4e dim. de Carême : Ce récit portait jadis le titre de parabole...

1. Ce récit portait jadis le titre de parabole de l’enfant prodigue, ce fils dépensier des biens reçus jusqu’à se mettre dans la condition d’enfant indigne. Aujourd’hui, avec raison, il est intitulé parabole des deux fils ou encore plus justement, parabole du père. On connaît la pathétique représentation qu’en a faite Rembrandt. On y a vu surtout une parabole du repentir en regardant davantage le fils à genoux plutôt que ce père âgé posant ses mains sur ses épaules. Pour en trouver le sens, rappelons que la parabole est une réponse adressée aux pharisiens et scribes qui récriminaient contre Jésus : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. »

2. Le cadet parti au loin représente non seulement ceux qui ne pratiquaient plus, mais aussi qui enfreignaient outrageusement les prescriptions de la loi mosaïque. Il leur est reproché de commercer avec les païens, de marier leurs filles. Tous pécheurs devant l’Eternel et ce sont ceux-là que Jésus ne craint pas d’aborder ostensiblement sans les condamner, de s’asseoir à leur table, sans en respecter les règles et au risque de manger des viandes interdites selon le livre du Lévitique. A l’opposé, ce fils aîné qui garde le domaine, le cultive avec soin, représente les fidèles gardiens de la terre, de la loi. Sa colère éclate lorsque qu’il entend dire que le père a accueilli à bras ouverts et fait grande fête à ce fils revenu non par repentir mais par ce qu’il avait faim. Sa colère est celle de tous ceux qui font efforts et sacrifices pour appliquer tous les commandements de Dieu.

3. L’essentiel vient maintenant, dans l’attitude de ce père qui guettait l’horizon au-delà duquel son fils avait disparu, espérant tout de même qu’il reviendrait. Et lorsqu’il le voit, au loin encore, c’est lui qui court à sa rencontre. Les mots utilisés alors abondent, s’embrouillent : saisi de pitié, il se jette à son cou, le couvre de baisers, l’arrête dans sa demande de pardon ! Peut-on en dire plus pour décrire la joie qui inonde, déborde de ce cœur en fête. Tel est le Père des Cieux nous dit Jésus. Parce que c’est de lui que Jésus parlait. Mais de lui aussi, Jésus, digne Fils de son Père, qui allait chercher ces « pécheurs devant l’Eternel », allait s’asseoir à leur table, sans aucun respect des contraintes mosaïques.

4. Le contraste entre ce Père accueillant et l’Eternel intransigeant est saisissant. Un Père qui aime ! Un Père qui attend. Un Père qui espère ! Un Père qui pardonne sans contrepartie ! Un Père qui se réjouit ! Un Père que l’amour aveugle ! N’a-t-on jamais entendu parler comme cela de Dieu ? On comprend alors que le péché de ce fils, c’est de n’avoir pas reconnu cet amour. De ne pas l’avoir apprécié. De l’avoir mis à distance, pensant trouver son bonheur ailleurs. S’il l’avait reconnu il ne l’aurait jamais quitté ! En cela il a péché contre l’amour, le seul péché qui mérite ce nom. Il pèche aussi ce fils ainé en refusant de se réjouir avec son Père qui va jusqu’à le supplier en termes aimants de partager sa joie. « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » Tu es avec moi ! Tu es avec moi et tu ne te rends pas compte. Regarde ce que tu vis et ne condamne pas ce que tu ne comprends pas. Il te faut apprendre que ton Père n’est pas celui que tu crois avoir.

5. L’histoire de la chrétienté montre que cette parabole fut trop souvent ignorée. Des papes, des évêques, des princes chrétiens cherchèrent à convertir par la force les Juifs, leur nuisirent, expulsèrent ceux qui ne se soumettaient pas. Au temps de l’Inquisition, on brûla ceux qui s’écartaient de la doctrine officielle. Au temps de la Réforme protestante, les chrétiens se divisèrent, se combattirent jusqu’à s’entretuer. Lors de la dernière guerre, un gouvernement français qui se disait chrétien les livra aux camps de déportation, d’extermination. Bien peu s’y opposèrent mais il y en eut tout de même. Le rappel de cette histoire doit nous mettre plus à genoux que fièrement debout, plus repentants. Ne leur jetons pas la pierre, nous aurions été consentants. Parce que c’était dans l’ère du temps.

6. « Un homme avait deux fils. » Nous pouvons certainement nous reconnaître dans l’un et l’autre selon les circonstances. En ce fils cadet qui n’a pas sur reconnaître l’amour que son père lui portait et qui ne pense à venir le prier que lorsqu’il ne sait plus se suffire à lui-même. En ce fils aîné aussi lorsque nous pensons que des pans entiers de l’humanité sont à condamner. Sida, LGBT et assimilés, drogués, en sont. En ce fils cadet, nous qui dépensons sans scrupules, sans règles, les biens de la terre. En ce fils aîné nous qui lui réclamons d’intervenir contre les exactions de ses habitants. En ce fils cadet qui ne sait pas dire merci. En ce fils aîné qui juge sans miséricorde. Oui, le Père des Cieux a en nous deux fils !

Pour nous dire quel Père tu étais, seul ton Fils pouvait nous le dire. Alors le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Rendons grâces à notre Dieu car il fit pour nous des merveilles.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 27/03/2022