dans lequel on vit.
Osons crier haut et fort que la pauvreté qui touche de plus de plus de citoyens est le résultat de choix politiques : ces choix politiques qui privilégient la croissance économique et l’accumulation des richesses en quelques mains. L’argent produit de l’argent au détriment de l’emploi. Oui, nous sommes dans une société qui repose sur la concurrence, nous sommes dans une société qui élimine le plus faible. Dans une telle société, la pauvreté ne peut que progresser. A nous de redessiner cette société aux couleurs du partage, de la solidarité, de la dignité. Des couleurs qui rappellent singulièrement celles de l’Evangile.
Piste 2
Lorsque nous étions enfants, on nous a souvent raconté l’histoire sainte à la façon d’un western avec toujours à la clef une bonne petite leçon morale : les méchants sont vaincus et les bons récompensés.
L’histoire de Noé est un bel exemple. Le déluge est une punition bien méritée pour les hommes à la vie dévoyée. Si nous écoutons Jésus, il ne parle pourtant pas ainsi : au contraire, ces hommes et ces femmes, dit-il, respirent la joie de vivre et s’occupent des besoins les plus normaux de la vie : on mangeait, on buvait, on se mariait… il n’y a là rien de répréhensible. Alors pourquoi sont-ils punis ? Qu’est ce qu’on leur reproche. Quel est leur tort ?
Ce n’est ni la débauche ni le péché que Dieu leur reproche mais « de ne se douter de rien » c’est-à-dire de ne pas se soucier de l’essentiel, de passer à côté du vrai réel.
Non seulement ils vivent comme s’ils étaient immortels mais ils ne se préoccupent même pas de la misère de leurs frères et n’entendent pas leurs cris de détresse. Il faut qu’ils soient engloutis dans la mort pour découvrir qu’ils ne sont pas des dieux.
Le mythe de Noé est une histoire de tous les hommes et de tous les temps.
Ne sommes-nous pas aussi endormis par les progrès de la science, anesthésiés par le progrès de la technique ? Nous croyons solide ce monde dans lequel nous sommes habitués à vivre jusqu’au jour où survient le réveil qui est d’autant plus brusque que nous sommes inconscients du danger.
La version moderne du déluge c’est qu’il suffit d’une inflation monétaire, une augmentation du pétrole, les idées farfelues d’un chef d’Etat… pour bouleverser l’économie ou la politique mondiale. Il suffit d’une maladie, d’un accident… et toutes nos sécurités sont englouties.
Eh bien, tel sera l’avènement du Fils de l’Homme.
Avènement, en latin, « adventum », signifie la « venue », l’arrivée. C’est de là que vient le mot « avent ». Le temps de l’Avent est donc le temps de la venue du Fils de l’Homme. Jésus ne se présente pas comme un homme du passé mais comme un homme du futur. Il parle de sa venue, de son avènement comme un événement à venir. Sommes-nous prêts à l’accueillir dans toutes celles et ceux que nous rencontrons ?

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.

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