On m’a volé mon enfance
Ce texte ne parle pas de prière. Cependant, il nous semblait important de le publier. Pour ne pas casser la série des ‘Lettres à Isa’, nous le laissons dans cette rubrique (ndlr).
Au poste de télévision de la Réunion, RFO, le présentateur annonça un soir que le lendemain était la Sainte Adèle. Et Isa éclata de rire à l’énoncé de ce nom. "Adèle ! Je n’ai jamais entendu ce nom !" Et moi de me récrier : "Mais dans la chanson : Le pont du Nord..." et je me mets à fredonner :
« Sur le pont du Nord un bal y est donné.
Adèle demande à sa mère d’y aller... »
Mais Isa me répondit : "On ne m’a jamais chanté ces chansons. On m’a volé mon enfance."
Cette phrase a été comme un poignard enfoncé dans mon cœur.
Oui, c’est vrai, Isa, on t’a volé ton enfance et c’est pour cela, qu’aujourd’hui, je vais te laisser la parole.
M.J. Arlette Orian
Lettre d’Isa
Un jour alors que j’étais encore une gosse, il y a semble-t-il des années, je me revois assise auprès de la fenêtre chez nous pensant à la chance que j’avais. Tous les parents de mes amies étaient divorcés ; à moi, pareille chose n’arriverait jamais. Mes parents s’aimaient. Je n’avais rien à craindre. Comme j’avais tort ! C’était un rêve de petite fille. Un an après, mes parents divorçaient.
Il y eut alors une entente entre eux : mon frère, ma sœur et moi allions vivre avec papa. Maman, elle, allait vivre ailleurs. Nous pensions que c’était la fin de nos problèmes. Ils ne faisaient que commencer car à partir de cet instant on m’a volé mon enfance.
Lors du divorce, tout semblait planifié : pendant la journée, papa travaillait, ma sœur fut envoyée dans un jardin d’enfants, mon frère et moi allions à l’école. Oui, tout était bien planifié pour la journée mais après l’école, papa rentrant tard de son travail, mon frère et moi avions à nous occuper de la maison. Papa, à son retour, s’occupait de tout ce dont nous avions besoin.
En semaine, cela se passait plus ou moins bien mais, en week-end, nous allions chez maman. Elle avait un autre train de vie. Cela fut dur au début. Je n’avais plus de maison fixe. Je ne savais plus à quel monde j’appartenais. Je me posais mille questions : Qui suis-je ? Je n’ai plus une vraie famille, que deviendrai-je ?
Chez maman, nous nous amusions. La vie était facile. Maman et celui qui allait devenir son second mari nous emmenaient tout le temps en promenade. Nous sortions tout le temps et tard dans l’après -midi, elle nous ramenait chez papa en nous disant : "Soyez gentils avec votre père. Je vous reverrai le prochain week-end." Parfois, si nous avions de la chance, elle nous quittait en nous disant : "Je vous aime beaucoup." Puis elle tournait le dos et s’en allait.
Les responsabilités me tombaient dessus drues comme grêle. Je ne me souviens d’aucun conte de fées, d’aucune de ces histoires que l’on raconte aux enfants, d’aucune chanson qu’une maman chante pour endormir ses enfants. Je me souviens seulement des mauvais jours, comme quand maman a oublié de venir assister à ma première communion et à ma confirmation. Je n’ai jamais eu de vraie fête pour mon anniversaire. Ce jour-là, une maman est sensée faire pour sa fille un beau gâteau au chocolat... Non, toutes ces joies de l’enfance, je ne les ai pas eues.
Mon père est un homme bon, il travaille dur et je dois le remercier pour tout ce qu’il a fait pour moi, pour nous, mais il n’a jamais pu me rendre le foyer de mon enfance et c’est de cela que nous avions faim, c’est à cause de ce manque que nous pleurions le soir.
Pourquoi avant de divorcer les parents ne pensent-ils pas qu’ils ont une responsabilité envers leurs enfants ? Pourquoi ne pensent-ils pas à leurs enfants avant de se séparer ? Et pourtant quand ils s’étaient mariés, c’était "pour le meilleur et pour le pire" !
Quand les parents divorcent, le pire pour eux est passé. Plus de querelles, ils ne se rencontrent même plus. Mais pour nous, les enfants, le pire commence. Nous n’avons plus de racines. Je ne pourrai pas raconter à mes enfants des histoires de fées ou d’autres histoires pour enfants, je n’en connais aucune. Je ne pourrai leur chanter aucune chanson pour enfants, je n’en connais pas.
Quand mes parents décidèrent de se remarier, ce fut pire. Tout d’abord, j’ai eu un second père et un nouveau frère. Nous étions déjà trois. Puis papa s’est remarié et trois autres nouveaux enfants firent partie de notre horizon.
La première partie de ma vie fut très dure mais, à partir de ces deux remariages, nous eûmes à nous accoutumer à ce que deux nouvelles familles soient venues s’agréger à la nôtre. Entre nous, il y a maintenant un genre de compétition : c’est à qui cherchera à attirer vers lui un peu plus d’amour, un peu plus d’attention.
Moi, maintenant, je suis assez grande pour savoir que la vie est faite de difficultés auxquelles je dois faire face mais je pense à ma sœur... elle est encore toute petite, et elle a à faire face à ces difficultés, à la vie. Je n’habite pas avec elle maintenant. Il est vrai qu’elle a mon père pour l’aider, elle habite avec lui, et elle nous aura, même de loin, toi et moi comme guides. J’espère que ce sera moins dur pour elle.
Cependant, il y a une chose que la vie m’a apprise : c’est que Dieu est toujours là quand j’ai besoin de parler, de me confier. J’ai appris à lui parler et à me confier à lui.
Le monde change à toute vitesse, mais, est-ce que, aux yeux des parents la stabilité d’un foyer, le sens de sécurité des enfants au sein de leur foyer, ne doivent pas passer avant tout ? Est-ce que leur sentiment de sécurité dans leur maison doit changer aussi ?
J’ai perdu confiance en moi et parfois je n’arrive pas à prendre une décision. J’ai peur de l’avenir et l’on dit que nous sommes l’avenir.
Si nous sommes l’avenir, donnez-nous du bonheur et nous en ferons autant pour nos enfants.
A toi, Arlette, je veux dire merci de m’avoir écoutée. Merci de m’aimer.
Isa

Ancienne directrice d’une école de secrétariat à l’île Maurice
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