François d’Assise (1182-1226)
Vingt ans après le décès de Bernard de Clairvaux, François naît en 1182 dans une famille riche d’Assise. Son père est drapier, sa mère d’origine provençale. François, d’abord baptisé Jean par sa mère, est renommé François par son père en remerciement de sa réussite commerciale en France. Il quitte l’école à 14 ans et mène une vie assez dissipée, suivant les habitudes de la génération de cette époque.
En 1205, selon la tradition, en prière devant le crucifix de la chapelle Saint-Damien, il entend une voix lui demandant de « réparer son Église en ruine ». Prenant l’ordre au pied de la lettre, il dépense beaucoup d’argent pour restaurer la vieille chapelle délabrée. Son père exige qu’il lui rende des comptes et envisage de le déshériter. Convoqué par l’évêque sur la place publique d’Assise et pour échapper à la justice en se mettant sous le statut des pénitents, François rend l’argent qui lui restait ainsi que ses vêtements. Se retrouvant nu, l’évêque, l’enveloppant de sa cape, le prend sous sa protection. Il choisit de rester diacre jusqu’à la fin de sa vie.
En 1208, dans la chapelle de la Portioncule, il comprend qu’il s’agit, non de chapelles, mais de l’Eglise. Il décide alors d’« épouser Dame Pauvreté », de se consacrer à la prédication et de gagner son pain par le travail manuel ou l’aumône. Il change son habit d’ermite pour une tunique simple. La corde remplace sa ceinture de cuir. Une douzaine de disciples le rejoignent.
En 1212, une jeune noble, Claire Offreduccio (18 ans), après avoir entendu un prêche de François, le rejoint et obtient de fonder « l’Ordre des Pauvres Dames » appelées plus tard « Sœurs Clarisses » dans la ligne bénédictine. Elles résideront à Saint Damien. Claire et François auront de nombreux échanges épistolaires.
En 1219, pour évangéliser, il prend la route de Jérusalem, s’arrête en Egypte près de Damiette et tente sans succès de convertir le sultan Al-Kamel (« Le Parfait ») qui le laisse repartir à Assise. De cette époque date sa maladie des yeux.
En 1220, François s’attache à rédiger la Règle : les « Frères Mineurs » seront les imitateurs du Christ. Outre les trois vœux de base (pauvreté, chasteté, obéissance), la Règle demande aux frères de partir à pied sur les routes pour évangéliser, d’éviter toujours les chicanes, de ne pas juger son prochain, d’être sans cesse « aimables, apaisants, effacés, doux et humbles, déférents et courtois envers tous ». Il leur est également demandé de travailler pour recevoir de quoi subvenir, tout en refusant l’argent. Antoine de Padoue entre dans l’ordre. François, admiratif devant la force persuasive de sa parole, l’envoie enseigner la théologie à Bologne puis comme prédicateur dans le sud de la France.
En 1222, François se rend à Bologne où, à la demande de laïcs, il crée un troisième Ordre après celui des frères mineurs et des sœurs pauvres : le Tiers-Ordre (appelé aujourd’hui « Fraternité séculière ») auquel adhère notamment la jeune duchesse de Thuringe, Élisabeth de Hongrie († 1231).
A Noël 1223, à Greccio, il initie la première crèche vivante, souvenir de son passage à Bethléem.
En août 1224, François se retire avec quelques frères au monastère de l’Alverne où il aurait reçu les stigmates. Souvent malade et en proie à des crises d’angoisse, il se réfugie dans une hutte près de la chapelle Saint-Damien où vit la communauté des clarisses. Malade et presque aveugle, il y écrit le « Cantique de frère soleil » ou « Cantique des Créatures », premier texte en italien moderne, sur le mode des chansons des troubadours du Languedoc.
Il meurt le 3 octobre 1226 dans la chapelle du Transito, non loin de la ville haute d’Assise. Il laisse un testament dans lequel il professe son attachement à la pauvreté évangélique et à la Règle telles qu’elles étaient pratiquées initialement.
François, fait inhabituel, est rapidement canonisé le 16 juillet 1228 par le pape Grégoire IX. À sa mort, l’ordre des Franciscains compte 5 000 frères. Il est le saint patron de l’écologie depuis 1979.
