Les Actes des Apôtres (extraits)

(Catéchèse donnée initialement à Cambrai, le 8 Janvier 2006)

Frères et Sœurs qui me lisez aujourd’hui, que la vraie Joie se manifeste dans vos vies.
Même si c’est dur et si ça rame et si vous vous sentez en dessous de tout
Que la force de Dieu vous soutienne !
Que le souffle de Dieu vous remplisse les bronches
Et vous porte plus haut que vous-mêmes !

Même si vous avez de la peine à exprimer votre foi,
Que l’Esprit du Christ habite vos pauvres mots et surtout vos gestes...
Même si vous vous sentez isolés, marginalisés,
Que l’Esprit du Christ vous fasse retrouver des frères et des sœurs
dans des groupes où le partage est possible, où la prière est simple, où l’entre aide s’organise...
Qu’Il vous donne la joie de célébrer ce beau jour du Soleil qu’est le Christ,
le Dimanche, ce beau jour de la Résurrection qui recrée toute la semaine...

Que l’Esprit vous fasse rencontrer les gens là où ils sont, là où ils en sont !
Là où vous partagez avec eux les rires et les pleurs...
Qu’Il vous rende attentifs à la vie telle qu’elle est.
Même si vous vous sentez incompétents,
que l’Esprit vous rende disponibles à prendre votre part de service,
à vous entr’aider pour faire de vos pauvretés une richesse !

Même si vous avez peur, même si vous ne savez pas où ça vous mène,
Laissez vous prendre par la main,
Apprenez à marcher sur l’abîme,
Avancez en eau profonde, rejoignez le large,
Là où le Père nous attire tous.

Et que le Seigneur soit toujours avec vous !
...
Vingt et un siècles qu’Il est avec nous...
Mais sommes nous avec Lui ?
Comme au point de départ, il nous faut apprendre aujourd’hui
à être son corps, son réseau, le prolongement de ses paroles et de ses gestes.

Rappelons nous ce qu’ont vécu nos premiers frères et sœurs dans la foi,
Rappelons nous leurs expériences, leurs peurs et leurs audaces.
C’est Saint Luc qui nous guide,
dans ce deuxième temps de son évangile que sont les « Actes des Apôtres ».
Alors nous réécoutons quelques extraits de ce livre

(chapitre 1, versets 1-5,8).

J’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le commencement jusqu’au jour où, après avoir donné ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis sous l’action de l’Esprit Saint, il fut enlevé au ciel.

C’est encore à eux qu’avec de nombreuses preuves il s’était montré vivant après sa passion ; pendant quarante jours il leur était apparu et les avait entretenus du Royaume de Dieu.

Alors au cours d’un repas qu’il partageait avec eux, il leur demanda de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis,
« Ce que, dit il, je vous ai appris : Jean, lui a baptisé avec de l’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours »

Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux confins de la terre »

1) Jésus est disparu, mais sa présence ressuscitée continue de missionner les disciples La venue de l’Esprit Les premiers « kérygmes »

Jésus est disparu : il est enlevé de notre vue.
Hier comme aujourd’hui nous faisons cette expérience d’un témoin qui se perd dans l’oubli, comme tous les grands hommes dont on garde seulement un vague souvenir.
Jésus ? un beau souvenir... rangé au ciel des belles idées, des belles images, des modèles moraux, des rêves embaumés...
Aujourd’hui comme hier nous risquons de faire de notre foi un simple héritage, une culture, un patrimoine.
Faudra bien des chrétiens qui entretiennent la flamme de l’arc de triomphe à Jésus Christ, à Noël, au Vendredi saint et à Pâques.
On se soumet au rituel chrétien parce qu’on l’a toujours fait dans la famille...
Jésus rangé comme un bibelot de famille sur le buffet,
pendant qu’on se remplit le buffet de tas de chocolats...

Mais voilà le souvenir qui nous saute à la gueule !
Le voilà le Vivant qui nous rejoint de l’au-delà ...
Il nous a pourtant prévenus, Il nous l’a pourtant annoncé ce Royaume de résurrection !
Pas pour plus tard... pas pour quand les poules auront des dents !

