3e dimanche de carême

1. A l’époque de Jésus, les bénédictions de Dieu comme les épreuves, pour certains des croyants, devaient se lire dans le présent. Une longue vie était une bénédiction. Une épreuve devait révéler des péchés qu’on avait commis, peut-être même par la famille. Quand l’épreuve frappe à notre porte, que ce soit un accident, une maladie, un échec, une guerre ou une trahison, notre première réaction est de nous tourner vers Dieu et de lui demander pourquoi. « Qu’ai-je fait au Bon-Dieu ? » Et peut s’en suivre la terrible tentation de fuir par peur de ce Dieu qui se venge. Il ne croit plus, ne pratique plus, ce père de famille qui n’admet pas que Dieu n’ait pas empêcher sa fille de mourir dans la fleur de l’âge. La plupart des rescapés de la Shoah disent avoir perdu la foi. Cela ne nous colle-t-il pas à la peau ? Jésus s’élève contre cette conception de la justice divine. Non, ces Galiléens, des rebelles probablement, massacrés dans le Temple par Pilate, n’étaient pas plus pécheurs que tous les Galiléens. Non, ces 18 personnes tuées par la chute de la tour de Siloé n’étaient pas plus pécheurs que tous les habitants de Jérusalem. Il ajoute pourtant : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez comme eux. » Cette parole est choquante s’il faut la prendre au premier degré.

2. Pourtant tout ne se passera pas comme on devrait s’y attendre. Si le figuier devait être arraché, autre sera sa destinée. S’il n’a plus de raison d’épuiser la terre aux yeux du propriétaire déçu, il sera encore l’objet d’attention de celui qui le cultive. Il sait que la patience est première vertu pour qui s’occupe des choses de la terre. Il apprit, comme nous pouvons le faire aussi, qu’une plante en train de mourir pouvait retrouver vie si on lui redonnait de l’eau et des nutriments. On peut rapprocher cette parabole de celle de ce père de famille qui attend avec patience le retour de son fils parti au loin. L’auteur du psaume 102 l’avait déjà écrit en termes émouvants : « Bénis le Seigneur, ô mon âme. Le Seigneur est miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, et plein d’amour, il ne nous traite pas selon nos péchés, il ne nous rend pas selon nos fautes. » (Ps 102,1-2.09-10) Mais cette patience de Dieu n’est jamais faiblesse : elle est appel à la conversion comme y invitait déjà le prophète Joël : « Revenez à votre Dieu, car il est tendresse et pitié (...) » (Jl 2,13) La parabole nous invite à ne pas demander des comptes à Dieu, mais à nous-mêmes.

3. Elle nous dit aussi que la patience que nous demandons, nous ne pouvons pas la refuser à l’autre. Sénèque, philosophe romain du temps du Christ, qui aurait correspondu avec Paul, a écrit : « Nous avons les défauts des autres dans l’œil et les nôtres dans le dos. » Pour ne pas tomber dans cette tentation, François de Sales nous indique le comment faire : « Mettez-vous toujours en la place du prochain, et le mettez en la vôtre, et ainsi vous jugerez bien. Ressouvenez-vous donc d’examiner souvent votre cœur, s’il est tel envers le prochain, comme vous voudriez que le sien fût envers vous, si vous étiez en sa place. » Catherine de Sienne a trouvé les mots justes pour dire l’enseignement de cette parabole : « Toute créature possède une vigne en elle-même : c’est la vigne de son âme dont elle est le vigneron tant que dure la vie. En cultivant sa vigne, on cultive celle du prochain ; on ne peut cultiver l’une sans l’autre. »

Seigneur, tu nous donnes du temps, le temps de ta patience, pour nous apprendre l’impatience du service à rendre, de la rancune à éteindre, du pardon à donner.