5e dim. de Pâques (18/5) : Pistes pour l’homélie
Piste 1
Judas vient de sortir, Jésus et ses apôtres partagent leur dernier repas. Jésus sent que son heure est proche. Il n’a plus de temps à perdre pour de longs discours. Deux gestes et une parole résument son enseignement et sa vie. Ses deux gestes seront le lavement des pieds et le partage du pain et du vin, tandis que ses paroles sont : « Je vous donne un commandement nouveau, aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Si vous demandez à quelqu’un un peu instruit sur les questions religieuses, de vous citer par cœur une phrase de l’Evangile, il y a 9 chances sur 10 que ce sont ces paroles qui viendront en premier à la bouche.
Par contre, la question qui surgit aussitôt : « Mais où est donc la nouveauté de ce commandement ? »
En effet, l’humanité n’a pas attendu Jésus pour aimer. On peut dire que tout le monde peut et sait aimer. Même les gens les plus cruels, les tortionnaires… aiment leur famille, leurs amis.
C’est vrai, mais la nouveauté de l’amour dont parle Jésus vient de cette petite ajoute : « comme je vous ai aimés » ! La nouveauté c’est d’aimer comme Jésus.
Quelle est alors la caractéristique, ou disons l’originalité de l’amour de Jésus ?
C’est sans doute un amour qui est « don », don de soi, entier, définitif. Ou encore un amour plus fort que la faute, un amour qui va jusqu’au par-don.
« Aimer comme Jésus », c’est trouver son bonheur en construisant le bonheur de l’autre : s’engager, savoir se mouiller, se battre pour que les autres puissent accéder à des conditions humaines d’existence suffisamment dignes pour atteindre le bonheur.
Remarquez que, dans toute la Bible, l’amour est toujours associé à la justice. Ce qui signifie qu’aimer comme Jésus, c’est faire en sorte que tous les humains puissent manger à leur faim, recevoir les soins nécessaires. Que tous puissent travailler, bâtir leur maison, vivre dans la liberté. C’est donner aux plus démunis de sortir de leur isolement, de l’ignorance, du cercle infernal de la violence, de l’injustice, les faire accéder à la culture… en un mot c’est permettre à tous de vivre dans la sérénité et la paix.
Vous le voyez, aimer comme Jésus, ce n’est pas aimer à l’eau de rose, c’est un amour constructif, téméraire, pas toujours facile, qui ose se donner de la peine.
Peut-être, me direz-vous encore, « même cet amour, d’autres femmes et d’autres hommes avant Jésus ou sans le connaître, ont été capables et sont encore capables aujourd’hui de le vivre ».
Oui, et heureusement, car l’Esprit de Dieu, l’Esprit d’amour n’a pas de frontières. Telle est d’ailleurs la caractéristique de l’amour de Jésus, il est un amour qui s’enracine dans l’amour du Père. Et cet amour du Père ne peut s’exprimer qu’à travers l’amour du prochain, quel qu’il soit.
Il n’empêche, qu’aimer comme Jésus, dépasse souvent notre entendement, notre raison, notre sagesse humaine. Pour nous en convaincre il suffit d’imaginer des situations comme celles-ci : « Si vous étiez patron d’entreprise, accepteriez-vous de vous abaisser devant vos employés pour cirer leurs chaussures ? Choisiriez-vous comme chef d’équipe celui qui vous a laissé tomber ? Accueilleriez-vous une femme adultère et prendriez-vous le parti des voleurs… ? » Vous pouvez toujours essayer mais… vous verrez ce qu’il vous en coûtera et Dieu sait où cela vous conduira !
Piste 2
Avez-vous déjà pensé qu’il n’existe pas 2 choses identiques dans le monde. De même, parmi les milliards de femmes et d’hommes sur la terre jamais personne n’a ni ne sera identique à un autre. Cela signifie que chacun est absolument unique. Il en va de même pour l’amour : s’il existe des milliards de femmes et d’hommes qui s’aiment, c’est dire qu’il y a des milliards de façons d’aimer et que chaque amour est unique.
Or aujourd’hui, Jésus nous dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Ce qui interpelle c’est ce « comme », comme je vous ai aimés ! Est-ce une invitation à identifier son amour à celui de Jésus ? J’ai de la peine à le croire. Alors qu’est-ce-que Jésus veut nous dire ?
Et bien je pense que ce « comme » est une invitation à vivre un amour de la même nature que le sien. Quelle est donc la caractéristique, l’originalité de l’amour de Jésus ?
Personnellement je dirais qu’aimer « comme » Jésus ce n’est pas aimer l’autre pour soi-même : je t’aime pour ta beauté, des dons, tes capacités… mais je t’aime pour toi-même c’est-à-dire pour ton bonheur à toi. Aimer comme Jésus c’est, me semble-t-il, vouloir le bonheur de l’autre, c’est mettre tout en œuvre pour réaliser son épanouissement.