Il nous a bien dit déjà que la résurrection c’est pour maintenant
Et que ce n’est pas un grand soir ! mais un beau matin
Et que ce matin c’est tous les jours,
quand Il pose sur nous un regard qui nous ressuscite,
qui nous remet à l’endroit

alors qu’on se croyait brisé, tordu, foutu, exclu
quand on se croyait loin et oublié, le Père Lui ne nous oubliait pas...
Parce que le Père n’attend pas qu’on soit au top-niveau pour nous aimer
Parce qu’Il nous reprend très bas pour nous mener très haut,
Et qu’il y a plus de joie chez lui quand on saute dans ses bras en chialant après une connerie,
que lorsqu’on lui montre nos bons points avec orgueil...
C’est avec nous pauvres pécheurs qu’Il fait des graciés et des saints
C’est avec le gâchis que nous sommes qu’Il se mélange, pour re-sculpter de l’intérieur son image en nous...

C’est là le bonheur du Royaume d’être des graciés : d’être riches de Dieu alors qu’on est pauvres, consolés par Lui alors qu’on pleure, rassasiés par sa présence alors qu’on a faim...
Le Père déjà nous ressuscitait dans ce regard de Jésus posé sur nous , et qui nous disait : « Relève toi ! T’ai-je condamné ? Va ! tu as en toi de quoi être un saint !
S’il te plait, descends de ton perchoir, j’ai besoin de souper avec toi...
Eh, toi qu’on dit le maffieux, le pourri, la prostituée, viens, suis-moi : deviens ce que tu es dans le cœur du Père : son enfant ! »

Voilà le Royaume inauguré...
Et nous avons encore aujourd’hui des yeux pour le voir, des oreilles pour l’entendre et des mains pour le toucher...

Jusqu’où ça nous a mené tout ça ? au refus et à la Croix... car Dieu ne s’épargne pas... Il ne fait pas ses comptes en crédit et débit, il s’expose à nos libertés et signe son chèque en blanc, il tient son cœur ouvert comme une table.
Table et gibet c’est le même abandon pour nous dire jusqu’où Il veut communier à nous ! En allant jusque là Il nous donnait tout de lui-même.

Il est notre Créateur comme ça, c’est comme ça qu’Il est vraiment Dieu !
Il nous le montre ici encore : c’est au cœur même de la fragilité la plus extrême qu’il exprime sa tendresse, c’est dans le signe même du martyre de Jésus qu’Il montre comment Il ressuscite chaque être.
Déjà le Cantique disait : « L’amour est fort comme la mort »

Voilà notre trésor : nous l’avons là serré sur le cœur comme une lettre d’amour dans la poche de gauche, allons nous la laisser cachetée, gardée comme dans un coffre ?

Nous allons nous dire : Que le Père ressuscite Jésus, ce prophète fragile et malchanceux, à la rigueur... mais ce n’est pas pour nous. L’expérience s’arrête à Jésus. Finalement il n’y a eu qu’un seul chrétien véritable : c’est Jésus lui-même.
Nous nous calfeutrons, et tirons sur nous les verrous de nos églises.
Nous nous sentons en tout cas indignes de prolonger son œuvre. Nous l’entretenons : c’est déjà pas si mal d’être l’association des anciens combattants de Jésus... surtout à 21 siècles de distance, avec les casseroles que l’Eglise se traîne depuis, et tout le poids qu’on peut avoir chacun sur la conscience...Vaut mieux faire profil bas et avoir la foi honteuse !
Voyons : les Chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres !... s’ils délirent de temps en temps c’est qu’ils ont bu un petit coup, ou bien s’excitent, ou bien délirent. Dégrisés, neutralisés et psychanalysés, leurs ferveurs devraient vite s’apaiser...
Et pourtant...

(chapitre 2, versets 1-3,14, 22-24,38)

Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent qui remplit toute la maison où ils se tenaient.

Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu ; elles se divisaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

Pierre alors, debout avec les Onze, éleva la voix et adressa ces mots aux pèlerins :
« Hommes d’Israël écoutez ces paroles. Jésus le Nazaréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous,..., cet homme qui avait été livré selon le dessein ... de Dieu, vous l’avez pris et fait mourir en le clouant à la croix par la main des impies,

Dieu l’a ressuscité, le délivrant du piège des enfers.

