6e dimanche de Pâques

1. Nous prions avec conviction et beaucoup d’espérance pour la paix, le partage, la justice et pourtant les choses semblent plutôt s’accélérer vers plus de guerre, plus de pauvres, plus d’injustices, moins d’emprise des valeurs chrétiennes. Ce constat doit nous aider à ne pas nous faire des illusions. Il en sera toujours ainsi. Jésus en a donné la preuve. Qui a mieux prié que lui pour que l’amour entre les hommes devienne leur idéal, la règle du vivre ensemble ? Et pourtant il fut condamné sans que personne ne lève le petit doigt. Et combien d’autres après lui. Le temps de la paix des armes, le temps de la cessation des violences collectives ou individuelles, cette paix à la manière des hommes n’arrivera jamais du vivant de l’homme. La loi du plus fort est la plus universelle, la plus intemporelle des lois.

2. La paix de Jésus, sa paix, concerne un autre espace. Celui de de notre intérieur, de notre cœur. Parce que la guerre est en nous, dans notre cœur partagé entre ce qui le fait souffrir et ce qu’il fait souffrir. Il peut être victime mais aussi faiseur de souffrance. Saint Paul s’en plaignait amèrement dans sa lettre aux chrétiens de Rome : « Malheureux homme que je suis ! Effectivement, je ne comprends rien à ce que je fais : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais… le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais. »

3. La paix de Jésus, celle qu’il veut donner, concerne une autre manière de la voir. Pour lui, elle n’est pas un état mais un combat contre tout ce qui produit plus de non-paix. Elle fera que nous ne rendrons pas la gifle reçue, que nous ne passerons pas à côté des blessés de la vie, que nous saurons nous rapprocher de ceux qui sont loin, voire contraires à nos conceptions et sentiments. Le chemin que Jésus prit lui-même. Les évangiles ne sont que le récit de la montée de Jésus vers le Calvaire. Pendant cette montée qui commença un jour au bord du Jourdain, se poursuivit au milieu de ses opposants, il montrera à ses disciples le comment vivre notre vie de tous les jours dans la fidélité qu’il leur souhaite. Mais, ajoute-t-il, ils ne le pourront qu’avec une disposition incontournable, sous une condition nécessaire qui tient en peu de mots : « Si vous m’aimez ! » Quand on aime une personne, on éprouve de la joie à parler d’elle, à la revoir, à passer du temps avec elle, à souffrir de ce qui la fait souffrir, se réjouir de ce qui la réjouit, à voir ses projets se réaliser et à mettre la main à la pâte pour qu’ils se réalisent. Ce n’est plus une communication d’idées, de paroles, d’ordres, c’est une communion. Socrate disait déjà : « Que voulez-vous que je lui apprenne : il n’aime pas. » Plus fort sera notre attachement, plus facile sera ce sentiment de paix intérieure.

4. L’histoire de l’Eglise nous fait connaître des hommes, des femmes qui disent que cela est possible, qu’ils l’ont vécu. A commencer par l’apôtre Paul qui, d’ennemi des disciples du Christ, en devient le plus passionné : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ! » Pour en revenir à la prière, voilà celle que faisait, au 4e siècle, saint Patrick, évêque d’Irlande : « Christ devant moi, Christ derrière moi, Christ sur moi, Christ en moi et à mes côtés, Christ autour et alentour, Christ à ma gauche et Christ à ma droite, Christ avec moi le matin, et avec moi le soir. Christ dans chaque cœur qui pensera à moi, Christ sur chaque lèvre qui parlera de moi, Christ dans chaque regard qui se posera sur moi, Christ dans chaque oreille qui m’écoutera… » On ne peut pas prier mieux. Charles de Foucauld, bien conscient de tout la fragilité du cœur, écrivait : « Ne craignons pas… Le Seigneur nous voit ramer. Il nous voit nous fatiguer en vain. Mais il est avec nous ! » C’est en le regardant que nous apprendrons sa manière. Alors qu’une épreuve nous met en grand émoi et peur, on peut toujours se dire qu’il y a pire. Mais allons plus loin : regardons le Christ montant vers le Calvaire, devinons ses pensées. Elles étaient pour nous pour que notre cœur ne soit ni bouleversé ni effrayé.

Seigneur, tu connais les limites de notre cœur, si vite oublieux, si vite froid. Nous aimerions bien nous attacher à toi comme tes disciples, mais nous sommes traversés par tant de sentiments épars, habités par tant de raisons de regarder autrement les choses qu’en toi. Rappelle-toi à nous quand nous t’oublions. Comme une grâce, nous te le demandons.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 22/05/2022