La retraite chrétienne : un temps de renaissance

Pour le Pape, la retraite chrétienne est un temps de renaissance
Le Pape François a préfacé le dernier livre d’Austen Ivereigh intitulé "First belong to God : On retreat with Pope Francis" (« La première chose à faire est d’appartenir à Dieu : en retraite avec le Pape François »), publié mardi 13 février 2024 par Loyola Press. Ci-dessous le texte intégral traduit de l’original en langue anglaise.
Pape François

C’est précisément grâce à son expérience de vie que saint Ignace de Loyola a vu avec une grande clarté que chaque chrétien est engagé dans une bataille qui définit sa vie. Il s’agit d’une lutte pour vaincre la tentation de se refermer sur soi-même, afin que l’amour du Père puisse prendre sa demeure en nous. Lorsque nous faisons de la place au Seigneur qui nous sauve de notre autosuffisance, nous nous ouvrons à toute la création et à toutes les créatures. Nous devenons des canaux de la vie et de l’amour du Père. Ce n’est qu’alors que nous réalisons ce qu’est vraiment la vie : un don du Père qui nous aime profondément et désire que nous lui appartenions et que nous nous appartenions les uns aux autres.
Cette bataille a déjà été gagnée pour nous par Jésus, à travers sa mort ignominieuse sur la Croix et par sa Résurrection. Le Père a ainsi révélé définitivement et pour toujours que son amour est plus fort que toutes les puissances de ce monde. Néanmoins, accepter cette victoire et la concrétiser reste un défi : nous continuons d’être tentés à nous éloigner de cette grâce, de vivre de manière mondaine dans l’illusion d’être souverains et autosuffisants. Toutes ces crises meurtrières qui nous assiègent partout dans le monde, de la crise écologique aux guerres, en passant par les injustices envers les pauvres et les vulnérables, trouvent leur origine dans ce rejet de notre appartenance à Dieu et au prochain.
L’Église nous aide de plusieurs manières à lutter contre cette tentation. Ses traditions et ses enseignements, ses pratiques de prière et de confession et la célébration régulière de l’Eucharistie sont des « canaux de grâce » qui nous ouvrent à l’accueil des dons que le Père veut répandre sur nous.
Parmi ces traditions, il y a les retraites spirituelles, et parmi elles, les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola.
En raison des pressions et des tensions incessantes d’une société obsessionnellement compétitive, les retraites destinées à « recharger nos batteries » sont devenues très populaires. Toutefois, une retraite chrétienne est très différente d’un séjour de « bien-être ». Le centre d’attention n’est pas nous, mais Dieu, le Bon Pasteur, qui, au lieu de nous traiter comme des machines, répond à nos besoins les plus profonds en tant que ses enfants bien-aimés.

La retraite est un moment où le Créateur parle directement à ses créatures, enflammant nos âmes de son « amour et de sa louange » afin que nous puissions « mieux servir Dieu à l’avenir », selon les mots de saint Ignace (SE 15). Amour et service : tels sont les deux grands thèmes des Exercices spirituels. Jésus vient à notre rencontre, brisant nos chaînes pour que nous puissions marcher avec lui comme ses disciples et compagnons.

Lorsque je pense aux fruits des Exercices, je vois Jésus dire au paralytique près de la piscine de Bethesda : « Lève-toi, prends ta civière et marche » ! (Jean 5, 1-16). C’est un ordre auquel il faut obéir et c’est en même temps son invitation la plus douce et la plus aimante.
Cet homme était intérieurement paralysé. Il se sentait en échec dans un monde de rivaux et de concurrents. Rancunier et amer face à ce qu’il estimait lui avoir été refusé, il était prisonnier de la logique de l’autosuffisance, convaincu que tout dépendait de lui et de sa propre force. Et comme les autres sont plus forts et plus rapides que lui, il a sombré dans le désespoir. Mais c’est là que Jésus est sorti à sa rencontre avec sa miséricorde et l’a poussé à sortir de lui-même. Une fois ouvert à la puissance salvatrice de Jésus, ses paralysies, intérieure et extérieure, sont guéries. Il se lève et marche, louant Dieu et travaillant pour son Royaume, libéré du mythe de l’autosuffisance et apprenant chaque jour à dépendre davantage de sa grâce. Et c’est ainsi qu’il devient un disciple, capable non seulement de mieux affronter les défis de ce monde, mais aussi de défier le monde à agir selon la logique du don et de l’amour.
En tant que Pape, j’ai voulu encourager notre appartenance « d’abord » à Dieu, puis à la création et à nos semblables, en particulier à ceux qui crient vers nous. C’est pourquoi j’ai voulu garder à l’esprit les deux grandes crises de notre époque : la détérioration de notre maison commune et les migrations et déplacements massifs de populations. Toutes deux sont des symptômes de la « crise de la non-appartenance » décrite dans ces pages. Pour la même raison, j’ai voulu encourager l’Église à redécouvrir le don de sa propre tradition de synodalité, car lorsqu’elle s’ouvre à l’Esprit qui parle dans le Peuple de Dieu, l’Église tout entière se lève et marche, louant Dieu et contribuant à l’avènement de son Royaume.
Je suis heureux de voir ces thèmes si présents dans « First Belong to God », liés aux contemplations de saint Ignace qui m’ont façonné au fil des ans. Austen Ivereigh a rendu un grand service en rassemblant les méditations des retraites que j’ai prêchées il y a plusieurs décennies et mes enseignements en tant que Pape. Il permet ainsi aux uns et aux autres d’éclairer les Exercices spirituels de saint Ignace.
Ce n’est pas le moment de reculer et de fermer nos portes. Je vois bien que le Seigneur nous appelle à sortir de nous-mêmes, à nous lever et à marcher. Il nous demande de ne pas détourner notre regard des souffrances et des larmes de notre temps, mais d’y entrer, en ouvrant les canaux de sa grâce. Chacun de nous, de par son baptême, est l’un de ces canaux. La question est de l’ouvrir et de le garder ouvert. Que ces huit jours pendant lesquels vous pourrez profiter de son amour, vous aident à entendre l’appel du Seigneur à devenir une source de vie, d’espérance et de grâce pour les autres, et à découvrir ainsi la véritable joie de votre vie. Puissiez-vous trouver le magis dont parle saint Ignace, ce « plus » qui nous appelle à découvrir les profondeurs de l’amour de Dieu dans le don plus grand de nous-mêmes. Et s’il vous plaît, chaque fois que vous vous en souvenez, n’oubliez pas de prier pour moi, afin que je puisse nous aider à toujours appartenir d’abord à Dieu.

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FRANÇOIS

Pape (depuis 2013).

Publié: 01/03/2024