Repentez vous, que chacun se fasse baptiser au nom de Jésus - Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit. »

Ce jour de Pentecôte où la Pâque s’accomplit, ce n’est pas seulement hier dans ce récit, c’est aujourd’hui là où nous sommes... si nous entendons bien d’où vient le Vent.
Dieu attend seulement l’ouverture de notre cœur
pour que des ossements desséchés, de la poussière à quoi nous sommes souvent réduits, Dieu refasse surgir une armée,
de groupes frileux, Il fasse des communautés de témoins,
de nostalgiques, Il fasse des audacieux.
Pour que le Royaume ne s’arrête pas à Jésus
mais demeure un appel vivant
relayé dans tout un corps de résonances, voilà qu’Il nous envoie son Esprit
pour qu’Il s’unisse à notre esprit
et nous fasse oser dire à notre tour : « Notre Père... que ton Règne vienne,
maintenant, aujourd’hui, tout de suite, et demain encore !

Que ta miséricorde soit concrètement manifestée,
que les pauvres soient réellement nourris de présences »

Voilà que le Père nous souffle dessus et nous irradie :
Nous qui n’osions plus rien dire après Jésus,
encore aujourd’hui, à la suite des apôtres,
nous nous surprenons en train de porter des mots qui nous portent,
de poser des gestes qui guérissent les autres en même temps que nous-mêmes,
de pardonner comme nous avons été nous-mêmes pardonnés...

Le comble de l’humour de Dieu, c’est que ce soit Pierre qui cause le premier, alors même que par sa bouche il a trahi...
que ce soit la communauté des apeurés qui soit soudain remplie d’assurance,
et qu’à ce ramassis de graciés, Dieu confie le soin de prolonger la prédication de Jésus :
« Convertissez vous ! Croyez à la Bonne Nouvelle ! Vous pouvez à votre tour entrer dans le Royaume des ré enfantés...
Laissez vous seulement plonger dans l’événement de Jésus, réapprenez de son témoignage comment prier et aimer, vivre et mourir.
Laissez vous communier au corps brisé, laver par le sang versé... Buvez à sa coupe !
Convertissez vous : non pas en devenant des parfaits, mais en acceptant que ce soit Dieu, par Jésus, qui vous rachète sur le marché des esclaves en payant de sa personne »

Dès lors la communauté chrétienne est fondée là où nous vivons.
Et c’est aujourd’hui qu’elle vit sa Pentecôte.

2) La première communauté chrétienne :
 la communion
 la prière
 la fraction du pain
 l’enseignement des apôtres Relire les Ecritures dans l’esprit de Jésus et à la lumière des derniers événements Continuer son œuvre avec la force de l’Esprit Saint

(chapitre 2, versets 42-43, 46-47)

Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières.

La crainte s’emparait de tous les esprits : nombreux étaient les prodiges et signes accomplis par les apôtres.

Jour après jour, d’un seul cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple et rompaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec joie et simplicité de cœur.

Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple.

La communion fraternelle : voilà une des insistances majeures de tout le Testament de Jésus.
Soyez unis.
Ressentir qu’on a des choses en commun, qu’on a un esprit qui nous tient ensemble,
Non pas parce qu’on a des intérêts naturels communs,
économiques ou familiaux ou même affectifs,
ni même d’abord des mœurs identiques,
ni des options idéologiques ou culturelles convergentes...

Ce qui nous met ensemble, c’est que Dieu communie à chacun et à tous.
L’Esprit qui unit les croyants c’est l’Esprit de famille issu du Père
Et qui nous adopte et qui nous invite à tous nous retrouver sur ses genoux...
Alors bien sûr qu’après ça, comment ne pas être solidaires avec un nouveau frère, et se sentir concernés par ses problèmes...
La communion divine nous rend sensibles à une solidarité plus profonde
que les simples liens naturels, culturels et historiques ne nous faisaient pas soupçonner.
Nous sommes frères et sœurs plus profondément que nous ne pouvions l’envisager...

Ça ne se produit pas tout seul en nous ! C’est grâce à Dieu et à sa Parole faite chair en Jésus que nous pouvons dire tous les jours : « Merci »
Et c’est à Dieu que nous pouvons demander d’envoyer tous les jours son Esprit et sa Parole de Pardon, pour nous donner sa force... Voilà pourquoi la prière constante dans l’esprit de Jésus est la respiration même du chrétien. C’est elle qui fait la communauté, c’est elle qui fait une Eglise.

Quant à la fraction du pain, comment ne pas y voir le signe mémorial dans lequel Jésus a concentré tout le sens de son action : « Il mange avec les pécheurs » . « Il fait la Noce, c’est un glouton, un ivrogne ! » ... Mais en rejoignant notre pauvreté et notre faim, Jésus multipliait les signes de tendresse et de miséricorde, et cela jusqu’à s’offrir lui-même en corps brisé et sang versé... N’est-ce pas à la fraction du pain qu’on allait désormais reconnaître sa réelle présence dans nos assemblées ?

