Transfiguration

1. Pierre, Jacques et Jean ne s’y attendaient certainement pas. De voir leur maître, si « comme tout le monde », si simple et si soudainement « transfiguré, le visage devenu brillant comme le soleil, les vêtements éblouissants de lumière ». On a du mal à se l’imaginer. Transfiguré, ce qui veut dire irradié comme d’une lumière venant de l’intérieur. Les témoins proches de Bernadette à Massabielle ont raconté : « Lorsque la vision se montre, Bernadette entre en extase, les yeux fixes et un peu voilés, le visage rose ou blanc mais d’une grâce qui charme tous les spectateurs. » Les disciples sont au troisième ciel et voudraient bien y rester : « Je vais dresser ici trois tentes, une pour Moïse, une pour Elie, et une pour toi » s’exclame Pierre. Qu’a donc voulu leur signifier Jésus ? Pourquoi faut-il l’écouter, apprendre à faire comme lui ?

2. La suite du récit nous le dit. Après leur être apparu, tellement hors du temps, hors du monde, Jésus les fait redescendre sur terre : « Ne dites à personne ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts ». Un autre évangéliste, Marc, ajoute : « Ils observèrent cet ordre, tout en se demandant ce qu’il entendait par “ressusciter d’entre les morts”. » Le troisième évangéliste, Luc, va plus loin encore en écrivant que « Moïse et Elie, s’entretenaient avec lui et parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem ». Après l’avoir vu « transfiguré », ces mêmes disciples seront conviés au jardin de Gethsémani et le verront prostré à terre. Au lieu de ce visage de lumière au mont Thabor, sur une autre colline, le Golgotha, ils verront un homme défiguré ; au lieu d’habits éclatants de blancheur, ils lui verront un vêtement pourpre qui finalement lui sera arraché et le laissera nu, infamante injure. Comment écouter encore cet homme sans voix sinon celle de la souffrance ? Comment peut-on suivre cet homme cloué sur une croix ? Comment cet homme abandonné à la vindicte populaire pourrait-il être le « Fils bien-aimé du Père, toute sa joie » ? C’était inimaginable. Pierre qui rêvait de construire trois tentes, dans ces moments de bonheur, le reniera en quittant le feu de la cour du grand prêtre. Mais viendra le matin de Pâques. C’est à ce moment-là que les disciples comprendront qu’ils avaient assisté au mont Thabor à une anticipation de la résurrection. Un signe d’espérance au temps proche de l’épreuve leur avait été donné mais ils ne l’ont pas vu.

3. Dans nos domaines d’activité, nous connaissons, nous aussi, des périodes de réussite, de bonheur et nous souhaitons y demeurer. « Pourvu que cela dure ! » Mais la réalité est autre et des épreuves viennent démolir nos rêves. Les exemples ne sont pas rares. Une entreprise florissante d’abord va devoir fermer et mettre au chômage les ouvriers, les ouvrières qui s’en croyaient à l’abri. Une famille unie, heureuse, et des enfants comme bonheur et voilà la séparation, le divorce ou le deuil. Il en est ainsi également dans le domaine de notre foi. Après des moments d’intense émotion, on peut passer au doute, à l’inquiétude, à la perte de tout enthousiasme. Il nous faut redescendre de la montagne et faire face à d’autres réalités plus terre à terre.

4. C’est là que Jésus se tient devant nous. Toute épreuve lourde écrase et se laisser écraser fait mourir. Jésus nous invite au contraire à vivre. Regarder le Christ, l’écouter, c’est mettre dans notre vie une nouvelle manière de voir les choses, une nouvelle manière d’agir. Voir au-delà des apparences pour les « trans-figurer », nous les figurer autrement. Tomber gravement malade avec un avenir incertain, peut-être en chaise roulante, vivre un deuil peuvent conduire à se refermer sur soi. Cependant notre épreuve peut nous permettre de mieux partager celle de l’autre. On ne la voit pas de la même manière lorsqu’on en est à l’extérieur. La compassion prend une profondeur silencieuse qui n’a pas besoin de paroles. Elle devient alors communion. Elle transfigure alors notre manière de voir les événements de la vie, nous fait entrer dans celle que le Christ a pour nous. L’écouter, comme y invite une voix venue d’en haut, n’est plus une affaire d’oreilles mais de cœur. Bernadette fut surprise d’apprendre que personne ne voyait, n’entendait ce qu’elle voyait et entendait. Elle dira plus tard : « Il semble que le son ne passe pas par les oreilles mais par ici » en portant la main à son cœur.

Seigneur, fais que ta lumière nous transfigure lorsque viendra le temps des blessures.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 06/08/2023