17e dim. ordinaire (27/7) : Pistes pour l’homélie
Piste 1
Poursuivant le récit du bon Samaritain et de Marthe et Marie, saint Luc nous parle aujourd’hui de la prière de demande. Il existe, en effet, plusieurs formes de prières : de louange, d’action de grâce, de demande… Celle-ci est probablement la plus courante. Qui n’a jamais rien demandé à Dieu, que ce soit pour obtenir la santé, la réussite, le beau temps ou que sais-je… ?
Et pourtant au fond de soi-même, chacun sait que Dieu ne peut faire l’impossible, il ne peut pas faire un rond carré ! Si les deux équipes d’un match de football demandent de gagner, ce n’est pas possible, ni faire gagner la guerre aux deux rivaux qui s’affrontent. Dieu ne peut faire tomber la pluie sur les agriculteurs et briller le soleil sur le mariage !
Si nous avons déjà beaucoup demandé, nous avons aussi déjà fait de nombreuses expériences de demandes non exaucées. Que de malades pour qui on a tant prié sont finalement morts ! Dieu n’est pas un magicien intervenant contre les lois naturelles.
Pourtant certains recueils de vies de saints rapportent des événements extraordinaires réalisés par eux de leur vivant, saint Nicolas rendant la vie aux trois petits enfants. Nous savons combien ces récits ont été embellis et amplifiés aux cours des siècles.
Cela veut-il dire qu’il est vain de demander à Dieu quoi que ce soit puisqu’il ne peut changer le cours de l’histoire et qu’il est donc insensé de lui adresser une prière de demande ?
Bien sûr que non et c’est ce que nous rappelle saint Luc aujourd’hui.
Mais avant tout, il est primordial de prendre conscience que la prière de demande n’a pas pour objectif de faire connaître à Dieu l’objet de nos désirs et de nos besoins. Cela Dieu le sait mieux que nous. La prière de demande a d’abord pour effet de nous faire prendre conscience que c’est nous qui sommes les premiers concernés, autrement dit les premiers à nous engager pour changer le cours des choses. La prière est d’abord un tremplin qui donne l’énergie pour travailler et faire aboutir nos demandes qui ne vont pas se réaliser comme par enchantement. La prière ne change pas le cours des événements mais nous donne la force de les affronter.
Si je prie pour la paix, c’est d’abord pour que je la vive moi-même dans mes relations personnelles.
Si je prie pour qu’il y ait plus de justice sociale, c’est pour demander à Dieu de me donner le courage de combattre personnellement toutes les injustices.
Si je prie pour obtenir le beau temps au mariage de ma fille, c’est pour disposer mon cœur à vivre ce moment dans la joie et la fête et, quelle que soit la météo, ce n’est pas elle qui nous empêchera de faire en sorte que la fête soit réussie.
Si je prie pour obtenir la santé, ce n’est pas pour me dispenser d’aller chez le médecin, mais pour que, quelle que soit l’évolution, celle-ci ne m’empêchera pas de vivre profondément et intensément le temps qui me reste à vivre.
En résumé, la prière de demande n’a pas pour but de nous installer dans la passivité en attendant que tout nous tombe du ciel ; la prière de demande est avant tout mobilisatrice parce qu’elle nous assure que Dieu est avec nous, il est notre force et notre espérance de vie.
Piste 2
Abraham était vraiment tenace, si je n’étais pas poli je dirais « casse-pied », tellement il est insistant. Il fait un véritable marchandage avec Dieu pour épargner la ville de Sodome.
L’Evangile va dans le même sens : quel est l’ami qui refuserait de donner du pain à son ami sans gêne qui vient le réveiller pendant la nuit ?
En résumé toutes ces lectures semblent vouloir dire qu’il suffit de demander n’importe quoi à Dieu, avec un peu d’insistance, on finit toujours par être exaucé. Ceci peut faire rêver ! Une bonne prière insistante me permettrait de gagner au loto ou de réussir mes examens.
Un tel raccourci de l’évangile nous fait passer à côté de message de Jésus !
Oui, il suffit de demander mais pas n’importe quoi. Revoyons les exemples de l’évangile :
- Il s’agit d’abord d’un homme qui veut accueillir des amis qui viennent d’arriver à l’improviste pendant la nuit. Il souhaite leur donner à manger mais il n’a plus de pain et va en demander à son voisin.
- Le 2e exemple est un peu semblable : « Quel père donnerait à manger un serpent à son fils ? »
Remarquez, comme dans l’intercession d’Abraham, qu’il ne s’agit pas de demander quelque chose pour soi mais pour les autres.
Remarquez encore qu’ils ne prient pas pour obtenir un plus à ce qu’ils possèdent déjà, non il s’agit d’obtenir de la nourriture ou un pardon, c’est-à-dire quelque chose d’absolument nécessaire, d’indispensable à la subsistance ou à la vie.