Il fallait seulement se recevoir de lui tous les jours, dans cette parole transmise, dans ces gestes refaits, dans sa qualité de relation proposée, dans son Mémorial.
Et qui mieux que les Douze pouvait être garants de la fidélité au Jésus de l’histoire ? Ils étaient le groupe étendard, constitué par Jésus lui-même, pour dire : « ça y est Israël est à nouveau 12, comme au début ! Dieu refait son peuple tout nouveau, comme au temps où tous les enfants étaient attablés à la table du Père ». De groupe symbole qu’ils étaient, ils devenaient groupe témoin et garant du Mémorial de Jésus.
Parmi eux il n’y avait pas que des saints ! mais ils étaient tous redevables du Pardon de Dieu dans leur existence, Pierre le premier a dû recevoir à nouveau le signe de la tendresse du Maître et être remis en selle dans sa responsabilité...
Qu’est-ce qui nous met ensemble en Eglise ? une communion que nous recevons du Père, une prière dans l’esprit de Jésus , l’eucharistie de tout à l’heure et le signe des apôtres qui nous rebranche sans se lasser sur le Christ et qui nous envoie vers le monde.

3) Une communauté qui continue l’œuvre de Jésus Conversions nombreuses : les institutions juives aux abois ! Une communauté en procès, comme le Maître

(chapitre 3 versets 6-8)

Pierre dit à l’impotent qui mendiait à la porte du Temple : « Regarde nous...De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, marche ! »

Et le saisissant par la main droite, il le releva...d’un bond il fut debout, et le voilà qui marchait... Il entra avec eux dans le Temple, marchant, gambadant et louant Dieu.

« De l’or et de l’argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne... au nom de Jésus, marche ! »

Voilà l’Eglise : ni or, ni argent, mais un cadeau qu’il faut transmettre...et ce cadeau c’est la force de résurrection qu’est le Nom de Jésus !

Le nom pour un juif ancien, ce n’est certainement pas un chiffre magique ! qu’il suffirait de prononcer pour que ça marche !
L’Eglise ça n’est pas des rituels abracadabra, les prêtres des manipulateurs d’énergies, les chrétiens des faiseurs de prodiges extraordinaires, et la messe un protocole de magie !
Le Nom c’est le Mystère de quelqu’un, c’est sa vocation la plus profonde ! C’est le rôle qu’il aura à jouer dans le monde et dans l’histoire du salut !
Pour désigner Dieu lui-même, un Juif invoque « le Nom »...
Ici c’est le Nom de Jésus que Pierre transmet...
En fait, Pierre transmet au malade d’un seul geste, dans une seule parole, tout le mystère de Jésus. Toute la façon qu’a Jésus d’être avec chacun et chacune, Pierre l’a transmise dans cette rencontre.

Voilà bien le miracle : nous sommes porteurs d’un trésor fantastique dont nous sommes les premiers bénéficiaires : des petites paroles de rien du tout, des petits gestes tout simples, des attitudes concrètes peuvent concentrer et transmettre l’Esprit de Jésus.
Nous sommes alors de simples transmetteurs, des facilitateurs d’une rencontre mystérieuse qui s’opère entre Jésus Ressuscité et la personne.
Alors ça ne nous appartient plus...et le Seigneur continue son œuvre de Résurrection.
Alors quand ça se produit, les gens retrouvent une vie étonnante : et ils entrent dans le Temple, alors qu’ils étaient à la porte ; ils manifestent ainsi qu’ils ont accès à la communion avec Dieu, parce que Dieu, dans le Nom de Jésus, les a guéris.

Voilà l’Eglise : elle facilite la rencontre avec le Mystère de Jésus, qui les rend à la communion avec le Père.

(chapitre 4, versets 1-4)

Ils parlaient encore au peuple quand survinrent les prêtres, le commandant du Temple et les Sadducéens, contrariés de les voir enseigner le peuple et annoncer en la personne de Jésus la résurrection des morts. ... Ils mirent la main sur eux et les emprisonnèrent...

Cependant beaucoup de ceux qui avaient entendu la parole embrassèrent la foi.

