Message - Édition d’avril


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Nouvelle apparition
Deux disciples affirment avoir aperçu Jésus le Nazaréen, crucifié la veille de la Pâque et mis au tombeau dans les heures qui ont suivi.
Après l’apparition d’anges puis du fameux Jésus à Marie de Magdala, après la disparition de son corps, voici qu’un nouveau récit vient entériner un peu plus l’idée d’une résurrection dans l’esprit de ceux qui ont incliné leurs vies dans le sens des paroles du fils du charpentier. Faut-il, ou non, prêter foi à ces témoignages, qui pourraient bien être - affirme-t-on dans le Temple - le fruit d’une manipulation bien orchestrée ? Les deux hommes qui prétendent avoir vu Jésus ont accepté de répéter leur histoire à notre reporter. Ni l’un ni l’autre ne semblent être suffisamment instruits pour élaborer une histoire aussi extraordinaire. Dépités par la tournure prise par les événements, Cléophas et son ami, qui se prénommerait Luc, décident de quitter Jérusalem par la porte ouest. Direction : le village d’Emmaüs, distant d’une soixantaine de stades environ. Leur conversation revient sans cesse sur ces derniers jours. L’entrée dans la gloire de leur messie, son arrestation, les cris de la foule, la fuite des ses partisans, son exécution et les signes qui s’amoncellent depuis sa mort. De loin en loin, l’un rajuste sa ceinture, secoue le pied pour éjecter un caillou de sa sandale ou s’enveloppe la tête dans la capuche de son manteau. Les bâtons frappent mollement le sol. Le pas est tranquille.
Le troisième homme

Un troisième homme se joint à eux. Il semble bien naïf, celui-là. Il n’est manifestement pas au courant de ce qui a agité Jérusalem. Ils lui expliquent en quelques mots que Jésus le Nazaréen, puissant prophète, est tombé entre les mains des grands prêtres, qui l’ont condamné à mort. Ils tentent de lui faire comprendre leur dépit : Jésus, pour eux, devait délivrer Israël.

Ils lui racontent comment des femmes ont découvert son tombeau vide, comment quelques-uns des leurs sont allés vérifier les dires des femmes. En bref, au fil de la conversation, leur indécision devient de plus en plus évidente. L’homme qui les a rejoints ne bronche pas. Il laisse les pauvres bougres ouvrir leurs âmes d’enfants. Puis il prend la parole à son tour : "Ô coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer en gloire ?" De son vivant déjà, le Nazaréen avait eu toutes les peines du monde à faire comprendre la profondeur de sa mission. Le voyageur, sitôt ce préambule posé, se lance dans un commentaire des écritures, de Moïse à Zacharie, sans omettre un seul des prophètes. Dans leurs esprits, engourdis par la tristesse, petit à petit une lueur de compréhension est apparue. La filiation entre tous ces messages s’est dessinée.
Yeux ouverts

À proximité d’Emmaüs, l’homme a continué sa route. Cléophas l’a arrêté et l’a invité à rester avec eux. Le soir tombait, la fraîcheur mobilisait déjà ses premières troupes. Les routes ne sont pas sûres pour un voyageur solitaire.
Ils se mirent à table. L’homme prit le pain, le bénit et le rompit avant de le leur donner. Leurs yeux, brutalement, se sont ouverts.
Ils l’avaient reconnu. Jésus s’était tenu à leurs côtés et déjà il avait disparu. Sur-le-champ ils ont rechaussé leurs sandales, lancé leur manteau sur leurs épaules, pris leur bâton de marche, et sont retournés vers Jérusalem, pour témoigner devant les onze apôtres, toujours réunis. Le dossier Jésus, que les scribes croyaient refermé à jamais, vient peut-être à peine de s’ouvrir.

Thomas

C’est au soir, après que Marie Madeleine s’est rendue au tombeau vide. Les disciples se sont enclos dans leur demeure. De crainte que les Juifs n’étendent sur eux leur vindicte, ils ont fermé les portes. Tous assemblés autour de la table ils commentent la visite des femmes, la pierre roulée devant l’entrée du sépulcre et le corps absent, les deux hommes en vêtements de lumière et les paroles qu’ils ont prononcées. Tous, ils étaient là, incrédules, quand Jésus a paru et les a salués. Puis, avant qu’ils soient revenus de leur stupeur, dans le silence qui s’est fait, il leur a montré ses plaies au côté et aux mains. Alors ils ont cru, ont su que celui qui se tenait au milieu d’eux était le Maître ressuscité d’entre les morts. Ils en ont éprouvé une immense joie. A ce moment il leur a insufflé l’Esprit Saint et, avec lui, le pouvoir de remettre les fautes. Mais, quand, plus tard, Thomas les eut rejoints et qu’ils lui eurent conté la venue de Jésus parmi eux, il a douté. Obstinément il n’a pas voulu croire. Tant que je n’aurai pas vu par moi-même, a-t-il répété à plusieurs reprises, la marque des clous dans ses mains, tant que je n’aurai pas mis, par moi-même, le doigt dans ses plaies, je ne croirai pas.
Voici huit jours aujourd’hui, Thomas, à nouveau ce soir, s’est retrouvé en présence des disciples, dans la même maison close de toutes parts. Et à nouveau Jésus est apparu. Il a salué chacun d’entre eux, puis s’est tourné vers Thomas qui était demeuré en retrait. Il lui a montré ses plaies et lui a fait signe d’y porter les mains. Alors Thomas a cru. Mais Jésus lui a dit que si lui devait voir pour croire, plus heureux seraient ceux qui croiraient sans voir.

