15e dimanche du temps ordinaire

1. « Jésus appelle les Douze et, pour la première fois, il les envoie en mission deux par deux. » Deux par deux, parce que le témoignage d’un seul n’est pas recevable selon la loi juive. Conscient peut-être du temps limité qui lui restait, assurément de par l’universalité qu’il voulait à son message, Jésus appelle et envoie ses plus proches pour dire ce qu’il disait, pour faire ce qu’il faisait. On devine la passion qui l’animait et qu’il veut communiquer à ses apôtres : « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Les consignes de l’envoi en disent d’abord l’urgence : ne pas s’attarder à préparer un sac de voyage, des provisions, du pain, de l’argent ; mais aussi l’impérieuse nécessité d’entrer en contact avec ceux vers qui il les envoie. Son message n’est pas à proclamer sur les places publiques mais à dire de cœur à cœur dans leurs maisons. Ils doivent pourtant s’attendre à des refus, tout particulièrement de la part des Samaritains en conflit depuis longtemps avec ceux de Jérusalem. L’histoire se répète, semble-t-il. L’an dernier, un groupe ultra-orthodoxe juif a déposé un projet de loi à la Knesset rendant le prosélytisme chrétien passible de sanctions : un an de prison pour qui tenterait de convertir un croyant juif, deux ans s’il s’agit d’un mineur. Le gouvernement assure qu’elle ne serait pas adoptée.

2. En demandant à des hommes de dire sa Bonne Nouvelle, en remettant sa cause entre leurs mains, Jésus a pris bien des risques. Oui, les Douze et ceux qui leur succéderaient diraient et demanderaient de pratiquer sa miséricorde, mais eux-mêmes oublieront souvent de la vivre entre eux. Oui, ils diraient l’amour des ennemis mais ils partirent en croisade, déclarèrent les guerres de religion, suivirent les armées conquérantes. Oui, ils diraient de faire bon accueil à ceux qui ne penseraient pas comme eux, mais les ont obligés à se convertir et allumèrent les bûchers de l’Inquisition dont ils furent eux-mêmes des victimes. Pendant la guerre d’Espagne, l’évêque de Carthagène déclara : « Bénis soient les canons si l’Évangile fleurit dans les brèches qu’ils ouvrent ! » Aujourd’hui, au sommet de l’Eglise orthodoxe russe, on bénit l’invasion et la guerre de l’Ukraine. La proclamation de la Parole de Dieu sera toujours un combat aux frontières du meilleur et du pire, de la lumière et des ténèbres, même au cœur des porteurs de la Bonne Nouvelle. Jésus le savait et l’a vécu de la part de ses proches et dans sa chair. Pierre ne fut-il pas le premier à le renier mais aussi le premier pilote de la barque à donner sa vie ? Le pire n’est jamais certain, affirme un adage.

3. Pour preuve, la procédure de béatification de Jacques Fesch, de la descendance du cardinal Fesch, oncle de Napoléon, vient d’être entamée. Il s’agit pourtant d’un homme qui fut condamné à mort et exécuté en 1957 pour un vol à main armé suivi du meurtre d’un gardien de la paix. En détention, après avoir lu le récit des apparitions mariales à Fatima que lui avait apporté sa mère très croyante et au contact de son avocat, très croyant également, et en correspondance avec un jeune moine de l’abbaye de la Pierre-qui-Vire, il se convertit. Il écrivit son parcours ténébreux et spirituel dans Lumière sur l’échafaud et Cellule 18. « Dans cinq heures je verrai Jésus, qu’il est bon, notre Seigneur. » furent de ses dernières paroles. On trouve semblable exemple dans la biographie de Thérèse de Lisieux.

4. Devant l’insuccès croissant de la prédication et de la réception de l’Évangile dans nos civilisations occidentales, nous aurions des raisons de céder au découragement. Les reportages du Tour de France nous font survoler nombre de sites, cathédrales, églises, monastères de toute splendeur édifiés par des générations de nos prédécesseurs. On n’en parle plus guère que comme d’un patrimoine de pierre à sauvegarder. L’histoire pourtant doit nous rendre plus prudents. On a bien cru que la Révolution française et les 60 ans de dictature en URSS auraient raison de l’évangile. Ces périodes pourtant furent suivies de grands renouveaux spirituels. L’insuccès de Jésus en son temps doit nous servir de leçon. Son échec découragea les siens. La suite les enthousiasma. Des signes d’espérance existent aujourd’hui. La croix est le signe religieux le plus affiché, le plus porté sur soi dans notre monde occidental qui se dit de plus en plus indifférent. Il n’y eut jamais autant d’œuvres caritatives inspirées de l’Évangile. Ces constats doivent nous inciter à ne pas nous replier dans des sentiments de défaitisme. La foi chrétienne ne se réduit pas à la fréquentation d’un lieu de culte. Jésus l’a assez répété : ce sont les actes qui comptent. Quelle que soit la religion pratiquée. En restant à regretter le passé, on éteint l’Espérance. Continuons à en semer les graines avec celles de la foi et de la charité.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 14/07/2024