32e dimanche du temps ordinaire

1. Deux lectures de la liturgie nous mettent devant les yeux des veuves en grande pauvreté. Leur situation à l’époque était des plus précaires. Il n’y avait pas de sécurité sociale, bien sûr, et leurs moyens de subsistance provenaient de ce que leurs donnaient leurs fils à condition d’en avoir, d’être en âge de le faire et selon leurs moyens. Si la veuve n’avait plus d’enfants, c’était la misère assurée qu’elle ne pouvait atténuer que par la mendicité. On se souvient de cette veuve de Naïm, allant enterrer son fils unique et devant laquelle Jésus, pris de pitié, s’est arrêté pour rendre la vie à son fils.

2. La scène décrite par Marc se passe au Temple de Jérusalem. On n’imagine plus aujourd’hui l’importance que le Temple avait pour le croyant, monument phare de la ville et de toute la foi juive, son unique lieu de culte. Construit par Salomon selon la tradition biblique, détruit en 587 par Nabuchodonosor, le potentat d’Assyrie, l’actuelle Irak, il avait été reconstruit plus modeste au retour. Au temps de Jésus, le roi Hérode, pour se faire accepter des Juifs dont il n’était pas, le fit agrandir et somptueusement embellir pendant 40 ans. Il devint la fierté des croyants juifs comme des disciples de Jésus qui un jour lui en feront remarquer la splendeur. De ce Temple, il ne reste quasiment rien aujourd’hui, les Romains l’ayant incendié de fond en comble et ayant emporté à Rome son trésor inestimable, 40 ans plus tard. De tout temps, un impôt était demandé pour son entretien, pour les prêtres, les serviteurs appelés lévites, les gardes aussi dont quelques-uns iront arrêter Jésus au jardin des Oliviers. Ils étaient si nombreux qu’un dicton courait à Jérusalem : il y a autant de prêtres et de lévites dans le Temple que de pierres dans ses murs. On a estimé qu’ils étaient 20 000.

3. Jésus est là, lui aussi, avec ses disciples, dans cette foule immense venue au temps de la Pâque de tous les pays pour accomplir les rites de prière, d’offrande et de sacrifices d’animaux prescrits par la Loi. Et ceux qui mettaient au trésor de grosses sommes n’avaient aucun scrupule à le faire ostensiblement. Jésus les voit comme il voit cette veuve qui ne dépose que deux piécettes, deux centimes, misérable obole mais prise sur son nécessaire. Parce qu’elle veut aussi honorer Dieu malgré sa pauvreté. Elle se contenterait d’un peu moins encore, mendierait un peu plus encore. Et elle a fait ce geste très discrètement et personne ne devait y avoir fait attention. Mais Jésus l’a vu et comment il l’a vu, il va le dire ses disciples et leur montrer à voir dans ce geste bien plus que ce qui était visible : « En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc… car elle a pris sur sa misère, eux n’ont pris que sur leur superflu. » Jésus vient de leur dire ce que son cœur, le sien, a vu dans le secret du cœur de cette veuve. Bien plus que ce que les yeux permettaient à tous de voir, un trésor caché dans la mise au Trésor du Temple de deux petites pièces par une pauvre.

4. C’est une leçon qu’il nous a donnée ce jour-là. Faire avec le cœur, voir avec le cœur. Cela s’appelle la cordialité, cette disposition qui se verrait sur nos visages, dans nos paroles, dans nos gestes, cette fibre qu’il faudrait rendre plus sensible et faire vibrer dans le concert bruyant de nos relations. Voilà comment Vincent de Paul en parlait. « La cordialité, à proprement parler, est l’effet de la charité qu’on a dans le cœur, de sorte que deux personnes qui ont dans le cœur l’une pour l’autre de la charité, elles le témoignent à la rencontre l’une de l’autre. Avez-vous de l’amour pour les pauvres, vous leur témoignerez être bien aises de les voir ! La cordialité est donc une saillie de cœur, une joie qu’on sent dans le cœur quand on voit une personne qu’on aime, et qu’on témoigne par le visage ; car, quand une personne a de la joie au cœur, elle ne la saurait cacher ; vous la voyez bien sur son visage. Agir de la sorte, c’est un témoignage par lequel on fait voir qu’on a de la cordialité dans le cœur par une certaine joie qu’on sent dedans, qui rend la personne d’un visage doux et gracieux. Si la charité était une pomme, la cordialité en serait la couleur. On peut encore dire que, si la charité était un arbre, les feuilles et le fruit en seraient la cordialité, et si elle était un feu, la flamme en serait la cordialité…Faire le contraire, c’est montrer un visage triste et morne, qui fait geler le cœur à ceux qui vous abordent. C’est un vice opposé à la cordialité de paraître rude et rustique aux autres. » Louise de Marillac, avec qui Vincent de Paul avait institué les Dames de Charité, lui fait suite : « Ayez grande douceur envers votre prochain, vous cachant souvent ses fautes pour vous remettre les vôtres devant les yeux. »

Seigneur, cette cordialité que tu as montrée, aide-nous à la vouloir d’abord, à y penser souvent pour que lentement elle éclaire nos visages, donne à nos paroles de ta douceur, à nos gestes tes manières de faire. Qu’il en soit ainsi… Amen.


Méditation

Elle ne savait que pleurer cette veuve de Naïm
Qui n’a pas de nom mais beaucoup de peine
Pour raconter au grand jour sa douleur de mère
A ceux qui suivaient sans savoir que faire.

Elle était portée plus qu’elle ne marchait
Vers cette tombe qui enfouirait ce visage
Qui était sa raison de vivre dans ce village
Dont elle sortait comme on sort du monde des vivants.

Mais Toi, du milieu de ta joyeuse cohorte,
Tu les as tous fait arrêter pour leur montrer
Qu’on ne passe pas à côté d’une souffrance aussi forte
Sans se laisser toucher par grande pitié.

Seigneur, je suis souvent comme en deuil de Toi
Les jours où il me semble que tu passes loin de moi.
Seigneur, touche la civière cachée qu’en moi je porte
Pour relever et ressusciter mon Espérance morte.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 07/11/2021