18e dim. ordinaire (3/8) : Commentaire
A la messe, il est souvent question de vie éternelle. Mais cela n’a guère d’impact, car le temporel nous accapare trop. Le Christ veut nous donner des yeux plus perçants, un esprit plus lucide pour voir la fragilité des choses et rechercher un bonheur qui ne passe pas (évangile et première lecture). Débarrassons-nous donc de l’homme ancien avec son appétit de jouissance, et revêtons l’homme nouveau qui accède à la connaissance des vraies valeurs (deuxième lecture).
Première lecture : Qo 1,2 ; 2,21-23
Le livre de l’Ecclésiaste, encore dit Qohélet ou Prédicateur, fait partie de la littérature sapientielle. Son thème est annoncé dès les premiers versets de ce dimanche : Vanité des vanités, tout est vanité !
Vanité, en hébreu : “souffle du vent”, donc ce qu’il y a de plus passager, qui s’envole ; “néant”, pourrait-on traduire. Ce n’est donc pas de la “vanité du paon” qu’il est ici question, mais plus profondément de la fragilité, du néant de toute chose sous le soleil. Le Prédicateur illustre sa thèse avec l’exemple des biens matériels pour lesquels il s’était donné tant de peine, et que, a sa mort, il doit laisser - comble d’ironie - à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine.
Ces considérations - fort pessimistes - sur la vanité des richesses préparent des propos semblables de l’évangile. Propos plus positifs cependant (du bon emploi des richesses) et où le cœur qui n’a pas de repos s’apaisera dans la recherche d’un Dieu qui ne déçoit pas.
Psaume : Ps 89
Dieu, tu es stable, éternel. L’homme, lui, retourne à la poussière. Comme tout est bref ! Mille ans sont comme hier ; avec le recul, c’est comme un jour, une heure... dans la nuit, du non-sens. Nous sommes comme l’herbe d’un jour, elle fleurit le matin ; le soir, elle est desséchée. Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, que nous ne vivions pas comme des étourdis. Que nos cœurs découvrent ta sagesse. Reviens vers nous, Seigneur, qui nous étions perdus dans la vanité des choses. Rassasie-nous de ton amour.
Alors nous serons délivrés de la tristesse d’une vie absurde, et nous passerons nos jours dans la joie et les chants d’action de grâce. Jusqu’à ce que vienne sur nous la douceur du face-à-face avec toi. Alors, ce que nous faisons dans notre vie, l’ouvrage de nos mains, sera définitivement consolidé.
Deuxième lecture : Col 3,1-5.9-11
Comme à son habitude, Paul fait suivre la partie doctrinale : vous êtes ressuscités avec le Christ - par une partie morale qui en est la conséquence : recherchez donc. Le chrétien observe un mode de vie diffèrent parce qu’il se sait différent ; il se sait d’en haut, il doit donc rechercher les réalités d’en haut, tendre vers elles, et non vers celles de la terre. Cet en haut n’est évidemment pas local, géographique ; il est mystique : avoir le cœur là où le Christ est assis à la droite du Père. Le non aux réalités de la terre ne saurait en aucun cas être traduit en une fuite ; terre est ici synonyme de vie sans Dieu, par opposition à l’en haut, la vie avec le Christ.
Tandis que le païen se laissait aller a tous ses vices : débauche, jouissance, mensonge, le chrétien d’alors étonnait par une vie exigeante. Et aujourd’hui, dans un monde où tout est permis, vivons-nous “autrement” ? Paul demande une véritable “mortification” : Faites mourir en vous... le vice... Il utilise l’image du vêtement, image que reprendra le rite baptismal où l’on se débarrasse de son vêtement, signe de l’homme ancien, pécheur, pour revêtir l’habit neuf, l’homme nouveau en Christ.
C’est dans le Christ enfin que sera aboli le plus grand mal : la division entre les hommes, entre Grecs et Juifs (source de conflits dans les communautés primitives), entre esclaves et hommes libres. Il n’y a que le Christ : en tous, il est tout !
Ce processus est lent ; le créateur doit toujours “nous refaire” à neuf. Ces réalités, en attendant, restent cachées. Nous sommes dans le “déjà” et le “pas encore” : déjà aimés de Dieu, déjà transformés, mais la finition est pour la venue du Christ, quand il paraîtra. Alors, l’échafaudage qui cachait la construction disparaîtra, et nous paraîtrons avec le Christ en pleine gloire. Voilà le fondement et l’objet de notre espérance.
