Pas de robe de noces !
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de robe de noces réclamée à une personne qui a été invitée comme ça, un peu par hasard à un repas de noces ?
Mais enfin, réfléchis, Seigneur !
Ce n’est pas l’habitude de se balader tous les jours en vêtements de dimanche. Or, il s’est trouvé à la croisée des chemins et il a suivi le mouvement ; et là, une fois de plus, tu n’y vas pas par quatre chemins, Seigneur ! L’homme est jeté dehors, là où on souffre, précises-tu, et pieds et poings liés encore !
Qu’est-ce que ça veut dire, Seigneur ? Il me semble que ça ne te ressemble pas ; comment peux-tu ensuite dire que tu es doux et humble de cœur, que tu te préoccupes de toutes tes brebis, et en priorité des plus faibles, et que tu es un bon berger ? Et ma recette préférée : te faire confiance, ne va pas me servir à grand chose dans ce passage.
Ou alors, une fois de plus, j’ai la malchance de comprendre tout de travers : c’est possible, pour ne pas dire vraisemblable. Alors, calmons-nous et reprenons le texte : c’est dans Matthieu (). Il s’agit d’une parabole. Bon, je sais, il ne faut pas vouloir appliquer à tout prix l’histoire décrite par cette parabole à la vie de tous les jours ; il peut y avoir des détails qui y ressemblent, mais il peut y avoir aussi un côté totalement différent et il s’agit de trouver la clef de cette histoire.
Alors, au début, ça parait assez facile : il y a un roi qui convie des invités aux noces de son fils ; mais les invités ne veulent pas venir, sont trop occupés. La salle reste vide ; bon. Le roi, c’est Dieu naturellement, les invités, c’est le peuple choisi, Israël, qui a loupé le coche en refusant Jésus comme Messie. Ils vont être dispersés et le temple de Jérusalem détruit. Tout ça, ça colle, pas de problème ! Mais continuons : le roi veut à tout prix partager son festin avec d’autres, alors il invite tous ceux que ses serviteurs rencontreront à la croisée des chemins, autrement dit, tout le monde. La salle se remplit, et le roi vient saluer ses nouveaux invités ; et il tombe sur celui qui n’a pas de vêtement de noce. Il l’invite à s’expliquer... et l’autre ne dit rien ; il est alors exclu dans les conditions que j’ai décrites.
Essayons de traduire ; d’une part, je vois que tout le monde est invité, ça c’est bon. A priori, personne n’est exclu, on peut entrer dans la salle de noces, on peut s’asseoir à la table ; mais il y a une condition : avoir le vêtement de noce. Mais c’est quoi exactement, ce vêtement de noce ?
Il y a longtemps, je me souviens avoir entendu quelqu’un qui expliquait que cette robe de noce, c’était la robe de baptême et il y avait même des images de cette parabole où tous les invités étaient habillés de blanc immaculé, de blanc “Persil”, et il y en avait un seul en marron foncé ; on ne pouvait pas se tromper. Mais, à mon avis, ça ne tient pas debout ! Le monde est plein de gens admirables qui n’ont jamais eu la possibilité matérielle ou psychologique de se faire baptiser ; ils ne sont sûrement pas exclus, ce serait injuste.
Alors, est-ce parce qu’il se tait, refuse de répondre, refuse de s’expliquer, de participer ? Dans le texte, le roi l’invite à parler, et son interpellation est amicale : « mon ami » disent certains traducteurs, d’autres disent : « camarade, comment es-tu entré sans vêtement de noce ? ». Mais l’homme reste coi ; rien il ne dit rien ; il refuse de dialoguer, de dire quoi que ce soit. Alors ça, naturellement c’est inacceptable pour Dieu ; qu’est-ce que vous voulez faire avec quelqu’un qui s’exclut lui-même ? Ce n’est pas Dieu qui le rejette, c’est lui qui refuse d’entrer en relation. On commence à comprendre, non ?
Et puis, on en arrive tout doucettement à une autre dimension : la noce, c’est la joie, c’est la fête. C’est dit à Cana, là où Marie pousse son fils à offrir du bon vin, quitte à ce qu’il y en ait qui soient un peu pompettes. Celui qui n’est pas en joie, qui refuse la fête, n’est pas en habit de noce ; ainsi, quand je fais quelque chose pour toi, Seigneur, ce doit être dans la joie, sinon c’est à rejeter ? C’est ça, c’est bien ça ? Ceux qui donnent en bougonnant ou pour se montrer, ceux qui jeûnent avec une mine revêche ceux qui font des sacrifices, en poussant moult soupirs, tous ceux-là sont à côté du Royaume ?
Pourtant, ce n’est pas toujours rose ce que tu proposes : la porte étroite, le port de la croix, l’obligation pour un chameau de passer par le chas d’une aiguille... Tu te rends compte ? Comment veux-tu qu’on le fasse en dansant et en chantant ?
Mais au fond, on le sait, Dieu veut notre bonheur ; il veut cela de toutes ses forces. Il faut donc accepter les moyens pour y parvenir, même si ils ne sont pas attirants, sinon on sera malheureux, on sera en dehors de la salle où règne la fête ; c’est triste, c’est embêtant, mais qu’est-ce que vous voulez y faire ? Ne nous affolons pas quand même. Dieu est patient, et, question de temps, il ne lésinera pas ; il suffit de souhaiter vraiment ce qu’il veut qu’on fasse et de s’y mettre.
Cette fois, je crois que j’ai compris le texte, et je m’aperçois, qu’une fois de plus, il fallait faire confiance.
Quand je vous le dis !
Laïque mariste († 2011).
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