4e dimanche de Carême

1. Toutes les lectures de ce dimanche abordent la question du salut. La première lecture nous rappelle que les juifs exilés par Nabuchodonosor à Babylone, proche de l’actuelle ville de Bagdad, ont été libérés par Cyrus, le vainqueur Perse, l’actuelle Iran. L’apôtre Paul écrit aux Ephésiens : « C’est par grâce que vous êtes sauvés. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes. » A Nicodème, un pharisien proche de Jésus, venu le voir de nuit pour éviter les reproches d’autres pharisiens, Jésus évoque cette étrange histoire du serpent de bronze élevé par Moïse pour guérir ceux qui avaient été victimes des serpents venimeux, en retour de leurs récriminations au désert du Sinaï.

2. On est amené à se poser la question : « De quoi, l’homme a-t-il besoin d’être sauvé ? De quoi chacun d’entre-nous en a-t-il besoin ? » Au 4e siècle, saint Augustin a répondu : « Du péché originel. » Un péché qui se serait transmis de génération en génération et qui affecterait le nouveau-né avant même qu’il n’ait pu faire quelque faute. On écarte aujourd’hui cette explication. Le récit biblique ne parle que d’une désobéissance et on ne parlait pas du péché originel au temps de Jésus. La question demeure : « De quoi avons-nous besoin d’être sauvé ? »

3. Nous venons d’entendre les paroles que l’évangéliste Jean met dans la bouche de Jésus : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » C’est que l’homme n’avait pas aimé le monde que Dieu aimait. Caïn tua Abel et Noé constata « que la méchanceté des hommes se multipliait sur terre et que son cœur, à longueur de journée, n’était porté qu’à concevoir le mal ». Et le déluge vint. Pour autant, Dieu n’oublia pas l’homme comme il le fit dire par le prophète Jérémie : « Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle allaite ? N’a-t-elle pas compassion du fils qui est sorti de son ventre ? Même si elle l’oubliait, moi je ne t’oublierai jamais. Vois ! Je t’ai gravé sur mes mains. » Mais l’homme n’avait pas gravé Dieu sur ses mains. Parce qu’il fut créé libre et pouvait choisir entre le bien-faire et le mal-faire. A l’amour de Dieu, il pouvait répondre par le non-Amour ou plus exactement par l’anti-Amour.

4. Alors Jésus vint. Comme Fils de l’homme, c’est-à-dire comme l’incarnation de l’humanité toute entière. Ce faisant il porta, comme le dira Jean le Baptiste, tout le péché du monde. Et ce péché du monde le conduira sur le chemin du calvaire. Mais en haut, il y montrera tout l’amour de Dieu. Le signe du péché du monde allait devenir celui de son salut. Si Jésus s’est assis à la table des pécheurs, comme le lui reprocheront les pharisiens, ce fut pour les amener à sa table et devenir ce qu’il était : « Prenez et mangez… ceci est mon corps livré pour vous… Faites ceci en mémoire de moi. » Par une mystérieuse opération, qui relève de la foi, il nous intègre dans l’Amour qui l’habite et en cela nous libère du non-amour qui nous habite. La croix est le sommet de la révélation chrétienne comme n’en eut pas fini de dire l’apôtre Paul. « Nous ne serons véritablement chrétiens, a écrit le cardinal Hans Urs von Balthasar, que le jour où nous saurons déchiffrer sur le visage du crucifié, la beauté et l’amour de Dieu. »

5. Prenons ce temps de Carême pour nous en approcher. Nous nous sentons toujours piqués par ces serpents qui se glissent dans nos relations, les enveniment, ceux que Paul énumère longuement : « Haines, discorde, jalousie, emportements, rivalités, médisances, commérages, insolence. » En cela nous participons nous au péché du monde et avons besoin d’en être sauvés. « Le serpent vous a mordu ? Regardez celui qui est élevé sur la croix et vous serez sauvés ! » avait dit Moïse aux siens. Aujourd’hui, comme Thomas, écoutons-le nous dire : « Regarde mes mains, regarde mon côté » et « tu seras sauvé. » Tu seras sauvé de l’indifférence qui éloigne le cœur de toutes les victimes du péché du monde. Tu seras sauvé de la tiédeur de ton attachement au Christ-Jésus. Tu seras sauvé parce que tu accepteras de mettre tes pas dans les siens pour porter autour de toi un peu de ce qu’il était venu t’apporter.

Seigneur, en te regardant sur la croix, donne à mes yeux de rencontrer tes yeux, ceux que l’on voit grands ouverts sur la croix de François d’Assise. Ils disent tellement tout de toi. Ils me suivront lorsque je partirai. Fais, Seigneur, que je ne les oublie pas lorsque la tentation d’en faire à ma guise me prendra. Rappelle-moi, alors, tes yeux grands ouverts.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 10/03/2024