Tous les Saints

1. Les paroles que nous venons d’entendre sont au sommet de toutes celles que Jésus a prononcées. Dites du haut d’une colline, pour signifier qu’elles viennent d’en-haut. On peut se représenter la scène. Jésus s’assit parce qu’il s’agit d’un enseignement qui là-bas se disait toujours assis. Les disciples sont là un peu en contrebas. Le lac est à leurs pieds et ils voient au loin, de l’autre côté du lac, Tibériade, la ville d’Hérode qui venait de faire décapiter Jean. En regardant sur leur droite, ils distinguent les falaises d’Arbèle et ses grottes qui servaient de refuge aux zélotes, ces rebelles qui combattaient avec violence le pouvoir de Rome et d’Hérode. A ces pêcheurs du lac, à ces paysans de la plaine qui se faisaient arrêter par ceux d’Hérode s’ils ne payaient pas l’impôt, racketter par les rebelles qui exigeaient le leur pour poursuivre leur combat, mais aussi déconsidérés par les plus inconditionnels religieux, Jésus va pourtant dire à neuf reprises : « Heureux êtes-vous ! »

2. Mais est-il possible de se réjouir avec les larmes dans les yeux ? Est-il possible de parler de bonheur à ceux qui souffrent, qui sont persécutés ? Ces paroles sont-elles des paroles de consolation, de résignation pour supporter les malheurs de ce monde dans l’attente d’un autre, futur, après la mort. C’est ce que pensait Karl Marx lorsqu’il écrivait : « La religion, c’est l’opium du peuple. » Mais ce n’est pas ce que dit Jésus. Ce que l’on a appelé les Béatitudes disent d’une autre manière que seuls l’amour et l’entraide peuvent rendre l’homme heureux. Ces paroles sont égrenées tout au long de tous nos chemins de notre parcours terrestre.
« “Heureux êtes vous” si vous savez reconnaître la pauvreté de votre cœur : elle vous conduira à rechercher des trésors d’éternité dans le partage. »
« “Heureux êtes-vous” si la tendresse habite votre maison : on s’y pressera de toutes parts. »
« “Heureux êtes-vous” si vous savez pleurer avec ceux qui pleurent, compatir avec ceux qui sont dans la peine. Vos larmes deviendront leur consolation et sécheront les vôtres. »
« “Heureux êtes-vous” si la miséricorde coule de votre cœur : elle deviendra huile de guérison. »
« “Heureux êtes-vous” si vous avez faim et soif de justice , si vous savez reconnaître et défendre qui a besoin de la dignité dont on l’a spolié. »
« “Heureux êtes-vous” si vous êtes des hommes, des femmes de paix, si vous savez vous défaire de vos armes, de la jalousie qui change le regard, de la rancune qui brûle le cœur, et si vous décidez de considérer que l’autre est un frère. Parce que seul le temps de la paix est du beau temps. »
« “Heureux êtes-vous”, parce qu’agissant ainsi, leurs croix et la vôtre deviendront moins pesantes parce que vous les porterez ensemble. »

3. Invitations à l’engagement et non paroles de résignation. Celui que Jésus a montré en parcourant ses chemins parmi les hommes. Son bonheur à lui fut d’appeler à lui cet aveugle qu’on voulait empêcher d’approcher. Son bonheur fut de toucher ces lépreux, ces intouchables, pour qu’ils retrouvent dignité et considération. Son bonheur à lui fut de bénir et d’embrasser ces enfants dont il fallait imiter la confiance. Son bonheur à lui passa par le cœur, la tendresse, la miséricorde, l’esprit de paix. Et ce qu’il a vécu, il voudrait le voir vivre à ses disciples pour que sa joie « soit en eux et qu’elle soit complète ». Ces engagements qu’ont pris tant d’hommes et de femmes, ces saints connus ou inconnus que nous célébrons aujourd’hui. Ils ont vérifié que, oui, on pouvait être heureux même privés de fortune, de récompenses, de réussite sociale. Heureux mais aussi persécutés par l’incompréhension qui va jusqu’à la haine meurtrière. Elle a tué Gandhi qui, tellement impressionné par cet esprit des béatitudes, s’en inspira toute sa vie, songeant même à devenir chrétien. Mais bien d’autres, quelques-uns très connus comme le pasteur King, l’évêque Romero, et tant d’autres inconnus.

Père, aujourd’hui, avec tous les saints connus ou inconnus, avec tous nos parents et amis, morts ici-bas mais vivants en Toi, nous te disons merci de nous avoir donné Jésus et aide-nous à partager ses chemins de bonheur.


Méditation

Seigneur, sur la colline tu les as rassemblés
Tous ces humbles qui d’en bas venaient,
Le cœur alourdi par tant de pesants soucis
La tête vidée de leurs rêves de bonheur enfuis.

En ton regard ils ont vu luire une lumière
D’une autre couleur que celles de la terre.
Et toutes nos manières de faire ou de taire
Devinrent les chemins de nos enfers.

De la pauvreté ils en avaient peur,
Mais toi tu leur inventes celle du cœur
Pour qui se vêt de l’habit de serviteur
Et de la dernière place, son honneur.

Au lieu de l’intransigeante dureté
Qui rend impossible toute fraternité
Tu donnes la miséricorde à pratiquer
Et qu’au dernier jour, il faudra implorer.

De la paix, dis-tu, soyez les porte-bannières
Si vous voulez être des fils de lumière
Au lieu de ne penser qu’à la guerre
Qui ne laisse que des victimes et des colères.

Et si, à cause moi, on vous maltraite
Réjouissez-vous, ayez le cœur en fête.
Vous êtes sur le chemin de la joie parfaite.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 31/10/2021