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Le Christ bouge encore
Depuis sa crucifixion, Jésus ne cesse d’apparaître à ses disciples. Ceux-ci semblent plus déterminés que jamais.

Caïphe doit s’arracher les nattes, Pilate doit sourire comme on le fait après un bon tour, Hérode Antipas doit songer à tout autre chose.
Le Sanhédrin pensait avoir réglé le problème Jésus. Mais voilà que ses disciples redressent la tête. Leur sauveur leur apparaîtrait sans cesse, au grand jour ou comme un voleur dans la nuit.
Les onze disciples de Jésus se laissent approcher malgré la peur des sbires du Temple. Ils restent ensemble presque serrés les uns contre les autres. Le message laissé par leur maître est sans doute trop immense pour que chacun ait envie de s’égailler vers ses tâches galiléennes.
À celui qui sait les mettre en confiance, ils confient le compte rendu des jours - bientôt quarante - qui se sont écoulés depuis la crucifixion du Nazaréen. Passé l’épisode du tombeau vide, ils reviennent volontiers sur l’épisode des disciples en route pour Emmaüs. Mieux encore, ils racontent avec un recueillement légitime comment Jésus leur est apparu.

Paix à vous

Sa silhouette s’est dessinée au milieu d’eux, et la terreur a couru

dans les rangs avec la vitalité d’un jeune enfant qui se précipite pour un bain dans le Jourdain. Ils ont cru voir un esprit. Mais la voix du Christ aimé les a rassurés : "Paix à vous !" L’apparition leur a montré ses mains transpercées et son côté ouvert par le coup de lance. Alors, affirment-ils en choeur, leur esprit s’est ouvert à l’intelligence des Écritures. Le Christ s’est ensuite adressé à eux en ces termes : "Et voici que, moi, je vais envoyer sur vous ce que mon père a promis. Vous, donc, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en-haut."
Le doute de Thomas

Ce jour-là Thomas, dit Didyme, était absent. Il ne voulut jamais croire ce que lui racontèrent ses compagnons. Non, lui, c’est une tête solide, qui a besoin de toucher pour s’assurer que les remparts de Jérusalem sont bien de pierre. Rien n’y fit. Il hochait la tête avec une inébranlable circonspection.
Huit jours plus tard, alors qu’ils étaient de nouveau réunis, Thomas au milieu d’eux, les portes closes, les fenêtres obstruées, Jésus est revenu dans leur assemblée pour fustiger les hésitations du sceptique : "Porte ton doigt ici ; voici mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté ; et ne deviens pas

incrédule mais croyant." L’un d’entre eux a rapporté un autre événement extraordinaire, que nous n’avons pas eu le temps de recouper avec d’autres sources d’information. Jean, qui ne s’est jamais caché d’avoir été l’un des disciples préférés de Jésus de Nazareth, prétend que son maître s’est de nouveau manifesté au bord de la mer de Galilée. Des pêcheurs rentraient bredouilles. Il leur a conseillé de jeter les éperviers à droite du bateau. Les hommes peinèrent à remonter le filet, empli de cent cinquante-trois poissons de belle taille. Le Christ a partagé leur repas avant de s’adresser à Pierre à trois reprises. À chaque fois, il lui a demandé si le chef des pêcheurs l’aimait. Trois fois d’affilée, Pierre a répondu par l’affirmative, de plus en plus surpris. Des disciples rappellent que Pierre l’a renié avec autant d’insistance qu’il en a mis à lui jurer son amour quand Jésus était entendu par le Sanhédrin dans le palais de Caïphe. Jérusalem a repris son rythme normal. L’après-Pâque ressemble toujours au calme qui succède à la tempête. Les prêtres remplissent leurs obligations comme si de rien n’était. Pour eux, Jésus n’est même plus un souvenir. Mais d’autres puisent en secret leur force dans celui qui continue de les accompagner.
 
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Jean-Michel DI FALCO

Evêque émérite de Gap et d’Embrun.
Fondateur du groupe de chanteurs "Les Prêtres".

Publié: 04/04/2021