François a laissé des écrits, dont certains sont autographes qu’il signait de la lettre grecque ‘tau’. On doit à frère Léon, témoin privilégié de la dernière partie de la vie de François, son secrétaire, son infirmier, son confesseur. Mais un grand nombre d’écrits furent attribués à François, comme les Fioretti (à partir de 1316), par des biographes ultérieurs. Ils sont dus à l’admiration exceptionnelle qu’ils dédiaient à François. C’est le cas de la célèbre Prière pour la paix, dite Prière de saint François, imprimée au dos d’une image pieuse représentant François d’Assise (1913) qu’on lui attribua en 1936. Elle dut son succès à un sénateur américain qui en fit lecture en 1945 à la tribune de la conférence de San Francisco qui verra naître l’ONU, la ville ayant été placée en 1776 par les Espagnols sous le patronage de saint François.
TEXTES
1. Le Christ. Considérons, frères, le bon Pasteur : pour sauver ses brebis, il a souffert la Passion et la Croix… Ce ne sont pas les démons qui l’ont crucifié : c’est toi qui, avec eux, l’as crucifié et le crucifies encore en prenant plaisir au vice et au péché. Heureux le religieux qui ne prend plaisir et joie que dans tout ce que le Seigneur a fait, et qui s’en sert pour porter les hommes à l’amour de Dieu en toute joie…Tous les frères s’appliqueront à suivre l’humilité et la pauvreté de notre Seigneur Jésus-Christ. Moi, le petit frère François, je veux imiter la vie et la pauvreté de notre très haut Seigneur Jésus et de sa très sainte Mère, et j’y veux persévérer jusqu’à la fin.
2. Dieu, source de tout bien. Tous les biens, rendons-les au Seigneur Dieu très haut et souverain ; reconnaissons que tous biens lui appartiennent ; rendons-lui grâces pour tout, puisque c’est de lui que procèdent tous les biens… Sans le secours de l’Esprit-Saint, nul, pas un seul homme, n’est capable de faire le bien. C’est pourquoi celui qui est jaloux d’un de ses frères par l’intermédiaire duquel le Seigneur dit et fait du bien, celui-là commet un véritable blasphème : c’est au Très-Haut lui-même que sa jalousie s’en prend, puisque c’est de Dieu seul que dérivent toute bonne parole et toute bonne action…. Heureux le serviteur qui fait hommage de tout bien au Seigneur. Celui au contraire qui en revendique une part pour lui-même, celui-là cache au fond de lui-même l’argent du Seigneur Dieu, et ce qu’il croyait posséder en propre lui sera enlevé.
3. La pauvreté matérielle. Aussi nul des frères, qu’il demeure dans une résidence ou qu’il soit en voyage, ne doit en aucune manière accepter lui-même ou faire recueillir pour son compte ni pièces d’or ni menue monnaie, et cela ni pour acheter des vêtements ou des livres, ni en guise de salaire pour aucun travail, ni sous aucun prétexte, sauf cas de nécessité évidente pour les frères malades ; car l’or et la monnaie, nous ne devons pas les considérer comme plus utiles ou plus précieux que les cailloux….Si nous avons de quoi manger et nous vêtir, nous devons nous en contenter. Lorsqu’il le faudra, ils iront quêter en nature. L’aumône est l’héritage et le droit des pauvres : notre Seigneur Jésus-Christ nous les a acquis. Que celui qui mange ne méprise pas celui qui ne mange pas ; que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange. De même, en cas de nécessité évidente, tous les frères utiliseront comme le Seigneur leur en fera la grâce tout ce dont ils auront besoin ; car nécessité ne connaît pas de loi. (cf. CA p. 246)
4. L’esprit de pauvreté. Heureux ceux qui ont l’esprit de pauvreté, car le royaume des cieux leur appartient. Il y en a beaucoup qui sont férus de prières et d’offices, et qui infligent à leur corps de fréquentes mortifications et abstinences. Mais pour un mot qui leur semble un affront ou une injustice envers leur cher "moi", ou bien pour tel ou tel objet qu’on leur enlève, les voilà aussitôt qui se scandalisent et perdent la paix de l’âme. Ceux-là n’ont pas le véritable esprit de pauvreté : car celui qui a le véritable esprit de pauvreté se hait lui-même, et chérit ceux qui le frappent sur la joue.
