21e dimanche ordinaire

« Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »

1. « Qui peut être sauvé ? » Cette question ne hante pas grand monde dans nos civilisations occidentales aujourd’hui. Les petits bonheurs terrestres quotidiens semblent suffire. Pourquoi s’inquiéter d’un avenir éternel hypothétique dont on ne sait rien. On veut bien se souvenir que Dieu existe quand on ne sait plus quoi faire pour les garder. Dieu est devenu alors le secouriste, le pompier de l’urgence. Pourtant, du salut, les auteurs de l’Ancien Testament en ont écrit plus de 700 fois. Depuis l’appel à la délivrance du peuple hébreu de l’esclavage en Egypte, de l’exil en Mésopotamie, les auteurs des psaumes prient le Seigneur de les délivrer de tous leurs ennemis, de les guérir de tous les maux, de les sauver de tout ce qui les empêchent d’être heureux. Une autre dimension lui est donnée par Jésus, dont le nom signifie « Dieu sauve ».

2. Mais sauvé de quoi ? On pense au salut éternel, au bonheur sans fin dont nos péchés nous priveraient. On a pourtant bien le sentiment de ne pas avoir causé tant de mal pour mériter une damnation éternelle. Certes nous ne sommes pas parfaits et savons mal faire ou omettre de faire le bien. Mais comment un Père, puisque c’est ainsi que Jésus nous fait appeler Dieu, pourrait-il ne pas pardonner à ses enfants, alors qu’il n’est que miséricorde ? Faut-il gagner son ciel ? Serait-il la rétribution méritée par une vie vertueuse ?

3. Dans la tradition biblique, l’idée de rétribution après la mort est étrangère, alors que depuis des siècles, en Egypte, elle venait après la pesée des âmes. Le croyant juif priait pour obtenir le bonheur dans la vie présente, immédiatement et se plaignait s’il estimait avoir accompli tous les commandements sans recevoir, comme un dû, santé, enfants, prospérité. Quant à l’après, l’auteur du livre de Job écrit : « Tous les morts s’en vont dans le Shéol, et ils y reposent ensemble, bons ou mauvais, riches ou pauvres, libres ou esclaves. » Dans ce monde souterrain, sombre et triste, tous attendent de tomber en poussière. Quelques prophètes pourtant avaient dépassé cette vision de l’avenir. Ezéchiel écrit : « Voici que je vais faire passer en vous un souffle, et vous revivrez. Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai croître autour de vous de la chair, je vous envelopperai d’une peau ; puis je mettrai en vous l’esprit, et vous vivrez ; et vous reconnaîtrez que je suis l’Eternel. » Les pharisiens avaient adopté cette espérance et Jésus leur avait donné raison, à l’opposé des sadducéens qui ne prenaient comme texte sacré que les cinq premiers livres de la Bible, la Thora, qui n’en dit pas un mot. La résurrection de Jésus arrive alors comme un coup de tonnerre. L’espérance devient réalité.

4. « Qui sera sauvé ? » « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite » répond Jésus à cet homme qui s’interrogeait sur son avenir. Jésus le renvoie à son présent. Cet homme s’inquiétait de son éternité, Jésus le renvoie sur terre pour chercher en premier l’essentiel, le seul essentiel qu’est le Royaume de Dieu. La porte d’entrée est étroite parce qu’il faut se défaire de ce qui empêche de le voir comme essentiel. « Le nombre fut grand de ceux qui se tournèrent vers le Seigneur » écrit Luc dans les Actes des Apôtres. Mais les exigences évangéliques se virent tout de suite confrontées aux penchements contraires à l’attente de Dieu. De cela, nous avons besoin d’être sauvés, au jour le jour, par le Christ à nos côtés.

5. Porte étroite certes, mais ouverte à tous ceux "de l’orient et de l’occident, du nord et du midi ". D’être « le Peuple Elu », faisait la fierté des descendants d’Abraham avec, pour certains, un sentiment de prééminence. Le même sentiment guette le croyant de chaque religion, quelle qu’elle soit, la nôtre comprise. « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle » avait demandé un auditeur à Jésus. Il lui fut répondu par la parabole du bon Samaritain, la concluant par « Va et fais de même », fais comme cet étranger, cet hérétique honni. En voyant toutes ces foules de l’Inde chercher la purification dans les eaux du Gange, faire tourner des cylindres de prière ou des gourous s’astreindre à des positions insolites permanentes et douloureuses, on peut avoir le sentiment de savoir prier bien plus correctement qu’eux. Ne nous trompons pas. Ils prient Dieu !


Seigneur, nous avons fait du mérite
La mesure de nos récompenses
Pour exiger ta reconnaissance
Et faire chanter notre cantique

Nous avons oublié ta générosité
Qui donne sans jamais en limiter le crédit
Les dons qui n’ont pas de prix
Sans que nous sachions t’en remercier

Donne-nous de reconnaître ta patience
Aide-nous à perdre le goût de la suffisance
Qui fait sortir hors des chemins de l’humilité
Et à ne pas sous-estimer le croyant d’à côté.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 21/08/2022