1er dim. de carême : Singulier tête à tête que celui auquel nous...

1. Singulier tête à tête que celui auquel nous fait assister l’évangéliste Luc dans ce récit de la tentation. Les historiens sont en droit de se poser bien des questions. Comment Jésus investi de « l’Esprit de Dieu » dès sa sortie du « baptême de repentance » peut-il être poussé au désert par le même Esprit, pour y être tenté par le diable ? Qui est ce diable assez puissant pour transporter le Fils de Dieu au sommet du Temple et pour se dire maître des royaumes de la terre ? Manifestement il faut passer outre et regarder ce récit comme un enseignement raconté à la manière d’une aggada juive. Comme preuve, les nombres utilisés. Quarante jours, ce même nombre de jours au terme desquels Noé retrouva une nouvelle terre. Quarante ans, ce temps de la traversée du désert pour que les Israélites entrent dans la terre promise. Trois, ce nombre sacral qui dit le passé, le présent, le futur, les trois jours au tombeau. De quel sens ces nombres sont-ils les porteurs dans ce récit ? Manifestement, le récit cache une autre vérité que celle d’un récit historique.

2. On peut voir dans la Chapelle Sixtine à Rome une immense fresque de 20 m² peinte en 1482 par Botticelli et intitulée « Les Tentations du Christ ». A gauche, on y voit un mendiant montrant des pierres à Jésus ; au milieu, un moine l’invitant à se jeter du haut du pinacle du Temple ; à droite, un homme nu tomber du haut d’une falaise. Le diable de Botticelli a toujours figure humaine, contrairement aux représentations de Fra Angelico qui le montre sous des traits effrayants, cornu, un fourche à la main, comme au Moyen-Âge. Botticelli nous invite à nous faire voir que l’homme est le propre tentateur de l’homme ? Nul besoin de diable pour tenter, l’homme y suffit.

3. Ce mendiant, montrant à Jésus des pierres pour qu’il en fasse du pain, s’entend répondre que « l’homme ne vit pas seulement de pain ». Si l’homme a besoin de pain, nous savons qu’il a autant besoin de tout ce que le Seigneur veut lui voir partager avant de le réclamer pour lui. Ce pain se nomme écoute, patience, compassion, humilité, fraternité, serviabilité, paix. Ces biens sont de même nécessité que le pain, ni plus, ni moins, à égalité. Les révélations récentes portant sur les faits de maltraitance dans certains établissements pour personnes âgées, les réticences de nos pays d’abondance à l’accueil des migrants en déshérence, les privations de liberté imposées par les petites et grandes dictatures montrent que de ces pains attendus on a fait des pierres.

4. Aujourd’hui, sous le mot tentations, on voit la convoitise de la chair dans tous les sens du mot, y compris celles de l’addiction au boire, au manger, au dépenser, au provisionner du superflu. Lorsque Jésus nous demande de prier le Père « de ne pas nous laisser entrer en tentation », il ne pense qu’à la seule tentation qui importe à ses yeux, celle de ne pas croire en sa parole. Il a commencé sa mission avec une seule demande : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » « Croyez » reviendra à vingt reprises dans le quatrième évangile. On entend Jésus dire à ses disciples, comme une plainte : « Pourquoi ne croyez-vous pas ? » On lit dans le quatrième évangile que les disciples, après que Jésus leur eut longuement parlé d’un pain de vie inconnu, lui demandent : « Seigneur, donne-le-nous toujours, ce pain-là. » Il répond : « Je suis le pain de vie. » Le pain de vie, c’est la foi, la confiance partagée et jamais épuisée entre moi et le Christ Jésus. Pain donné pour être distribué.


Je suis le pain du printemps
Et le pain de vos rêves d’enfants ;
Je suis le pain de vos étés,
De vos échecs et de la dure réalité ;
Je suis le pain de vos automnes
De la vie qui lentement se consomme ;
Je suis le pain de vos hivers
Pour que jamais on ne désespère.

De chaque saison de votre vie
Je fais une immense eucharistie,
Une Pâque de liberté,
Une route d’éternité.

(D’après Michel Hubaut « Prier les sacrements »)

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 06/03/2022