5. L’humilité. Heureux le serviteur qui ne se glorifie pas plus du bien que le Seigneur dit et opère par lui, que du bien que le Seigneur dit et opère par un autre. …. Heureux le serviteur qui, lorsqu’on le félicite et qu’on l’honore, ne se tient pas pour meilleur que lorsqu’on le traite en homme de rien, simple et méprisable….Malheur au religieux qui, au lieu de garder en son cœur les grâces dont le Seigneur le favorise, et au lieu d’en faire profiter les autres par ses actions, s’empresse en discours de les étaler aux yeux des hommes pour se faire valoir. Il en obtient la mesquine récompense qu’il convoitait, mais ceux qui l’écoutent n’en retirent que peu de fruit. Soyons-en fermement convaincus ; nous n’avons à nous que les vices et les péchés.
6. La joie. C’est plutôt lorsque nous sommes soumis à diverses épreuves que nous devons nous réjouir, lorsque nous avons à supporter, dans notre âme et dans notre corps, toutes sortes d’angoisses et de tribulations en ce monde pour la vie éternelle. Et nous, pour notre part, quand nous voyons ou entendons, maudire, bénissons ; faire le mal, faisons le bien, blasphémer, louons le Seigneur, qui est béni pour les siècles des siècles. (Voir Fioretti 8)
7. L’amour fraternel. On pèche quand on veut recevoir du prochain plus qu’on ne veut donner de soi au Seigneur Dieu. Heureux celui qui aimerait autant un frère malade et incapable de lui rendre service, qu’un frère bien portant qui peut lui être utile. Heureux celui qui aimerait et respecterait autant son frère quand il est loin de lui que lorsqu’il est avec lui, et qui ne dirait pas derrière son frère ce qu’en toute charité il ne pourrait pas dire devant lui. En toute confiance, que chacun s’ouvre à son frère de ses besoins, pour qu’on lui obtienne et qu’on lui procure ce dont il a besoin. Que chacun, selon les moyens dont Dieu lui fera la grâce, aime et nourrisse son frère, comme une mère aime et nourrit son fils.
8. L’amour des ennemis. Aimer vraiment son ennemi, c’est d’abord ne pas s’affliger des torts qu’on a subis soi-même ; c’est ressentir douloureusement, mais comme une offense à l’amour de Dieu, le péché que l’autre a commis ; et c’est prouver à ce dernier, par des actes, qu’on l’aime toujours. Nous, tous les frères, considérons attentivement ce que dit le Seigneur : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Notre Seigneur Jésus-Christ, dont nous devons suivre les traces, a donné le nom d’ami à celui qui le trahissait, et il s’est offert de son plein gré à ceux qui allaient le crucifier. Ils sont donc nos amis, tous ceux qui nous infligent injustement tribulations et angoisses, affronts et injures, douleurs et tourments, martyre et mort.
9. L’esprit de paix. Un serviteur de Dieu ne doit éprouver de répulsion pour rien, si ce n’est pour le péché. Et même dans ce cas, si grand que soit le péché commis, le serviteur de Dieu peu être atteint dans son amour pour Dieu offensé, mais jamais il ne doit perdre la paix de l’âme ni se mettre en colère : ce faisant, il s’attribuerait injustement un droit qui n’appartient qu’à Dieu : juger d’une faute. Le serviteur de Dieu qui demeure inaccessible à la colère et au trouble dans ses rapports avec autrui, celui-là mène une vie conforme à sa vocation, libre de tout attachement égoïste.
10. Le combat du vice et de la vertu. A-t-on commis un péché ? C’est la faute au démon ! A-t-on commis une injustice ? C’est la faute au prochain ! Telle est l’attitude de beaucoup de chrétiens. Mais ce n’est pas sur autrui qu’il faut rejeter la faute : l’ennemi chacun le tien à sa discrétion, l’ennemi c’est-à-dire l’égoïsme qui fait tomber dans le péché.
Où règnent charité et sagesse, il n’y a ni crainte ni ignorance.
Où règnent patience et humilité, il n’y a ni colère ni trouble
Où règnent pauvreté et joie, il n’y a ni cupidité ni avarice.
Où règnent paix intérieure et méditation, il n’y a ni désir de changement ni dissipation.
