5e dimanche de Pâques

1. Jésus a trouvé dans la création tant d’images pour nous dire quelque chose d’en haut, qu’il ne fut pas difficile, depuis longtemps, d’avoir mis l’Evangile en bande dessinée. Ici le royaume de Dieu ressemble à ce semeur qui sème à tous vents. Là, il est comme le minuscule grain de sénevé qui devient un abri pour les oiseaux. Ailleurs il ressemble à ce père qui guette le retour de ce fils qui n’a pas su reconnaître son bonheur près de lui. Dimanche dernier, nous avons entendu : « Je suis le Bon Pasteur. » Aujourd’hui : « Je suis la vigne. » A un autre occasion : « Je suis le pain descendu du ciel » et encore « Je suis l’eau vive. » Des images parlantes certes, mais il ne s’agit plus de paraboles. Il ne dit pas « Je suis comme le bon pasteur, ou comme le cep de vigne, ou encore comme le pain que nous mangeons. Il dit : « Je suis le Bon Pasteur, je suis le cep de vigne, je suis le pain vivant ! »

2. Pour que vive la foi du croyant. Ainsi le Bon Pasteur va jusqu’à donner sa vie pour son troupeau. Ce pain comme cette eau donnent de vivre éternellement. Si les sarments sont séparés du pied de vigne, ils meurent. On lui a demandé à plusieurs ce qu’il fallait faire pour obtenir la vie éternelle. Jésus répond : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »

3. Le récit poursuit : « Demeurez en moi comme moi je demeure en vous. » A huit reprises, en dix versets, ces mots reviennent dans sa bouche. Ils disent d’abord l’inimaginable présence de Jésus en chacun de ses disciples. Jean avait commencé son évangile avec ces mots : « Le verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » On a appelé cette habitation l’incarnation. Mais Jésus va plus loin devant ses disciples : Moi je demeure en vous, non pas seulement parmi mais en vous. Il est signifié aux disciples une indéfinissable, irreprésentable présence. Saint Augustin en raconta sa découverte en termes enflammés. « Maudit soit l’aveuglement qui m’empêchait de te voir. Maudite soit la surdité qui ne me permettait pas d’entendre ta voix ! Sourd et aveugle que j’étais, je ne m’attachais qu’aux merveilles de ta création. Je me suis fatigué à te chercher hors de moi, Toi qui habites en moi, pourvu que j’en aie le désir. J’ai parcouru les bourgs et les places publiques, et je ne t’ai pas trouvé, parce que je cherchais en vain ce qui était en moi. Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée ! Tu étais au-dedans, et moi au-dehors. Tu étais avec moi ; je n’étais pas avec toi. »

4. « Mais vous aussi demeurez en moi. » C’est une prière que Jésus adresse à ses disciples. Le cep de vigne apporte sève et nutriments ; encore faut-il que le rameau ne s’en détache pas. Au soir de son arrestation, sachant bien que ses disciples se disperseront, que Pierre ira jusqu’à le renier, Jésus prie pour que ses disciples lui restent unis « comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi ». Mais nous ne pourrons lui rester unis que si nous avons pris conscience de sa présence. Ce qui ne va pas de soi, comme l’écrit Guillaume de Saint-Thierry, ami de saint Bernard : « Où es-tu, Seigneur, où es-tu ? Et où, Seigneur, n’es-tu pas ? Je suis certain qu’ici, maintenant, tu es avec moi. Mais puisque tu es avec moi, pourquoi, moi aussi, ne suis-je pas avec toi ? Aie pitié, Seigneur, aie pitié ! Tiens ma main, ne me lâche pas, jamais je ne te trouverai sans le secours de ta miséricorde et de ta bonté pour moi. Jusques à quand, Seigneur, jusques à quand ? Si Toi, tu n’allumes pas ma lanterne, si tu n’illumines pas mes ténèbres, je n’arriverai pas à m’arracher à cette tentation de ne pas croire en Toi. O lumière, ô lumière de vérité, chasse aujourd’hui mes ténèbres. Nourris-moi du pain de vie et abreuve-moi de l’eau du salut. » Faisons nôtre sa prière.