Ainsi finit la lecture des morceaux choisis de la Lettre aux Colossiens que nous pourrons maintenant relire en son entier avec plus de profit - pour la mettre en pratique. Plus de peur des éléments du cosmos, mais la joie d’être déjà ressuscités, sauvés, réunis en Christ. Et vivons ce que nous sommes !
Evangile : Lc 12,13-21
Un incident : Jésus est en train de prêcher ou de converser quand, du milieu de la foule, un homme lui demande : Maître, dis à mon frère - qu’y s’y dérobe - de partager avec moi notre héritage. On s’adressait volontiers à un rabbi, un maître, pour régler hors tribunal des litiges de ce genre, d’où l’apostrophe : Maître ! Devant cet homme lésé qui crie l’injustice dont il est victime, Jésus se dérobe : Qui m’a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? La réponse nous paraît cruelle. Pourquoi ? Jésus est en route vers Jérusalem où il va mourir. Il a plus important à faire que de se mêler d’une histoire de gros sous où vont jouer les petits intérêts. Et puis, semble-t-il dire, je ne suis pas venu régler ce que vous pouvez fort bien régler vous-mêmes. N’avons-nous pas trop souvent tendance à mêler le Christ à nos choix politiques, sociaux... et jusqu’à l’examen de notre enfant que nous le prions de faire réussir ?
Peut-être la question de l’homme a-t-elle trahi en celui-ci un cœur cupide, attaché à l’argent. Car Jésus enchaîne : Gardez-vous de toute âpreté au gain. Il faut bien gagner sa vie, mais ici Jésus stigmatise cette âpreté, ce vouloir toujours avoir plus, alors qu’il vient d’inviter ses disciples à prier : donne-nous juste ce qu’il faut, le pain pour chaque jour (voir dimanche précédent).
Puis il donne la raison profonde de cette prise de distance : de quoi dépend la vie d’un homme, sa valeur, sa vraie réussite ? Certainement pas de sa richesse.
Et Jésus d’illustrer la sentence par la parabole de l’homme riche qui rêvait de construire des greniers plus grands pour ses réserves, son abondance, afin de manger, boire, jouir... de nombreuses années. N’était-ce pas son droit ? Et ne faut-il pas prévoir ? Mais Dieu lui dit : Fou, cette nuit même, on te redemandera ta vie. N’est-ce pas folie de programmer aussi légèrement ? L’homme prévoit, planifie, programme, mais il n’englobe pas dans son programme la fin de toute valeur passagère, fragile. Ces investissements sont trompeurs. L’expression fou, en grec : insensé, avec une nuance d’impiété - implique un manque de foi aux vraies valeurs, aux définitives, à Dieu lui-même. Jésus condamne le matérialisme athée, l’exclusion de Dieu des programmes humains. L’homme riche qui monologuait avec lui-même (14 fois reviennent les mots égoïstes : je, mon) est subitement confronté au dialogue avec la mort et avec Dieu. Ainsi nous monologuons, nous programmons selon nos vues, comme si Dieu n’existait pas. Fous, insensés !
La sentence finale apporte une dernière progression : Voilà ce qui arrivera à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. Employons notre richesse (et qui n’en a quelque peu par rapport au Tiers-monde, aux petites gens de son voisinage ?) à faire le bien. En aidant le pauvre, nous amasserons des trésors dans le ciel ( ; ; ). Nous ne sommes pas les propriétaires de nos richesses, seulement les gérants.
A travers ce sermon sur la vanité des biens passagers et sur leur bon usage, se dessine la figure d’un Maître comme pressé d’aller vers l’essentiel, sa mort en croix. Il n’a pas le temps de s’occuper d’histoires d’héritage, surtout si elles sentent l’âpreté au gain. Il a lui-même gagné sa vie par un humble travail, il a mené une existence de pauvre devant Dieu, détaché des richesses, tendu, pressé vers les biens impérissables. Suivons ce Maître pour devenir vraiment riches, riches de Dieu.
Prêtre du diocèse de Luxembourg.
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