25e dim. ordinaire (22/9) : Pistes pour l’homélie

Piste 1

Il ne faut pas être grand psychologue pour dire que l’homme, dès sa conception et tout au long de sa vie, est le fruit de relations. Cette relation peut prendre différentes formes : petit enfant c’est le mimétisme, le petit garçon comme la petite fille imitent leurs parents. Plus tard, ce mimétisme évoluera en « comparaison ». Très vite l’enfant va se comparer, se mesurer au plus fort, au plus adroit. Cette comparaison a longtemps et est parfois encore entretenue par les examens à l’école lorsqu’on compare les points et classe les enfants du 1er au dernier. Adulte, ça ne fait souvent que s’aggraver, on compare sa voiture, sa maison, ses performances financières… Même les personnes âgées comparent leur état de santé, la réussite de leurs enfants et petits-enfants…
On compare pour essayer « d’être » ou « avoir » plus que l’autre et finalement on n’est jamais entièrement satisfait, parce qu’il y a toujours moyen ‘d’être’ ou ‘d’avoir’ plus.
Nous savons d’ailleurs combien ces comparaisons créent l’envie, la jalousie, qui sont la source première de la violence.
Rien de nouveau sous le soleil, en effet l’apôtre saint Jacques le disait déjà : « N’est-ce pas tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes. Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez, vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. » Et il continue : « Vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas ! »
Ce conseil de saint Jacques rejoint très bien l’Evangile. Les apôtres discutent pour savoir qui est le plus grand. Et Jésus leur répond en donnant l’exemple de l’enfant. Or la grande caractéristique de l’enfant, est que justement il demande. Il sait qu’il est petit, qu’il a tout à apprendre, à recevoir, Pour lui, « demander » n’a rien de dégradant, c’est une évidence, une disposition naturelle et donc… il reçoit.
Or, trop souvent nous avons peur de demander, parce que nous avons peur d’un refus mais surtout peur d’être redevables. Demander n’est-ce pas reconnaître ses limites, reconnaître que l’autre dans certains domaines est plus grand que nous ?
Et pourtant nous n’imaginons pas les répercussions, les effets que peut avoir une demande. Demander c’est offrir à l’autre une chance d’être lui-même ; c’est lui dire qu’il représente quelque chose pour nous.
Je me souviens, un jour, d’une mère de famille qui ne s’en sortait pas dans son travail. Elle avait des mannes entières de linges à repasser. Avec son accord, j’ai demandé à une autre dame de bien vouloir faire son repassage. Cette dame m’a, par la suite, remercié de lui avoir demandé de rendre ce service parce que, disait-elle, non seulement elle se sentait utile mais elle se sentait devenir bonne ! En effet, qui de nous n’a jamais fait cette expérience d’être honoré par une demande qui nous était adressée ? C’est valorisant, on se sent reconnu non seulement dans son être mais dans ses capacités, ses aptitudes.
D’autre part, demander n’est-ce pas ouvrir une porte pour permettre à l’autre de devenir demandeur à son tour ? A ce moment on entre dans le cercle magique du partage mutuel qui est le remède lumineux pour échapper à la convoitise et l’envie qui débouchent inexorablement sur l’individualisme, l’égoïsme, le repli sur soi, la violence et tout ce dont nous parlait saint Jacques, autant d’attitudes qui engendrent l’insatisfaction, le mécontentement et le malheur.
Dieu nous a pourtant faits pour la joie, le bonheur… autrement dit, pour l’accueil et le service, la rencontre et l’échange… les différents fruits de l’amour qui devient réciprocité.