Continuant l’œuvre prophétique de Jésus, l’Eglise va devenir, à son tour, aussi exposée que lui.
Aller jusqu’au bout du témoignage et de la transmission,
c’est être amené à mettre ses pas dans les pas du Maître jusqu’au bout,
sans se payer de mots, sans cacher ses fragilités et ses limites,
sans biaiser avec les événements.
Etre simplement jusqu’au dénuement.
Ainsi les saints de l’Eglise d’aujourd’hui nous mettent sur la trace du Christ.
Parfois ils sont tragiquement propulsés sur la scène du monde,
Mais plus souvent, nous étonnerons-nous si, voilés par la main de Dieu, nous en croisons tous les jours sur nos routes ?

4) Les premières tensions dans la communauté Les « hellénistes » et les « hébreux » Proposition des Douze et institution des « diacres »

Chapitre 6, versets 1-4, chapitre 7, verset 59

En ces jours là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes contre les Hébreux.

Les apôtres déclarèrent : « Cherchez parmi vous sept hommes de bonne réputation remplis de l’Esprit et de sagesse, et nous les préposerons au service demandé

...quant à nous les apôtres, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole. »

Tandis qu’on le lapidait, le diacre Etienne faisait cette prière : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit »

Qui oserait penser sans rire que l’Eglise dans nos diocèses, comme à Jérusalem, est exempte de conflits, de grognes, de concurrences, de sourdes guéguerres ... Oh, la plupart du temps pour des raisons justifiées ! Parce que chacun suit son chemin, arrête son plan, considère que les autres n’ont rien compris... On investit tellement d’énergie dans ce qu’on fait, et la plupart du temps bénévolement... gratis pro Deo... qu’on aimerait bien être payé d’un peu, de beaucoup de considération, de reconnaissance, d’approbation...
Mais même quand les intentions sont pures, les divergences sont inévitables, les indifférences fatales, les ignorances renaissantes... On échafaude des réputations sur des dossiers incomplets et des caricatures, et on s’arrange ensuite pour ne pas entendre les compléments d’enquête.

Comme disait un supérieur de séminaire à un séminariste qui se plaignait des mœurs de l’administration romaine : « Il faut bien que l’Eglise soit humaine, pour que nous ayons notre place »
Hébreux, Hellénistes, tous des braves gens, mais qui vivent dans leur bulle respective...
Alors l’Eglise renaît quand elle accepte non pas le conflit, mais de faire la vérité, de dire les choses, d’éclaircir les besoins, et de mettre en place les procédures de guérison des blessures, et de prévention des injustices.
Mettre en place des signes efficaces de Jésus Serviteur... du maître qui n’est maître que parce que le but de son autorité c’est de servir les gens.

5) La persécution. Départ vers la Samarie. La première communauté contrainte d’émigrer hors de Jérusalem. Les épreuves font grandir. L’Esprit continue d’appeler... même ceux qui étaient loin de la foi. La vocation de Paul

Chapitre 8, versets 4-5

Ceux qui avaient été dispersés à cause de la persécution s’en allèrent de lieu en lieu en annonçant la parole de la Bonne Nouvelle.

Ainsi Philippe, descendu dans une ville de Samarie, y prêchait le Christ.

L’annonce de l’évangile touche au plus profond des êtres :
elle met à nu les ressorts les plus profonds de nos existences.
Elle dérange.
Elle déstabilise les certitudes construites pour se défendre,
les structures autoritaires,
les institutions totalitaires,
sûres d’elles mêmes et assises sur leurs bonnes raisons.

Si chaque cœur peut devenir un temple où Dieu repose,
Si la Loi n’est plus là pour exclure mais pour pardonner et relever,
Si le pécheur peut entrer en communion avec le Père
à quoi peut encore servir une religion ? une morale, une autorité, une loi, un interdit ?
Le temple vacille, le Sanhédrin est divisé...
Toute institution traverse de temps à autres ces moments critiques
Où elle prend peur sous la bourrasque de l’Esprit Saint...
Vient alors le temps des persécutions.

Mais les chrétiens ne sont pas liés à un territoire ni à une rentabilité :
et l’Esprit ne contraint pas les gens à se convertir, Il les invite à la Vie.
L’évangile prend le risque de la liberté et donc aussi celui d’être refusé.
Si les gens refusent, les annonceurs partiront plus loin,
rencontreront d’autres pays, d’autres cultures,
annonceront le Royaume aux cœurs accueillants.

