23e dim. ordinaire (8/9) : Pistes pour l’homélie

Piste 1

Prendre un peu de sa salive pour frotter le genou ou le coude du bambin qui vient de tomber sur le gravier, ou pour apaiser une piqûre d’ortie, voilà un geste courant, presque banal que nous avons tous pratiqué. Un geste qui a fait ses preuves. Il est d’ailleurs tellement efficace qu’il semble presque magique. Pourtant, pour l’enfant, il n’est pas magique du tout car il est la preuve de notre attention et de notre compassion. L’enfant se rend compte que l’adulte prend son mal en considération, autrement dit qu’il n’est pas seul dans l’épreuve.
Se sentir rencontré dans sa peine, c’est pour tous le 1er remède. L’épreuve est toujours moins lourde à porter lorsqu’elle est partagée.

Le sourd-muet est amené à Jésus. Pourquoi faut-il le conduire, l’amener ? Ne pouvait-il venir tout seul ? Eh bien non, il a besoin de cette solidarité ! Combien de malades vont seuls à la clinique ? C’est dans ces moments que nous avons le plus besoin des autres. Avoir quelqu’un avec soi est la 1re condition de la guérison.

En lui mettant de la salive sur la bouche et dans les oreilles, Jésus ne fait que répéter le plus vieux geste du monde. Ce n’est pas un geste magique. Jésus prend la peine de s’arrêter, montrer son attention et sa compassion à cet homme. Celui-ci en est bouleversé, c’est sans doute la 1re fois que quelqu’un - et qui plus est Jésus de Nazareth - s’intéresse à lui, s’occupe de lui. Du même coup il se sent devenir une personne, il prend conscience qu’il commence à compter pour les autres.
En le faisant devenir une personne, Jésus le sort en quelque sorte de la prison dans laquelle il s’était enfermé. Maintenant il peut entendre et parler.
Sa surdité, son mutisme n’étaient en fin de compte que des murs qu’il avait érigés pour se protéger des agressions du monde qui lui semblait si hostile. Il n’avait plus envie de communiquer avec ce monde dans lequel il n’avait aucun droit de parler.
Ceci me fait penser à ces paroles que Jésus disait un jour dans la synagogue de Capharnaüm : « Les aveugles voient, les sourds entendent, le Royaume se réalise » et que le psaume que nous venons d’entendre reprend.
Ceci me fait encore penser à la construction de la tour de Babel où les hommes ne se comprenaient plus, ils ne s’entendaient plus jusqu’au jour de la Pentecôte où chacun entend et écoute l’autre quelle que soit la différence de langue, de peuple ou de race.
Aujourd’hui encore, au cœur de notre société, de nos groupes, de nos familles… le Royaume ne pourra advenir que lorsque chacun deviendra quelqu’un pour l’autre et chaque fois que la parole ne sera plus confisquée ni monopolisée, mais libérée et partagée.
Le Royaume sera là, lorsque la communication deviendra communion.

Piste 2

 Avec sa petite camionnette le boulanger allait porter le pain à domicile. Parmi ses clients, une dame âgée lui achetait chaque jour un pain. « Quel appétit ! » se disait-il sans se poser plus de questions. Jusqu’au jour ou étrangement la porte était fermée. Un peu inquiet, le boulanger alerte les plus proches voisins, force la porte et trouve la vieille dame morte dans son fauteuil. Passé ce moment d’émoi, quelle surprise lorsqu’en levant les yeux il vit la maison littéralement tapissée d’un mur de pains. Le boulanger comprit que l’achat du pain quotidien n’était qu’un prétexte pour cette dame, afin de s’assurer une petite visite et s’entendre dire « bonjour » chaque jour.

 Tous ceux qui vivent la solitude ou l’indifférence s’accordent pour dire qu’elle est la pire des choses.
 Quand un petit enfant a fait quelque chose de mal on le met dans le coin, s’il est un peu plus grand on le met à la porte, s’il est adulte on le met en prison !
 L’exclusion est reconnue comme une terrible punition.
 Paradoxalement c’est souvent en ville, là au milieu de la foule, que la solitude est la plus oppressante. Chaque année, c’est par dizaines que dans les grandes villes, des personnes meurent et sont enterrées abandonnées par leur famille ou leurs proches. Des femmes et des hommes qui ne comptent pour personnes, inexistantes pour la société.

 Revenons à notre évangile : on amène à Jésus un sourd-muet, c.-à-d. une personne qui ne peut communiquer avec les autres. Or la 1re chose que Jésus fait, c’est l’emmener avec lui à l’écart, loin de la foule. Jésus prend de la salive et le touche, geste en tout semblable à ce que l’on fait pour le petit enfant qui s’est cogné le coude ou écorché le genou : on frotte un peu de salive, un gros bisou et c’est fini.
 Ici, Jésus est probablement la 1re personne qui s’intéresse à ce sourd-muet, qui lui consacre un peu de temps à lui tout seul, à l’écart des autres. Et le sourd-muet en retrouve la parole, car enfin quelqu’un accepte de prendre un peu de son temps pour l’écouter.

 Plus que jamais aujourd’hui, les femmes et les hommes ont besoin d’apprendre à parler, malgré le travail absorbant, prendre le temps pour se dire et s’écouter. Combien de familles sont déchirées ou en difficulté parce qu’on ne se parle pas, sinon des nécessités usuelles ? Qu’il est difficile d’exprimer ses sentiments profonds, ses désirs, ses besoins… on attend que l’autre les devine mais alors c’est souvent la désillusion.
 Cela est tout aussi vrai au niveau de la société en général, du voisinage, de la communauté. Que de différends ne pourrions-nous pas éviter rien que par la parole !

 Pour créer le monde, Dieu a parlé. Dieu « dit » et il en fut ainsi. Ce qui signifie que la parole est créatrice. C’est pareil pour nous : notre parole est aussi créatrice, efficace, elle produit toujours un effet, elle fait exister.
 Le Royaume ne pourra advenir que lorsque chacun deviendra quelqu’un pour l’autre et chaque fois que la parole sera libérée et partagée. Le Royaume sera là lorsque la communication deviendra communion.

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Georges LAMOTTE

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.

Publié: 08/08/2024