Agriculteurs et Société : Appel à l’écoute, au dialogue et au respect !

Équipe de Chrétiens en Monde Rural, composée essentiellement d’agriculteurs du Valenciennois, nous nous inquiétons de la dégradation des relations entre les agriculteurs et la société. Dans l’équipe il y a des agriculteurs bios et conventionnels, appartenant aux trois syndicats agricoles représentatifs et nous savons nous écouter et partager nos valeurs. Nous souhaiterions qu’il en soit ainsi dans l’ensemble de la profession et dans les relations entre agriculteurs et société.

Il est vrai que nous sommes dans une nouvelle phase des attentes de la société française par rapport à l’alimentation et à l’agriculture. Suite à la guerre 1939-1945, la demande de l’État puis de la Communauté Européenne a été de produire une alimentation abondante et bon marché pour la population. D’ailleurs la part de l’alimentation dans le budget moyen des ménages est passée de 31 % en 1960 à 17 % depuis les années 2000 ; et dans ces 17 % la part qui revient à l’agriculture ne cesse de diminuer soit 7 % des dépenses des ménages ! Pendant cette période, le budget pour les communications et les loisirs est passé de 3 à 11 %. En même temps, les progrès de la médecine, de l’alimentation et des conditions de travail ont permis d’allonger la durée moyenne de vie. Pourtant de nouvelles questions arrivent maintenant d’une façon importante et rapide dans les préoccupations des Français. Les questions sur l’écologie, l’environnement et la santé sont au cœur des débats. C’est l’ensemble de nos modes de vie qui est concerné par ces questions dont notre type d’alimentation et les modes de production en agriculture.

L’ensemble des agriculteurs de l’équipe reconnaît l’importance d’une évolution des pratiques agricoles, en particulier en ce qui concerne l’utilisation des produits phytosanitaires. Pourtant l’évolution d’une exploitation agricole ne peut se faire que sur du long, voire moyen terme notamment à cause de l’endettement important des jeunes installés. En ajoutant les aléas des rendements et des prix (cours mondiaux volatils) les marges de manœuvre sont restreintes. L’absence de formation aux techniques alternatives pour la plupart, provoque doutes et incertitudes sur l’avenir.
Mais l’évolution est en route à la fois côté des agriculteurs mais aussi du côté des techniques et de la recherche. Nous voulons nous inscrire dans cette évolution et nous pensons que chacune et chacun, agriculteur ou non, peut évoluer dans ses modes de vie.
Nous condamnons les querelles de voisinage qui mettent à mal des installations d’élevage ayant une antériorité ! Nous appelons à la compréhension lorsque la route est salie le temps d’un chantier de récolte ! Les agriculteurs s’engagent à prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter au mieux le voisinage lors des pulvérisations. Nous voulons trouver les chemins du dialogue… Une charte de « bon voisinage » a été signée entre les représentants des collectivités territoriales, les associations des maires et les chambres d’agriculture.

Au-delà des comportements personnels, cela suppose des politiques cohérentes par rapport aux objectifs recherchés. Les produits agricoles français sont confrontés au marché mondial et les prix ne prennent pas en compte les modes de production. Il est donc indispensable de ne pas importer des denrées produites selon des méthodes proscrites en France. Les accords de libre-échange ne doivent pas s’étendre aux produits agricoles dans ces conditions. Il faut également en France et en Europe des politiques d’accompagnement des évolutions souhaitées de l’agriculture, tant au plan technique qu’au plan financier ; plus localement dans les communes, la politique du territoire doit prendre en compte les espaces agricoles et l’activité agricole. Il faut également une éducation du consommateur par rapport au coût et à la qualité réelle des produits. Par rapport aux animaux d’élevage, il faut bien sûr continuer à encourager les bonnes pratiques et le bien-être animal et en même temps reconnaître que l’homme est un omnivore ! N’oublions pas également tout ce qu’apporte l’élevage à l’entretien des espaces avec l’herbe en particulier. Les prairies, bocages et haies sont des zones propices à la biodiversité. Aujourd’hui une part importante de la population a perdu tout contact avec l’agriculture et l’élevage, le respect des saisons, l’impact du climat et plus globalement avec tout ce qui concerne la chaîne alimentaire.

Au nom de la dignité humaine de chaque personne nous voulons vivre des relations caractérisées par le respect de chacun. Nous savons trop les conséquences dramatiques de l’exclusion, de la culpabilisation sur les personnes et leurs raisons de vivre. Notre foi chrétienne renforce cette dimension de la dignité et du respect, et par ailleurs nous ouvre à l’espérance que de nouveaux chemins sont possibles. Nous pensons que la Création n’est pas un ordre immuable mais est sans cesse à la recherche d’un équilibre qui lui assure un avenir. L’augmentation de la population humaine est à la fois la vie qui se développe mais est aussi un défi pour l’utilisation des ressources de la planète. Comme nous y invite le pape François dans son encyclique « Loué sois-tu » œuvrons ensemble sur les chemins de l’écologie intégrale où tout est lié : la relation à la terre, aux autres et à Dieu. A chacune des étapes de notre histoire humaine, trouvons les bonnes relations entre la terre, les eaux, les plantes, les animaux et les hommes. Ce n’est pas simple ! c’est source de débats, de tensions, de conflits… nous appelons chacun à dépasser ses peurs, ses préjugés pour ouvrir un avenir plein de Vie ! Cela commence par l’écoute, le dialogue et le respect !

(CMR, 30 janvier 2020 : https://chretiens-ruraux.fr/2020/01/30/)

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Chrétiens en monde rural
Publié: 01/02/2020
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