En lisant ces récits je me suis encore posé une autre question : pourquoi devons-nous prier avec autant d’insistance ? D’abord Abraham qui essaye de toutes ses forces d’infléchir le cœur de Dieu ou encore l’évangile qui nous dit de ne pas avoir peur d’insister : frappez, demandez, cherchez… et vous obtiendrez ! Dieu-est-il sourd ? Son cœur est-il si peu sensible qu’il faille tant insister ? Si vraiment il nous aimait, ne pourrait-il nous donner, nous ouvrir et nous obtenir avant même que nous le lui demandions ?
Non, Dieu n’est pas sourd. L’évangéliste veut simplement nous dire que Dieu ne fera rien sans notre collaboration. Si nous avons perdu quelque chose il ne suffit pas de dire une bonne prière et puis ça vous tombe du ciel… il faut aussi chercher. Si nous voulons recevoir ce dont nous avons besoin il faut se donner la peine de demander. Si nous voulons que la porte s’ouvre il faut d’abord frapper…
Jésus est bien clair : la prière ne suffit pas, nous avons un effort à fournir, ça ne viendra pas tout seul ; à notre prière nous devons joindre le geste, l’effort, le travail, la recherche… cela Dieu ne le fera pas à notre place.
Prenons l’exemple des parents : le plus mauvais service qu’ils puissent rendre à leurs enfants c’est de faire tout à leur place. En bons éducateurs ils leur apprendront à devenir autonomes, à travailler et à lutter pour construire eux-mêmes leur vie.
Mais dans les moments difficiles ils seront toujours à leurs côtés pour les encourager, les soutenir et leur apporter l’aide nécessaire jusqu’à ce que cela aille mieux… et puis ils se retirent.
Il en est de même pour Dieu. Comme un Père qui nous aime, il ne fera pas notre travail à notre place mais il est toujours à nos côtés pour nous aider, nous soutenir et nous relever.
Prions donc, non pas pour changer le cœur de Dieu, mais pour nous changer nous-mêmes et nous stimuler à travailler pour que son règne vienne, règne d’amour et de paix.
Piste 3
Prier ! Est-ce bien nécessaire ? N’est-ce pas une évasion, une démission, une perte de temps ? L’homme moderne est plein d’objection, de soupçons vis-à-vis de la prière, surtout de la prière de demande. Ne s’agit-il pas en effet d’un reste de pratique magique ou infantilisante, n’est-ce pas une manière de nous dispenser un peu facilement de prendre notre vie en main, de prendre nos responsabilités ? Le malaise de nos contemporains qui est sans doute aussi le nôtre, nous invite aujourd’hui à creuser un peu la question.
C’est en effet dans un langage poétique que l’auteur du livre de la Genèse nous introduit, avec un peu d’indiscrétion, dans la conversation entre Dieu et Abraham.
C’est en quelque sorte Dieu qui vient consulter Abraham sur le sort de 2 villes pécheresses : Sodome et Gomorrhe. Nous voyons donc Dieu traiter presque d’égal à égal avec Abraham. Et de ce dialogue dépend le sort de ces 2 villes.
De cela nous pouvons déjà tirer un enseignement : nous sommes solidairement responsables du monde avec Dieu. Dieu ne dirige pas le monde tout seul, mais avec l’homme pour partenaire.
Par ailleurs le récit montre que Dieu a un faible pour l’humain. Et Abraham, sans avoir l’air d’y toucher, sans jamais rien exiger mais avec l’audace inouïe de celui qui se sait aimé, remet Dieu devant sa miséricorde : « Tu ne peux quand même pas faire périr des justes avec des pécheurs. » N’est-ce pas un peu la même attitude que nous retrouvons dans l’ami importun de l’Evangile qui ose frapper en pleine nuit, car il sait que son ami lui ouvrira ?
Et pourtant, si nous poursuivons le récit de la Genèse, nous apprendrons que les 2 villes ont été détruites. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas exaucé la prière d’Abraham ? Sans doute parce qu’Abraham n’a pas persévéré, n’a pas fait confiance jusqu’au bout, il a cru que la miséricorde de Dieu avait des limites, il n’a pas osé continuer sa demande, il s’est arrêté à dix justes, il n’a pas osé aller jusqu’à un seul !
Or l’Evangile nous incite à aller jusqu’au bout, jusqu’à importuner l’ami qui est Dieu.
Ceci nous fait comprendre que la prière n’est pas une sorte de magie facile ou un chantage affectif sur Dieu. Non, la prière c’est ce qui nous permet de prendre conscience de ce qui nous est donné et donc de l’accueillir, elle est comme la matrice, c’est-à-dire le lieu où la vie est donnée et reçue, le point de jonction, de rencontre où la bonté de Dieu est offerte et accueillie.
Autrement dit, nous ne devons jamais arrêter notre prière, c’est-à-dire ce dialogue entre Dieu et nous en faveur des Sodome et Gomorrhe d’aujourd’hui qui ont tant de visages dramatiques, de violence et d’oppression.
Oui, nous ne devons jamais nous arrêter d’aimer notre monde d’aujourd’hui tel qu’il est, sans mépris ni jugement. Mais n’oublions pas que notre prière de demande ne nous désengage pas du combat dans la cause pour laquelle nous prions.
Thomas Moore disait : « Seigneur bien aimé, quand je prie pour quelque chose, accordez- moi aussi la grâce de travailler pour elle. »

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.
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