4e dimanche ordinaire

1. Ce jour-là Jésus entra dans la synagogue. A son habitude, il y enseignait. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Jésus fut un fidèle pratiquant de la foi juive. Dès sa douzième année, il dut se rendre à Jérusalem pour les grandes fêtes comme Pâques. Durant sa mission, il a fréquenté les synagogues, comme celle de Capharnaüm et de Nazareth, ces assemblées pendant lesquelles on lisait et commentait les Écritures. Il cite souvent Moïse dans ses discussions avec les pharisiens et reproche à Nicodème, l’un d’entre eux, de ne pas savoir interpréter les Ecritures (). Il renvoie les lépreux guéris au Temple pour y obtenir un certificat de guérison. Par contre il s’éleva contre les sacrifices d’animaux, comme l’atteste sa déclaration contre les marchands et changeurs du Temple. Mais ce jour-là, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus étonne, parle « en homme qui a autorité », à l’égal de Moïse et non pas comme les scribes et les anciens du peuple. Cela lui valut leur déni : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela ? Et qui t’a donné cette autorité ? » Les gens de Capharnaüm virent les choses autrement : « Frappés d’étonnement, de nombreux auditeurs disaient : “D’où cela lui vient-il ? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée si bien que même des miracles se font par ses mains.” » ()

2. Ce jour-là, la parole de Jésus est devenue visiblement parole de guérison. On attribuait à cette époque toute maladie, tout handicap, toute conduite désordonnée, démente, à un esprit malin, à un démon qui enchaînait ainsi ses victimes, les mettait dans cette prison. La parole de Jésus vient d’ouvrir cette prison, de délier ces liens. La parole est certainement le premier moyen de la communication. Elle peut être conviviale mais aussi devenir destructrice. Elle est bienfaisante, la parole qui réconforte, qui compatit, qui pardonne, qui soutient, qui conseille, qui brise la solitude. Mais elle peut aussi devenir parole qui enchaîne, qui détruit, qui fait mourir par médisance, par calomnie, par incitation à la vengeance, à la haine. On lit dans l’épître de saint Jacques : « La langue est un petit membre et se vante de grands effets. Voyez comme il faut peu de feu pour faire flamber une vaste forêt ! » () Mais le silence et la parole retenue volontairement peuvent être encore plus dévastateurs. Comme l’ont montré les événements de ces dernières années qui ont tellement défiguré l’Église. Aujourd’hui les silences sur les maltraitances des enfants en leur jeunesse sont devenus des charges accusatrices douloureuses à entendre. L’association « La parole libérée » a déclenché heureusement un mouvement de libération sans précédent, un chemin de guérison pour d’innombrables victimes.

3. Nous sommes invités aujourd’hui à méditer ce pouvoir du langage, de notre langage. Dans le livre des Proverbes, on lit : « Le sage tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. » La retenir pour donner plus de temps à l’écoute. La retenir aussi lorsque elle se prête au dénigrement. Au 4e siècle, saint Augustin avait fait écrire sur les murs du réfectoire de sa communauté : « Que celui qui, par la médisance, aime s’attaquer à la vie des absents, sache qu’il n’est pas digne de s’asseoir à cette table. » Le pape François nous y rend attentifs : « Mal parler du frère en son absence, c’est le mettre sous un faux jour, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux ragots. Ne pas mal juger et ne pas condamner signifie savoir accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne, nous interdire de lui faire subir notre jugement partiel et de notre prétention à tout savoir. »

Seigneur, tu sais combien le mal peut insidieusement nous habiter : le mal faire, le mal dire, le mal de ne pas voir, le mal qui nous fait taire. Donne à notre parole de devenir parole de paix, de fraternité pour celui qui dit l’intolérance, de réconfort pour celui qui souffre, de silence aussi pour celui qui veut qu’on l’écoute. Que ta Parole demeure en moi et porte son fruit.


Méditation

J’ai bien du mal, Seigneur, à m’arracher
De ces ronces, de ces épines envahissantes
Que sont mes paroles et pensées médisantes
Qui portent leurs victimes au banc des accusés.

Cette voix qui me dit que j’ai la vérité
Et cette envie de critiquer les choix
De celui que je me garde d’écouter.
Par peur de changer ce dont je le crois.

Rappelle-moi, Seigneur, ton silence
Devant Pilate et la médisance
Plutôt que toute parole de défense.
Le silence est parole de non-violence.

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 28/01/2024