19e dimanche du temps ordinaire

1. « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » Ce récit, avec ceux des dimanches précédents, fait partie du « Discours du pain de vie ». Fruit d’une longue rumination de l’apôtre Jean, écrit longtemps après l’événement de Pâques, il est celui d’un croyant pour des croyants. A dessein, les mots des choses de la terre ont été choisis pour dire quelque chose qui n’est plus de la terre. Oui, il est descendu du ciel, celui dont on a connu les parents. Oui, il promet la vie éternelle à celui qui sait qu’il va mourir. Jean renvoie tout sceptique qui en reste aux mots de la terre à ses doutes et invite tout croyant à approfondir sa foi.

2. On a vu dans ce récit une méditation du mystère de l’eucharistie, pratiquée de longue date déjà. Jean ne rapporte pas son institution le Jeudi saint comme l’ont fait les trois autres évangélistes. Mais il écrit avec des termes très forts : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » Il annonce sa mort comme le don de sa vie pour la vie ne meure pas. Chaque mot est pesé. Nous ne pourrons jamais comprendre comment la mort peut générer la vie. Mais nous pouvons mieux creuser son mode : le DON.

3. Lorsque nous nous approchons de l’autel pour recevoir le pain de l’eucharistie, nous nous souvenons qu’il est porteur de la présence réelle du Christ. « Ceci est mon corps, ceci est mon sang » le disent clairement. Mais restreindre la communion à ce seul constat en limite singulièrement la portée. On ne sort pas l’hostie d’une coupe ; on la reçoit dans un geste qui dit le don. Le Christ Jésus se donne à moi ! Dans l’instant. Cela change tout. Il ne veut pas seulement « être avec nous », comme nous pouvons être les uns avec les autres. Il entend « se donner à nous » au sens bien plus profond encore que ce que se veulent ceux qui, pour sceller leur mariage, se disent « je me donne à toi ». Ce don n’est pas conditionné par un consentement préalable, à l’image de celui qui précède leur échange des consentements : « Veux-tu être mon épouse ? Veux-tu être mon mari ? » Jésus ne met pas de conditions préalables. Il attend seulement de nous que nous réalisions l’ampleur du don qu’il nous fait de sa personne. Notre « Amen (qu’il en soit ainsi) » que nous répondons au célébrant qui nous tend et donne l’hostie, devrait être notre « oui » d’accueil. « Si tu savais le don de Dieu » avait répondu Jésus à la Samaritaine du puits de Jacob qui n’y était venue que pour puiser de l’eau de la terre. Ce « si tu savais » nous est adressé comme une interrogation jamais finie, comme une invitation lancinante à ne pas cesser de chercher comment Jésus est pour moi « Don de Dieu ».


Méditation (Khalil GIBRAN, Le Prophète)

Alors un homme riche dit, parlez-nous du don. Et il répondit :
Vous ne donnez que peu lorsque vous donnez de vos biens.
C’est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez réellement.
Car que sont vos biens sinon des choses que vous conservez par crainte d’en avoir besoin demain ?
Et demain, qu’apportera demain au chien trop prudent cachant des os dans le sable mouvant alors qu’il suit les pèlerins vers la ville sainte ?
Et qu’est la peur de la misère, sinon la misère elle-même ?
Et la crainte de la soif devant votre puits plein, n’est-elle pas déjà la soif inextinguible ?
Il en est qui donnent peu de l’abondance qu’ils ont et ils donnent pour susciter la reconnaissance, et leur désir secret corrompt leur don.
Il en est qui ont peu et qui le donnent entièrement.
Ceux-ci croient en la vie et dans la bonté de la vie, et leur coffre n’est jamais vide.
Il en est qui donnent avec joie, et cette joie est leur récompense.
Il en est qui donnent avec douleur, et cette douleur est leur baptême.
Il en est qui donnent et ne ressentent ni joie ni douleur et ne sont pas conscient de leur vertu ;
Ils donnent comme dans la vallée là-bas le myrte exhale son parfum dans l’espace.
Par les mains de tels êtres, Dieu parle, et à travers leur regard Il sourit à la terre.
Il est bien de donner lorsqu’on est sollicité, mais il est mieux de donner sans être sollicité, par compréhension ;
Et pour les généreux, rechercher ceux qui recevront est une joie plus grande que le don.
Et est-il une chose que vous voudriez refuser ?
Tout ce que vous avez sera donné un jour ;
Donnez donc maintenant afin que la saison de donner soit vôtre et non celle de vos héritiers.
Vous dites souvent : « Je donnerai mais seulement à ceux qui le méritent. »
Les arbres de vos vergers ne parlent pas ainsi, ni les troupeaux dans vos pâturages.
Ils donnent afin de vivre, car retenir c’est périr.
Sûrement celui qui est digne de recevoir ses jours et ses nuits, est digne de tout recevoir de vous.
Et celui qui est digne de boire à l’océan de la vie mérite de remplir sa coupe à votre ruisselet.
Et y a-t-il mérite plus grand que celui qui réside dans le courage et la confiance, oui, dans la charité de recevoir ?
Et qui êtes-vous pour que les hommes se déchirent la poitrine et se dépouillent de leur fierté, de sorte que vous puissiez voir leur dignité mise à nu et leur fierté exposée ?
Voyez d’abord à mériter vous-même d’être donneur et instrument du don.
Car en vérité, c’est la vie qui donne à la vie – alors que vous, qui vous imaginez être donneurs, n’êtes en réalité que témoins.
Et vous qui recevez, et vous recevez tous, n’assumez aucune charge de gratitude, de crainte d’imposer un joug à vous-même et à celui qui donne.
Élevez-vous plutôt avec celui qui donne, prenant ses dons comme si c’étaient des ailes ;
Car être trop soucieux de votre dette, c’est douter de sa générosité qui a la terre magnanime pour mère et Dieu pour père.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 11/08/2024