Et dans cette façon d’aimer je distingue 3 traits fondamentaux :
- Aimer comme Jésus c’est avant tout un don, un don de soi entier, définitif. Jésus a donné sa vie non seulement au moment de sa mort mais dans le quotidien le plus ordinaire.
- Le 2e trait de l’amour de Jésus, c’est d’aimer jusqu’au-delà du don, c’est-à-dire jusqu’au pardon.
- Aimer comme Jésus c’est aussi aimer jusqu’au bout dans la fidélité. C’est vouloir contribuer au bonheur de l’autre au-delà de toutes ses limites, ses erreurs, ses petits côtés. C’est aimer d’un amour plus fort que la faute, jusque donc aimer ses ennemis.
Ces 3 grandes caractéristiques de l’amour, ne sont-elles pas justement celles que nous retrouvons dans l’alliance d’amour qu’est le mariage ?
Un amour qui est don de soi, fidèle et qui va jusqu’au pardon.
Rappelez-vous les paroles du sacrement de mariage : « Je te reçois comme époux (épouse) et je me donne à toi » « pour nous aimer fidèlement tout au long de notre vie ».
Remarquez enfin que ces paroles de Jésus dans l’Evangile viennent après la dernière Cène, la veille de sa mort. Elles sont comme le testament, le résumé de toute sa vie. Elles sont tellement devenues le cœur de notre foi, que nous avons identifié Dieu à l’amour.
Il est évident que l’amour existait avant Jésus, mais n’est-il pas venu le vivre dans toute sa plénitude ?
Piste 3
Même si nous ne sommes plus des novices dans la lecture de l’Evangile, il faut avouer qu’il y a de ces paroles qui ne sont pas toujours très compréhensibles. Nous en avons un bel exemple ici : « Maintenant le fils de l’Homme est glorifié et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour nous donnera sa propre gloire. »
La gloire en hébreu se dit kabôd. Ce qui signifie étymologiquement « être lourd », « ce qui donne du poids » « ce qui en impose ».
La richesse et la notoriété peuvent donner un certain poids à l’homme, de l’honneur, de l’influence, du pouvoir mais ce pouvoir est souvent usurpé et malsain. Le véritable poids de la personne surgit de sa profondeur humaine. Un homme tel que Gandhi n’avait pas de richesse mais il était habité d’une telle profondeur qu’il était écouté et respecté. Il avait, comme Jésus, une autorité naturelle. Sa renommée s’est étendue à travers le monde et le temps. Il a aussi acquis de l’influence, une puissance d’action devant laquelle les Anglais ont dû se plier.
Les exemples sont nombreux de personnes sans or ni richesse mais qui étaient habitées d’un tel « poids », d’une telle « gloire » dirions-nous en hébreu, qu’elles ont prodigieusement contribué à changer le monde. (Martin Luther King, Nelson Mandela, abbé Pierre…)
Or, pour en revenir à l’Evangile, remarquez que Jean nous dit que c’est au moment précis où Judas part dans la nuit pour trahir Jésus, c’est à ce moment là que sa « gloire » est manifestée.
La gloire de Dieu c.-à-d. tout son poids, sa puissance d’amour se manifeste pleinement à l’instant où commence la passion et à l’instant la mort de Jésus. Et c’est aussi la gloire de Jésus parce que trahi, abandonné de tous, persécuté, il va jusqu’au bout, jusqu’au don de lui-même dans l’amour.
Alors en ce qui nous concerne, c’est à nous maintenant de « rendre gloire » à Dieu, comme nous le disons souvent, c.-à-d. de le laisser exister en nous. Mais comment ?
La suite du texte nous le montre.
Le mot qui résume le reste de l’Evangile c’est le mot « comme ». Aimez-vous les uns les autres, ça tout le monde le sait mais la nouveauté c’est d’aimer « comme je vous ai aimés ».
Aimer « comme » ne signifie pas qu’il faille faire la même chose, copier comme on fait un copier-coller, cela n’aurait aucun sens. Je pense à ces hommes en Amérique du Sud qui chaque année se font crucifier pour faire comme Jésus ! « Aimer comme Jésus » ce n’est certainement pas non plus respecter minutieusement la loi.
Non, « aimer comme Jésus » c’est simplement se laisser habiter par le même Esprit d’amour en inventant à chaque instant, selon les circonstances, les imprévus de la vie, de nouvelles manières d’aimer. Que ce soit en famille, en communauté… que l’autre soit un être cher, un ami, un concurrent ou un ennemi… aimer c’est rester vigilants, vouloir et créer du bonheur, de la dignité pour tous en commençant par ceux qui en ont le plus besoin.

Prêtre du diocèse de Namur, † 2017.
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