Où règne crainte du Seigneur pour garder la maison, l’ennemi ne peut pratiquer nulle brèche pour y pénétrer.
Où règnent miséricorde et discernement, il n’y a ni luxe superflu ni dureté du cœur.
11. La manière de servir et de travailler. « Que nul des frères, placé ici ou là pour un service ou un travail chez autrui, ne soit jamais trésorier, chancelier ni intendant dans la maison où il sert, mais il se fera petit et soumis à tous ceux qui habitent la même maison. Les frères qui savent travailler, travailleront, et exerceront le métier qu’ils connaissent, si ce n’est pas contraire au salut de leur âme et s’ils peuvent s’y adonner honnêtement. En échange de leur travail, ils pourront recevoir tout ce qui leur est nécessaire, mais pas d’argent. Si besoin est, ils iront à la quête comme les autres pauvres. Quiconque vient à eux, ami ou ennemi, voleur ou brigand, doit être bien reçu. Qu’ils aient bien soin de ne pas affecter un air sombre, une tristesse hypocrite ; mais qu’ils se montrent joyeux dans le Seigneur, gais, aimables, et gracieux comme il convient.
12. Les prédicateurs. Aucun frère ne prêchera contrairement à la tradition et aux institutions de la sainte Eglise romaine, ni sans en avoir obtenu l’autorisation de son ministre. Cela n’exclut pas que tous les frères doivent prêcher par leurs actes. Je supplie donc, dans l’amour qu’est Dieu, tous mes frères : ceux qui prêchent, ceux qui prient, ceux qui travaillent manuellement, clercs et laïcs, de s’appliquer à l’humilité en tout, de ne pas se glorifier, se réjouir, s’enorgueillir intérieurement des bonnes paroles et bonnes actions, ni même d’aucun bien que Dieu dit, fait ou accomplit parfois en eux et par eux. … J’avertis et j’exhorte les frères : dans leur prédication, que leurs paroles soient pesées et châtiées pour l’utilité et l’édification du peuple ; ils annonceront les vices et les vertus, la peine et la gloire, et cela en de brefs discours, car le Seigneur a parlé brièvement sur la terre.
13. L’eucharistie. Voyez votre dignité, frères prêtres, et soyez saints parce qu’il est saint. Plus que tous, à cause de ce ministère, le Seigneur Dieu vous a honorés ; plus que tous, vous aussi, aimez-le, révérez-le, honorez-le. Grande misère et misérable faiblesse si, le tenant ainsi présent entre vos mains, vous vous occupez de quelque autre chose au monde ! Que tout homme craigne, que le monde entier tremble, et que le ciel exulte, quand le Christ, Fils du Dieu vivant, est sur l’autel entre les mains du prêtre ! Ô admirable grandeur et stupéfiante bonté ! Ô humilité sublime, ô humble sublimité ! Le maître de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie pour notre salut, au point de se cacher sous une petite hostie de pain ! Voyez, frères, l’humilité de Dieu, et faites-lui l’hommage de vos cœurs. Humiliez-vous, vous aussi, pour pouvoir être exaltés par lui.
14. Testament de Sienne. Ecris que je bénis tous mes frères, ceux qui sont actuellement dans notre Ordre et ceux qui, jusqu’à la fin du monde, y viendront. Je suis trop faible et j’ai trop mal pour parler ; brièvement je veux déclarer ma volonté en trois mots que voici : que toujours ils s’aiment les uns les autres en souvenir de ma bénédiction et de mon testament. Que toujours ils aiment et honorent notre Dame la sainte Pauvreté. Que toujours ils se montrent fidèles et soumis aux prélats et à tous les clercs de notre sainte Mère l’Eglise.
15. La nature. « Tout entier absorbé dans l’amour de Dieu, le bienheureux François distinguait parfaitement la bonté de Dieu non seulement en son âme, déjà ornée de la perfection des vertus, mais en n’importe quelle créature. Pour cela il avait une affection particulière et viscérale pour les créatures, surtout celles en lesquelles figurait quelque chose de Dieu ou quelque chose se rapportant à la religion. Ainsi plus que tous les oiseaux aimait-il un petit oiseau qu’on appelle alouette. » (Dans Miroir de Perfection majeur. Cf. aussi CA p. 1233 : Chant des créatures.)
Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.
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