13e dimanche ordinaire

1. « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi. Celui qui aime sa fille ou son fils plus que moi n’est pas digne de moi… » La déclaration de Jésus est fracassante. Elle devient encore plus surprenante par ce qu’il ajoute : « Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité je vous le dis : non il ne perdra pas sa récompense. » Quel abîme entre ce seul verre d’eau fraîche donné à l’un des proches de Jésus et les liens du sang mis hors course. Jésus touche pourtant là aux plus plus profonds, ceux de la famille, qui font notre structure de base, nos sentiments les plus élevés sans lesquels notre vie quotidienne perd toute saveur. Il y a de quoi dissuader les bonnes volontés qui souhaiteraient s’engager mais sans devoir perdre leurs racines humaines, celles-là mêmes qu’a voulues le Créateur.

2. On observe pourtant que Jésus a toujours fait grande place à ces liens familiaux fondamentaux. Il a appelé à lui les enfants pour les bénir et proposer à ses disciples leur confiance comme exemple à suivre. N’a-t-il pas défendu avec force l’indissolubilité du mariage : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ? » Il a condamné ceux qui, sous prétexte de faire un don au Temple, négligeaient l’assistance à leurs parents. Et du haut de la croix, il confie sa mère à Jean. Son dernier commandement n’est-il pas : « Aimez-vous les uns les autres ? » Alors qu’a donc voulu nous dire Jésus ?

3. Un Africain inconnu raconte : « Sur un sentier raide et pierreux, j’ai rencontré une petite fille qui portait sur le dos son jeune frère. “Mon enfant”, lui dis-je, “tu portes un lourd fardeau”. Elle me regarda et dit : “Ce n’est pas un lourd fardeau, monsieur, c’est mon frère !” » Elle portait un autre regard que cet homme sur ce qu’elle faisait. Jésus nous invite ici à porter un regard plus loin que celui de nos yeux, notre cœur à plus aimable que nos proches, notre amour à plus éternel que nos regrets que l’on inscrit sur les plaques tombales pour ceux qui ne sont plus et que le temps effacera des mémoires. « Eternel est son Amour » clamait déjà un psalmiste louant les sentiments du Seigneur à l’égard de l’homme. En quelques mots très tranchés, Jésus veut nous rappeler qu’au-delà du temporel, il y a l’éternel, qu’au-delà du visible, il y a l’invisible qu’il est venu rendre visible. Par voie de conséquence, il nous demande un attachement sans limite. Il nous permettra de voir toutes choses autrement. Il ne faut pas lire l’Evangile à la manière d’un livre de recettes de cuisine, pour y trouver un art du mieux vivre, une assurance de bonheur éternel. La religion chrétienne n’est pas une religion du livre comme on l’a dit souvent. Elle est le lieu d’une rencontre qui propose un dépassement. « Aimez-vous les uns et les autres » a dit Jésus, mais « comme moi je vous ai aimés ». C’est donc lui qu’il faut approcher, qu’il faut regarder, qu’il faut imiter.

4. Ce « comme moi je vous ai aimés » demande à être creusé. Il ne peut certainement pas signifier « autant » que lui, tant son amour dépasse nos possibilités. Par contre on peut lui donner l’autre sens qu’il inclut, celui qui demande de le faire « à sa manière ». C’est là que le verre d’eau trouve peut-être sens. Donner un verre d’eau à qui a soif est déjà un geste d’humanité. Mais qu’elle soit fraîche dit davantage, dit un plus qui dépasse la simple réponse au besoin vital indispensable. L’hôte a répondu à une attente qui serait sienne s’il était à sa place : que cette eau soit fraîche. Se mettre à la place, Jésus l’avait déjà signifié à ses disciples dans sa règle d’or : « Faites aux autres ce que vous souhaitez qu’on fasse pour vous. » Il va bien plus loin que ce « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on fasse pour vous », déjà exprimé par les sages du passé. C’est un renversement du regard sur soi, un renversement du vouloir pour soi. Ce faisant, nous nous approcherons de « la manière de faire » de Jésus. Il s’est déjà mis à notre place en prenant notre condition humaine. Il n’a cessé de se mettre à la place des souffrants qu’il a guéris, de s’asseoir à la table des petits, de relever ceux que l’on avait jugés et condamnés. « A la manière de faire de Jésus », il faut nous appliquer !

Seigneur, aide-nous à écouter avant de parler, à entendre les attentes au lieu de proposer nos recettes.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 02/07/2023