Chaque échec est une occasion de rebondir pour l’Eglise.
Car l’avenir appartient à Dieu.
La persécution de Jérusalem va pousser la communauté à partir vers Antioche
et à inventer d’autres formes de vie chrétienne.

Dans nos lieux de vie, l’histoire de nos échecs, de nos reculs, et des refus de l’évangile
nous enseigne-t-elle quelque chose d’un chemin à chercher, à inventer,
à recevoir de Dieu... ?

Chapitre 9, versets 3-5, chapitre 9, verset 20,29, chapitre 13, versets 46-48

Tombant à terre, Paul entendit une voix qui disait : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes tu ? »
« Qui es tu, Seigneur ? » demanda t’il...
Et lui : « Je suis Jésus que tu persécutes. Mais relève toi, va dans la ville, et l’on te dira ce que tu dois faire ».

Paul se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le Fils de Dieu. Il s’adressait aussi aux Hellénistes et discutait avec eux ; mais ceux-ci machinaient sa perte.

Paul et Barnabé déclarèrent aux Juifs : c’est à vous d’abord qu’il fallait annoncer la parole de Dieu... Puisque vous la repoussez, eh bien, nous nous tournons vers les païens.

Tout joyeux à ces mots, les païens se mirent à glorifier la parole du Seigneur, et tous ceux là embrassèrent la foi...

Des nouvelles figures de chrétiens se lèvent,
moins liées aux formes anciennes, plus audacieuses,
et pourtant tout aussi dociles à l’Esprit de Jésus.
Comment les accueillons nous ?

Elles sont coutumières des terrains vagues et des friches.
Souvent plus attentives à des milieux que nous connaissons mal,
à des cultures que nous ignorons,
à des problèmes qui nous paraissent secondaires,
voilà qu’elles nous posent des questions irritantes.
Ces missionnaires relativisent nos manières de prier,
de nous organiser, de décider des priorités...
Nous nous croyons désavoués.

Mais n’est-ce pas là un signe de l’Esprit :
N’est-ce pas une manière de nous inviter à agrandir le cercle de famille,
D’accueillir des richesses nouvelles, des charismes nouveaux ?
A ouvrir d’autres chantiers ?
Le corps qui grandit se sent à l’étroit dans sa peau ancienne
Et pourtant c’est le même :
Ça tire, ça fait mal parfois, mais c’est le bon signe de la vie qui pousse.

6) Graves tensions dans la communauté à propos des orientations missionnaires. La discussion de Jérusalem. Le témoignage des nouvelles églises issues du paganisme. Feu vert à Paul, et pourtant rappels de quelques précautions... Luttes sévères entre sensibilités chrétiennes.

Chapitre 15, versets 5, 7-8, 13,19,20,30,31

Certaines gens du parti des Pharisiens qui étaient devenus croyants, intervinrent pour déclarer qu’il fallait circoncire les païens et les obliger à observer la Loi de Moïse.

Pierre se leva et dit : « Frères vous le savez : dès les premiers jours, Dieu m’a choisi parmi vous pour que les païens entendent de ma bouche la parole de la Bonne Nouvelle et embrassent la foi. Et Dieu, qui connaît les cœurs, a témoigné en leur faveur, en leur donnant l’Esprit Saint tout comme à nous. »

Jacques prit la parole et dit : « je juge, moi, qu’il ne faut pas tracasser ceux des païens qui se convertissent à Dieu. Qu’on leur demande seulement de s’abstenir des offrandes aux idoles, de l’impudicité, des chairs étouffées et du sang. »
... Lecture fut faite de la lettre envoyée à Antioche... et l’on se réjouit de l’encouragement qu’elle apportait.

Dieu connaît les cœurs : et voici que ceux qui se croyaient opposés, ennemis, étrangers
Se découvrent baptisés dans la même tendresse
Sauvés par le même sang versé
Adoptés par le même Père.

Certes Jésus, en bon juif qu’il était, n’avait eu que très rarement contacts avec les nations...
Sans doute ne s’était-il rendu qu’une seule fois dans la terre à cochons,
celle des païens,
et même que ça avait créé une tempête à apaiser dans le cœur des disciples !!!

Mais voici maintenant qu’affluaient dans les assemblées chrétiennes des gens de toutes races, langues, peuples, nations
Que tous dans leurs langues respectives, louaient Dieu dans le Nom de Jésus,
Voici que sans avoir connu ni la circoncision ni la sévère discipline de la Loi de Moïse,
ils accédaient à cette sainteté de vie reçue de la Miséricorde.
Comment refuser le baptême dans le Nom de Jésus, à ceux qui vivaient déjà de son Esprit ?
comment les exclure de la communion alors qu’ils étaient eux aussi pardonnés sur la Croix ?
Pas de chrétiens de seconde zone ! Pierre entrouvrait la porte, Paul l’ouvrait toute grande.

