La souffrance est-elle indispensable pour rallier le ciel ?

Je viens de relire le récit de Marcelle Auclair sur Thérèse d’Avila, elle qu’on appelle la grande Sainte Thérèse et elle l’est. Et une fois de plus c’est le reproche qu’elle te fait, Seigneur, qui m’interpelle : « Pas étonnant que tu aies si peu d’amis » s’exclame t’elle « étant donné la façon dont Tu les traites ». A mon avis elle se trompe lourdement. Ce n’est pas Dieu qui maltraite ses amis. Cela me parait évident. C’est impensable que Dieu veuille le mal. Mais il est vrai que, quand on est ami de Dieu, très grand ami de Dieu, il peut arriver que l’on dérange fortement ceux qui vivent leur vie sans Toi ou même qui entendent mener leur vie en contradiction avec tes desseins, en privilégiant par exemple tout ce qui a rapport à l’argent quitte à mettre à la rue, des frères moins doués qu’eux sous ce rapport. Pour Thérèse d’Avila, il est certain que sa vie a été, à coté de grandes faveurs, une perpétuelle succession de souffrances dues d’une part à sa mauvaise santé, dont elle n’a guère pris soin, et dues à la méchanceté de tous ceux qui n’acceptaient pas de revenir à la règle primitive du Carmel, dont elle avait fait, à ta demande Seigneur, son cheval de bataille. Elle a également enduré de gros tracas engendrés par sa conception, à mon avis erronée, de l’obéissance due aux dignitaires de l’Eglise. Il ne me parait pas absolument indispensable d’agir contre le simple bon sens pour respecter le devoir ou le vœu d’obéissance. L’exemple qu’elle donne de la replantation d’un poireau, me parait affligeant. Comme l’a écrit récemment un de tes amis, « il n’est pas nécessaire d’être idiot, pour être croyant » (ou quelque chose dans ce goût là).

Mais les stigmates direz-vous ? Là, je vous l’accorde ces marques physiques douloureuses qui rappellent ce que Toi Jésus, tu as enduré, ne sont pas le fait d’humains pervers. Mais à ma connaissance, seules les personnes à qui elles ont été accordées ou infligées, comme on voudra, en avaient un profond désir. C’est un phénomène absolument incompréhensible sur le plan humain, aussi je préfère n’en rien dire.

Heureusement, dans la liste des grands saints il y a celle qui les dépasse tous. Je veux parler de ta mère Seigneur ; il y a Marie qui certes n’a pas été personnellement martyrisée, mais qui a souffert le martyr au pied de ta croix ; mais il semble qu’elle ait eu une vieillesse tranquille, veillant à la bonne marche de l’Eglise naissante, sans tapage, en toute humilité et discrétion. C’est tout juste si on la mentionne comme étant au milieu des Apôtres quand ils se réunissaient dans la chambre haute pour prier ou pour recevoir l’Esprit-Saint. Elle s’est certes distinguée du commun des mortels en allant directement, corps et âme réunis, au ciel. Mais personne n’a prétendu que ce déménagement ou emménagement a été douloureux.

Alors que penser Seigneur ? Faut-il souffrir mort et passion pour devenir ton ami ? Est-ce incontournable ? J’aimerais être éclairée.

Pour le moment je m’en tiens à ma petite philosophie qui n’a rien de stoïcienne, c’est-à-dire accepter, sans me révolter, les épreuves au fur et à mesure qu’elles arriveront sans que je puisse les éviter ; et en cherchant même à les détourner chaque fois que ça sera possible ; les vivre alors avec patience, en empoisonnant le moins possible ceux qui m’entourent.

Je ne vois vraiment pas la nécessité, pour te plaire, d’aller plus loin. Si c’est insuffisant, je compte sur Toi pour me le dire. Mais pour me convaincre, je t’en préviens Seigneur, il faudra que tu sois très clair et particulièrement persuasif.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/09/2013