Piste 2

Ils traversaient la Galilée en route vers la Judée c.-à-d. vers Jérusalem. Ils sentaient bien que l’étau se resserrait autour de Jésus qui venait pour la seconde fois de leur dire qu’il allait être livré, tué et ressuscité.
Alors traînant un peu en arrière ils préparaient la relève. Quoi de plus normal ? Si ce qu’il leur annonçait était vrai, qui allait le remplacer ? Quand le chef s’en va il faut trouver un successeur. Et les critères sont en général : le plus fort, le plus adroit, le plus intelligent ou même le plus riche.
Alors que Jésus leur parlait de croix, de croix à porter, eux parlaient de hiérarchie !
Jésus se doutait bien de ce dont ils parlaient.
Il se rendait bien compte que l’Eglise avec sa hiérarchie, de la base au sommet, risquait de se constituer comme les sociétés du monde c.-à-d. les grands, les puissants au dessus, les petits et les pauvres en dessous. C’est justement ce qu’il ne voulait pas.
Lorsqu’ils s’arrêtèrent pour la pause, Jésus avec ses apôtres formèrent un cercle, un peu comme une table ronde où il n’y a pas de préséance, ni de haut ni de bas, ni de sommet ni de base, ni de premier ni de dernier. Et au milieu de ce cercle il mit un enfant et derrière cet enfant, les apôtres ont vu tous les petits de ce monde, les pauvres, les accablés, les minorités, les paumés ainsi que tous les poids morts de la société.
« Celui, dit Jésus, qui l’accueille, c’est moi qu’il accueille ». « Voilà le plus grand d’entre vous. »

Après cela ils reprirent la route vers Jérusalem vers le calvaire et la croix. Et là, les bras écartés il versa son sang pour que puissent vivre tous ceux qui sont et seront crucifiés comme lui.
Et l’Eglise continuera à faire cercle, sans autre hiérarchie que l’amour.
Sans doute sera-t-elle souvent tentée par le pouvoir, la réussite et le succès mais heureusement il surgira continuellement des prophètes pour lui rappeler qu’elle doit être servante et pauvre et qu’elle doit faire cercle, non pas pour se fermer sur elle-même mais pour protéger tous les enfants et les petits du monde.

Piste 3

Qu’y a-t-il de plus naturel que d’essayer d’obtenir une promotion ? C’est vrai à l’armée, dans les administrations ou dans les entreprises.
Grimper à un poste supérieur, décrocher un avancement c’est s’assurer d’abord un supplément financier qui n’est jamais négligeable ; obtenir plus de responsabilités, ce qui est valorisant ; c’est aussi avoir plus de pouvoir de décision, ce qui est toujours gratifiant.
Il n’y a là rien de répréhensible me semble-t-il, que du contraire. N’est-ce pas le chemin que tous les parents désirent voir prendre à leurs enfants. On leur souhaite de grimper le plus haut dans la hiérarchie. On n’imagine pas que des parents puissent dire à leurs enfants : soyez les derniers, devenez les « man’daye », ce qui serait absurde !
N’est-ce pas cependant ce que Jésus semble dire à ses disciples ? « Si quelqu’un veut être le premier qu’il soit le dernier et le serviteur de tous ».
Jésus serait-il donc opposé à la hiérarchie ? C’est peu probable. N’est-ce pas lui-même qui a établi Pierre pour être le responsable des apôtres ?
Jésus ne nie pas l’autorité, n’abolit pas la hiérarchie, mais il rappelle justement qu’être le premier, être responsable, être chef, c’est une lourde responsabilité parce que c’est d’abord être au service.
L’histoire, même actuelle, nous donne suffisamment d’exemples de chefs d’état, de présidents et même à des degrés divers de politiciens, qui ont ruiné leur peuple en détournant tout ce qu’ils pouvaient pour leur seul profit. Combien de directeurs et de sous-chefs, n’ont-ils pas abusé de leur pouvoir de domination pour anéantir moralement leurs subalternes ?
Monter en grade, ce n’est pas d’abord une gloire ni un profit, mais c’est avoir plus encore la responsabilité de ceux et celles dont on a la charge.
Or tous, nous sommes à des degrés divers dans une hiérarchie. N’avons-nous pas tous quelque part une responsabilité que ce soit dans notre vie professionnelle, dans l’une ou l’autre association culturelle, de loisir, d’entraide… ou tout simplement au sein de notre famille ?
Ne nous arrive-t-il pas aussi à notre niveau, de nous comporter en tyrans ou petits chefs imbus de leurs prérogatives, d’imposer notre point de vue, notre façon de faire, d’exploiter la servilité des autres, de nous adjuger la meilleur place… ?

Imaginez ce que serait un monde et notre société si toutes celles et ceux qui détiennent un pouvoir acceptaient de le vivre comme un service, comme on fait pour un enfant, de mettre le plus petit, le plus fragile au cœur de nos préoccupations… alors naîtrait un monde nouveau tout autre que « l’univers impitoyable » qui est souvent le nôtre.
Oui, la logique de Dieu va souvent à contre courant de notre ambition humaine.

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Georges LAMOTTE

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.

Publié: 22/08/2024