Ami diacre, qui es-tu ?
Texte écrit en juin 2023
Aujourd’hui beaucoup de chrétiens se sentent plus solidaires, plus partie prenante de la vie ecclésiale. Chacun comprend mieux qu’il a un rôle à jouer pour le bien du corps entier et pour porter l’Evangile à d’autres. Certains fidèles laïcs collaborent au ministère même des prêtres et sont en responsabilité pastorale. Et puis, depuis plus de 50 ans, il y a des diacres permanents. Chers amis diacres, merci d’être au nombre des acteurs pastoraux !
Naguère le prêtre faisait tout ou à peu près tout. Aujourd’hui l’Eglise est davantage plurielle. N’est-ce pas un gain ? N’est-ce pas plus juste de faire route en Eglise ainsi ?
L’émergence du laïcat et d’autres acteurs pastoraux que le prêtre constitue aussi un défi. Il s’agit de faire jouer tout le monde ensemble, de laisser chanter le rossignol qu’il y a en chacun, de permettre à chacun de déployer sa vocation spécifique. Une exigence de l’heure, à laquelle nous appelle le synode sur la synodalité, n’est-ce pas de travailler à une bonne articulation du rôle de chacun ?
Sans doute un temps de tâtonnements est-il inévitable. Le progrès ne se fait pas toujours de manière linéaire. Le diaconat, réalité encore jeune et évolutive, se cherche encore. Mais il importe de poser quelques balises, car la confusion des ministères est la misère des ministères.
Qu’est-ce qu’un diacre ? Ami diacre, qui es-tu ? Dans le concert pastoral, quel est ton chant ?
Ordonné, selon les termes du texte du rétablissement formel du diaconat permanent, « non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du service » (LG29), le diacre est un autre que le prêtre, et non un prêtre de deuxième catégorie habilité à toutes les tâches du presbytérat, sauf dire la messe et entendre les confessions.
Le diacre n’est pas un suppléant du prêtre. Normalement c’est le prêtre qui préside à la vie des communautés chrétiennes. Lorsqu’on demande à un diacre de présider habituellement les assemblées dominicales en l’absence de prêtre que sont les ADAP, ou de présider à la vie d’une communauté locale, il existe un réel danger de mettre le diaconat dans l’orbite de la prêtrise et de porter atteinte à la spécificité de la vocation diaconale. Non sans humour, quelqu’un disait : « Si le manque de prêtres laisse des trous, ce n’est pas au diaconat à les repriser. »
Le diacre n’est pas un sous-prêtre. Sa vocation n’est pas d’être un produit de remplacement. Sa vocation est originale. Quelle est celle-ci ?
Le diacre est ordonné en vue du service. Il est le signe sacramentel, c’est-à-dire visible et efficace, du Christ-Serviteur. Certes il n’a pas le monopole du service et du cœur. Tous les baptisés sont appelés à servir, et incontestablement le service du frère doit animer tout ministère pastoral. Mais le diacre rappelle à toute l’Eglise qu’elle doit être en tenue de service. Le Christ-Serviteur, qui a lavé les pieds des disciples et a regardé ceux-ci non de haut en bas mais de bas en haut, doit être particulièrement visible et lisible chez les hommes à l’étole en sautoir.
Le service est le maître mot de la mission diaconale. Diacre vient du grec « diaconos » qui veut dire serviteur. Comme tel le diacre est avant tout le ministre de la charité. En nommant un nouveau diacre, il faut – me semble-t-il – d’abord penser à l’étroite solidarité de l’Eglise avec l’ensemble de la famille humaine, à ceux qui sont loin, à ceux qui ont du mal à s’insérer dans l’Eglise et qui sont au seuil.
Que, dans le chef du diacre, le service de la charité oriente et colore la façon d’exercer les deux autres fonctions, à savoir le service de la liturgie et celui de la parole, ne veut pas dire qu’il exclurait les deux autres. Cela veut dire que, quand un diacre exerce la diaconie de la liturgie ou celle de la parole, c’est en ministre de la charité qu’il est avant tout qu’il le fait. Concrètement, quand un diacre prêche, c’est comme diacre qu’il doit prêcher. Un diacre me disait un jour : « Je sens que je ne dois pas prêcher exactement comme le fait le prêtre. Et cela me gêne un peu quand mon curé me donne des directives trop précises sur l’homélie à faire. » Je le rejoins tout à fait, et j’encourage les diacres à être eux-mêmes dans l’homélie, et dans tout le reste !
Un petit mot encore en réponse à la question : Ami diacre, qui es-tu ? Le diaconat est d’ordre sacramentel : il touche à l’être profond. Devenir diacre, c’est bien davantage qu’accepter un mandat dans une institution, cela change un homme. Et aussi un couple. De tout cœur je remercie les épouses de diacres, au début quelque peu bousculées par l’appel du Seigneur reçu par leur époux, et qui non seulement donnent leur consentement, mais épousent chaque jour un peu davantage la route diaconale de leur mari.
Evêque de Namur (Belgique)
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