Mais n’est-ce pas là laisser une Eglise sans repères, sans interdits, sans exigences ?

Sans rien perdre de la Joie et de l’accueil évangéliques, l’Eglise doit mettre en place des catéchèses, des pédagogies, des protocoles éducatifs qui permettent à chacune et chacun de garder la liberté des enfants de Dieu et d’incarner la possibilité d’une sainteté chrétienne.

7) « ...jusqu’aux extrémités de la terre ». Les grandes missions de Paul : Syrie, Cilicie, Phrygie, Galatie, Philippes, Thessalonique, Bérée, Athènes, Corinthe, Ephèse, Troas, Milet. Retour à Jérusalem. Comparution devant le Sanhédrin. Paul, citoyen romain, en appelle à l’empereur.

Chapitre 20, versets 19-22,24

Paul faisait ses adieux aux chrétiens d’Ephèse :« Frères, j’ai servi le Seigneur en toute humilité, dans les larmes et au milieu des épreuves...jamais je n’ai reculé quand quelque chose pouvait vous être utile : je vous prêchais et vous instruisais en public et en privé : j’adjurais Juifs et Grecs de se convertir à Dieu et de croire en Notre Seigneur Jésus. »

Voici maintenant que je vais à Jérusalem, sans savoir ce qui m’y adviendra... Mais la vie ne vaut pas la peine qu’on en parle, pourvu que j’achève ma course et que j’accomplisse la mission que j’ai reçue du Seigneur Jésus de rendre témoignage à l’Evangile de la grâce de Dieu ».

Apprendre à devenir des serviteurs
Voilà ce à quoi le Seigneur nous invite aujourd’hui !
Apprendre à offrir ses compétences, mais aussi à avouer ses limites
C’est toujours par nos brèches que s’engouffre le Grand Courant d’air de Dieu
Apprendre à collaborer : ce qui est bricolé à plusieurs mène toujours plus loin que ce qui est peaufiné dans la solitude...

Apprendre à s’offrir, mais aussi accepter d’être refusé,
Aimer passionnément la liberté de l’autre
et sa croissance
et la restauration de sa beauté intérieure

Ecouter pour pouvoir parler ensuite ;
Parler, oser dire, mais moins pour s’exprimer et se justifier
que pour pouvoir transmettre ce qu’on a reçu comme cadeau,
et découvert comme un chemin de vie,
Apprendre pour soi, comme pour les autres,
que « tout est grâce ».

8) Le procès devant le Sanhédrin s’envenime et conduit Paul devant l’administration romaine. Paul fonde l’Eglise (d’origine païenne) qui est à Rome. Paul et Pierre seront finalement associés à cette implantation de l’Eglise au centre du « monde ». Selon la tradition, ils y seront martyrs tous les deux.

Chapitre 28, verset 28

Paul, captif à Rome, dit aux Juifs de la Ville : « Sachez le donc : c’est aux païens qu’a été envoyé le salut de Dieu. Eux ils écouteront »

Voilà donc Paul rendu au centre du monde : mais où est donc le centre du monde,
au moment où le monde implose en de multiples centres de décision et d’information ?
Dans votre ville ? à Paris ? à Rome, à Washington, ou Pékin ?
ou Jérusalem ? ou la Mecque ?
Pour Dieu, il est toujours au même endroit : là où il y a un cœur à aimer.
C’est là le seul but de pèlerinage qui vaille le déplacement...
Aller d’ici au centre du monde, là où Dieu se penche sur un berceau, se porte à un chevet, se fait un compagnon...
et quand le soir s’annonce et que la nuit tombe, continuer de partager le Testament, apprendre à comprendre la route du Seigneur, rompre le pain et élever la coupe
...puis saluer le futur matin
et s’en remettre avec confiance à l’avenir de Dieu.
Cette jeunesse qui prend le relais de l’évangile...
« Levez les yeux et voyez : les champs sont blancs pour la moisson »

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Jean-Marie BEAURENT

Prêtre du diocèse de Cambrai, directeur de l’Institut international foi art et catéchèse (†2009).

Publié: 01/05/2012