24e dim. ordinaire (15/9) : Pistes pour l’homélie

Piste 1

Imaginez un instant qu’un proche… votre papa par exemple, vous pose la question : « Pour toi qui suis-je ? »

Si nous répondions en disant : « Tu es chef de gare, celui dont je vais hériter, l’époux de maman… ou que sais-je… », nous sentirions très vite que ce genre de réponse est ridicule. Ce n’est pas par des titres ni même des mots que l’on peut dire qui « est » quelqu’un. Pour avoir une réponse plus judicieuse, nous répondrions plutôt par tout ce qu’il « représente pour nous », par ses actes à notre égard. « Tu es celui qui m’a aimé dès mon premier jour, qui m’a tout donné, qui m’a tant appris, qui a contribué à mon bonheur… »
Si nous faisions maintenant la même expérience avec Jésus : « Pour vous qui suis-je ? » que dirions-nous ?
Spontanément nous serions tentés de reprendre toutes sortes de formules : « Tu es le fils de Dieu, le Messie, la 2e personne de la Sainte Trinité, un gd prophète… » Mais nous sentons aussi de suite que cela sonne creux, ce sont des mots, des formules que nous ne comprenons pas bien, qui ont perdu leur résonnance ! Jésus ne serait-il donc qu’un maître de doctrine, un sage, qui a jadis exprimé des paroles inoubliables ?
Pour Jésus cette question « pour vous qui suis-je ? » est essentielle parce qu’il sait que si les apôtres ne retiennent de lui qu’il n’était qu’un guérisseur, un homme parlant avec autorité, quelqu’un qui chassait les démons, calmait la tempête ou multipliait le pain… très vite viendrait le jour où ce pour quoi il a vécu serait oublié.
Or très souvent les apôtres et les foules de Palestine n’ont retenu de lui que cet aspect exceptionnel de ses actes. Pierre, de même que les apôtres, croyaient fermement que Jésus allait enfin prendre le pouvoir et rendre ainsi à Dieu sa place et sa puissance.
D’ailleurs, après Pierre, tout au long des siècles, combien de papes et d’évêques vont aussi rêver d’une Eglise puissante, sans contestation, qui rassemblerait toute l’humanité sous sa bannière ?
Mais voilà que Jésus se fâche sur Pierre et le traite même de Satan c.-à-d. d’adversaire de Dieu. Non, les pensées de Pierre ne sont pas celles de Dieu.
Il lui fait « remettre son épée au fourreau », lui demande de renoncer à cette tentation du pouvoir… et lui demande d’apprendre à « servir ». Il faudra, dit Jésus, apprendre à souffrir beaucoup, être rejeté par les autorités civiles et religieuses et finalement être tué. « Marcher à ma suite » c’est aller jusque là, jusqu’au bout du service de l’autre.
Qui Jésus est-il donc ?
Il est celui qui dévoile que Dieu, est du côté de l’étranger, du couple à la dérive, de la femme confrontée aux problèmes de la vie, du jeune en perdition… qu’il est le Dieu d’une Eglise pauvre et faible, s’engageant elle-même aux côtés des pauvres et des faibles quels que soient les risques d’incompréhension, d’échec ou de suspicion. Parce que cette Eglise-là a compris que, à l’image de son Dieu, « celui qui donne sa vie la sauvera ».

Piste 2

Jésus circulait de village en village pénétrant jusqu’en plein cœur du pays païen. Ne fait-il pas penser à ces hommes politiques qui avant les élections vont glaner des voix de ville en ville ?
Il pourrait aussi faire penser à l’Eglise qui a toujours été sensible aux succès et à l’acclamation des foules et des grands rassemblements. Une Eglise qui vit dans la nostalgie de ce temps où elle était toute puissante et majoritaire.
C’était les années de gloire ! Mais les temps ont bien changé, cette Eglise construite sur le sable s’est petit-à-petit affaissée, effondrée essentiellement dans nos pays riches. Le troupeau s’est amenuisé, chacun se pose des questions et s’inquiète : « Cette Eglise ne s’est-elle pas fourvoyée comme Pierre le 1er pape ? »

En effet, Pierre, nous venons de l’entendre, déclare à Jésus « Tu es le Messie ! » Et Jésus approuve sa réponse. Mais « quel messie ? » Car le messie de Pierre n’est pas le même que celui de Jésus. En effet, le messie de Pierre est un messie qu’il imagine triomphant, glorieux et qui, il l’espère bien, mettra les Romains dehors. Tandis que le messie de Jésus est un messie serviteur et souffrant. Il n’est donc pas étonnant que Jésus interdise à Pierre d’en parler, il le traite même de « Satan » car Pierre est tout à fait à côté de la question. Ceci rappelle d’ailleurs étrangement la 3e tentation de Jésus à qui Satan promet la maîtrise de tous les royaumes.
Pour en revenir à Jésus il est vrai que son programme n’est pas très alléchant : « Renoncer à soi-même et porter sa croix ! » Il est naturel que les foules ne soient pas attirées par une telle propagande, un tel programme.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le jour où Jésus sera chargé de sa croix, tous vont le quitter. C’est le moment de l’abandon, il ne trouvera que quelques femmes pour le suivre.
N’en-a-t-il pas souvent été de même pour les chrétiens qui, en annonçant haut et fort, comme Pierre : « Jésus est le Messie », ont, dans la pratique, souvent préféré garder le messie de gloire, un messie en recherche de puissance humaine et de pouvoir triomphant ?
Il est normal alors que la foule se dissipe, que les hommes, aujourd’hui comme au temps de Jésus, abandonnent en masse car ils sont déçus dans leur attente : ils attendaient des guérisons magiques, le pain en abondance et gratuitement, et nous n’avons à leur proposer que le chemin difficile du don de soi.
Deux mille ans plus tard, aujourd’hui encore, Jésus se retrouve bien seul comme sur le calvaire.
Voir le nombre de disciples diminuer nous décourage sans doute nous aussi. La porte est étroite et l’invitation va à contre courant de la facilité que nous offre la société moderne. Car il s’agit d’aller jusqu’au don de soi, de perdre sa vie. Mais, nous dit Jésus, celui qui va jusque-là au lieu de perdre sa vie la trouve. Là est le paradoxe, là est la Bonne nouvelle de l’Evangile, là est l’espérance de la résurrection.

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Georges LAMOTTE

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.

Publié: 15/08/2024