5e dimanche de carême

1. On lit dans le livre du Lévitique, l’un des cinq livres fondamentaux de la foi juive, appelée la Thora : « Quand un homme commet l’adultère avec la femme de son prochain, ils seront mis à mort, l’homme adultère aussi bien que la femme adultère. » En fait, aucun récit biblique n’a rapporté un seul exemple de lapidation, horrible supplice, tant les preuves de l’adultère à fournir étaient nombreuses. Mais c’était toujours inscrit dans la Loi. Jésus a souvent contesté la manière de l’interpréter et de l’appliquer. A nouveau, on l’interroge : « Toi, que dis-tu ? » Les détails de la suite du récit portent un enseignement qui ont plus d’importance qu’il n’y paraît.
2. Habituellement Jésus répondait à une question par une autre question, obligeant son interlocuteur à trouver lui-même la réponse. Pour une fois il ne répond pas, garde le silence, et se penche vers le sol, se met à y écrire. Après qu’on lui ait fait entendre ce que Moïse avait écrit sur des tables de pierre ineffaçables, Jésus écrit dans le sable : aucun signe n’y demeure longtemps. En gardant le silence, ce signe porteur d’intériorité les appelle à un examen de conscience : « Que celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
Ces interlocuteurs ne s’attendaient pas à devoir s’interroger. C’est avec une pointe de malice que l’évangéliste ajoute qu’ils s’en allèrent tous en commençant par les plus âgés.
3. La sagesse populaire enjoint de balayer d’abord devant sa porte, de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. François de Sales le dit plus joliment : « Il faut fleurir là où Dieu nous a semés. Ne semez point vos désirs sur le jardin d’autrui, cultivez seulement bien le vôtre. » A l’image du sable qui ne retient aucune écriture, notre mémoire est volatile. Jésus nous invite à étaler d’abord devant nous un temps de silence pour nous permettre de passer par notre intérieur, d’en visiter les caches sombres. Cela demande d’abord de se taire. La scène avait commencé devant un prétoire à charge. Elle se termine par le départ silencieux des jurés. D’accusateurs ils étaient devenus des accusés.
4. Des jugements sur les comportements, nous en portons tous les jours, presque sans nous en rendre compte. Instinctivement. Avec raison lorsqu’il y va de tout comportement qui porte du tort à soi, à autrui, ou lorsqu’il y va de la justice. Jésus l’a demandé pour cet intendant malhonnête qui a refusé de remettre une somme sans comparaison avec celle qu’on lui avait remise. Il a véhément blâmé ceux qui faisaient passer la Loi avant le soutien aux parents, avant l’aide à qui est dans l’attente d’une aide, comme pour cet homme guéri un jour de sabbat. Ce qu’il nous demande, c’est de ne pas nous prendre comme référence en oubliant que nous avons besoin de la patience d’autrui.

C’est écrit, t’ont-ils dit, Seigneur. Mais toi tu n’as rien écrit. Seulement des signes que seul le cœur doit lire. Ils ne sont pas faits d’encre mais de miséricorde. Pour que dans nos mains les pierres qui lapident deviennent chapelles de miséricorde.

Méditation

Ils voulaient une réponse dans l’urgence.
Toi, tu leur as donné le temps du silence
Pour faire taire la voix de l’impatience
Qui couvre celle de la claire conscience.

Il y a la Loi et ses tables de pierre
Qu’il faut observer sans rien y distordre.
Mais la tendresse et la miséricorde
Ne se lisent que dans un cœur de chair.

Je visiterai d’abord ma pauvre demeure
Avant d’aller sur la place du marché
Pour ne pas être tenté de vouloir faire payer
Ce dont je ne peux même pas être vendeur.