6e dimanche ordinaire

1. Qu’ont pensé ces petites gens de la plaine, ces besogneux pêcheurs du lac, ces modestes paysans de la campagne, en entendant Jésus leur dire que les pauvres, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent, ceux qui sont persécutés doivent se considérer comme heureux. Il savait bien, pour l’avoir vécu, qu’il fallait du pain chaque jour pour ne pas être dans la mendicité, qu’il fallait la paix pour vivre en harmonie dans le village, qu’il fallait compatir avec ceux que les épreuves de la vie, de la santé faisaient pleurer. Qu’a voulu nous signifier Jésus ? Pour cela il faut regarder au revers des choses, énumérées dans la deuxième partie. Qu’il faut lire comme une plainte et pas comme une condamnation. Un témoignage surprenant peut nous y aider.

2. Une rescapée des camps de concentration raconte qu’un jour elle a entendu dans ce camp un déporté juif remercier Dieu. Avec insistance. Etonnée, elle lui en demande la raison. Sa réponse : « Je remercie Dieu de ne pas être de leur côté ! » Lui, la victime, remerciait Dieu de ne pas être l’un de ces bourreaux comme beaucoup se laissèrent devenir volontairement ou par peur d’en devenir une victime. Alors que beaucoup ont perdu la foi, cet homme remerciait. Il faut avoir suivi un profond cheminement intérieur, spirituel pour en arriver là. Etre du bon coté, voilà à quoi Jésus veut nous conduire à travers ces paroles fortes qui peuvent nous paraître incompréhensibles, au-delà du possible.

3. Jésus, qui n’était ni pauvre, ni riche, a rencontré des pauvres qui mendiaient à la porte des riches sans obtenir les miettes qui tombaient de leur table, parce que, comme l’écrit saint Bernard : « Celui qui se porte bien ne sent pas le mal d’un autre, non plus que l’homme rassasié ne ressent pas les tourments du famélique. » Jésus a rencontré malades et handicapés que l’on tenait à l’écart parce qu’on les disait punis par Dieu. Il a vu qu’on le haïssait, lui et ceux qui croyaient avec lui, que l’homme n’est pas fait pour le sabbat mais le sabbat pour l’homme. Alors il leur a dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez, mon fardeau est léger car je suis doux et humble de cœur. » Ils entendirent alors que, s’ils étaient sans amour, sans miséricorde sur cette terre, s’ils n’étaient pas aimés des hommes, ils l’étaient de son Père des Cieux. Qu’il était venu pour leur dire cela. Qu’ils étaient les mieux placés pour lui faire confiance plutôt qu’à ceux qui disaient n’avoir besoin de personne, qui disaient savoir trouver comment être heureux, alors qu’en une nuit ils perdraient leurs greniers remplis de leurs éphémères trésors.

4. Il ne s’est pas contenté de le dire mais il l’a montré. Il n’a jamais dit aux malades d’attendre du ciel leur guérison : il les a guéris ! Il n’a jamais dit qu’il fallait accepter de subir les pouvoirs politiques ou religieux : il en dénoncé à haute voix leurs excès. Au lieu d’accepter le titre de maître, il a demandé de le regarder comme un serviteur. Il fit voir dans l’appétit de l’enrichissement le danger d’y voir le but de la vie qui fait qu’on ne regarde plus ailleurs, au-delà des jours que nous passons sur cette terre, plus haut que nos pieds.

5. Les paroles de Jésus sont aussi pour nous. Certes nous ne sommes pas de ceux qui possédons la richesse des riches. Certes nous n’avons le pouvoir de ceux qui décident et dirigent notre monde. Mais nous devons nous rendre compte que nous participons à notre échelle à leurs causes et à leurs effets. Une émission récente montrait comment nos déchets de consommation s’entassent en Afrique en des montagnes sur lesquelles des gens, des enfants cherchent de quoi améliorer un peu leurs conditions de vie au détriment de leur santé. La violence engendre la violence et les menaces de guerre aux frontières de l’Ukraine font craindre le pire. Mais elle peut être présente aussi dans nos paroles, nos comportements. Si nous nous sentons bien impuissants au niveau de la planète, nous sommes en mesure, si nous le voulons, de faire disparaître les causes de souffrance, de division, de mise à l’écart chez nous.

6. Nous n’avons pas besoin de chercher loin. Ce dimanche, celui de la Santé, nous appelle à prendre cette piste. Nous connaissons tous des malades et peut-être en sommes-nous. Nous le savons combien la maladie isole, décourage. Nous ne nous rendons jamais autant compte du trésor qu’est la santé que lorsque nous la perdons. Et peut-être regrettons-nous de ne pas l’avoir assez appréciée. Mais tant que nous le pouvons, nous devons faire notre possible pour en atténuer les conséquences auprès de ceux qui la perdent. Il y a la prière, bien sûr. Mais le Seigneur nous demande avec la plus grande insistance de les visiter. Dans une parabole il dira « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait. » Rendre visite à un malade, à une personne seule, c’est rendre visite à Dieu, ont écrit Vincent de Paul, Camille de Lellis.

Seigneur, sois notre guide sur cette terre pour nous apprendre à ne pas laisser nos mains se fermer par peur de nous appauvrir. A ne pas laisser nos yeux se détourner de la peine d’autrui par peur de devoir s’engager. A ne pas laisser notre cœur mourir de ne pas assez aimer. Pour pouvoir te remercier d’être du bon côté, le tien.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 13/02/2022