Comment entendre la Parole de Dieu ?

Seigneur, j’ai suffisamment l’esprit critique pour ne pas noter pour une fois avec satisfaction, une formule des liturgistes que je trouve à la fois forte et simple ; au moment des lectures du jour, elle est ainsi rédigée : « Accueillons la Parole de Dieu, ce n’est pas une parole humaine, c’est vraiment Dieu qui nous parle. »

C’est net, c’est clair. J’ai souvent envié les personnages de l’Ancien Testament qui avaient l’air de recevoir tes directives de façon précise, sous forme de questions et de réponses adéquates, en Te reprochant de ne pas en user pareillement avec moi, pour ne pas apprécier cette assertion de tes liturgistes. Quand je lis chaque jour, les lectures proposées dans mon missel, c’est Ta Parole que j’entends. (Entre parenthèse, j’aimerais bien que les lecteurs préposés à ce service, aient à cœur de dire cette formule avec plus de conviction et de joie. La plupart du temps, ils baissent la voix et ont l’air de s’excuser ...) Mais passons.

Seulement aujourd’hui, pauvre de moi, cette affirmation serait parfaite si le texte proposé en première lecture me paraissait constructif. Et ça n’est pas le cas. Il s’agit du premier livre de Samuel chapitre1 versets 9 à 20. Il est question d’une femme Anne, qui est stérile : Elle Te supplie Seigneur, de lui accorder un fils, pour ne plus être humiliée. E !le Te promet, si elle est exaucée, de Te consacrer cet enfant. Le grand prêtre Eli l’observe pendant qu’elle prie, et la voyant marmonner, il pense qu’elle est ivre, et sans ménagement, il lui enjoint de sortir du temple, pour aller cuver son vin. Sans s’offusquer Anne le détrompe ; Éli s’excuse et la bénit. Et à quelques temps delà, elle devient enceinte et met au monde un fils.

Comme je connais l’histoire, je sais qu’effectivement dès que l’enfant sera sevré, c’est à dire au plus tard entre 3 ou 4 ans, ce gosse sera confié à ÉIi. On peut penser que ce petit d’homme n’aura pas une enfance très folichonne. Coté bisous et marques d’affection il y a fort à parier qu’il ne sera pas gâté, car je doute qu’en cas de mauvais rêves ou de bobos Éli ne vienne le consoler en le berçant avec une petite histoire, un bonbon ou une chanson...

Avec ma mentalité de femme du 21e siècle je suis choquée par l’attitude d’Anne ; il semble que cette femme souhaite avoir un enfant uniquement pour elle, pour ne plus être humiliée par sa stérilité. Elle ne prendra même pas la peine de l’élever, et sans consulter son mari et son gosse, elle décidera de sa vocation sacerdotale. Quand à Éli tout grand prêtre qu’il est, il manque, dans ce passage, d’un peu de jugeote, et même d’empathie, puisqu’il confond une femme en prière avec une femme ivre et il la renvoie avec des paroles méprisantes.

Comment cette Parole que je viens de lire peut-elle m’apparaître comme Ta Parole Seigneur ? C’est pas évident. J’ai besoin de réfléchir... Mais c’est vrai.

Première réflexion. En tant que femme du 21e siècle, comment puis-je m’autoriser à juger de manière saine et équitable une femme qui vivait au 8ème siècle avant Jésus Christ. Les mentalités et les us et coutumes ont changé.

Deuxième réflexion. Depuis le commencement du monde quelle est la merveilleuse façon, pour ne pas dire, la seule façon de devenir heureux ? C’est de s’abandonner entre les mains de Dieu, pour qu’Il nous façonne à son image. Et dans ce sens, la décision d’Anne pour son fils, n’était sans doute pas la plus mauvaise ; la suite de l’histoire le prouvera.

Troisième réflexion. Certes, Éli a mal analysé la situation mais malgré son statut de grand prêtre, il s’est promptement repris et a respecté les dires d’une femme, d’une simple femme, ce qui n’est déjà pas si mal.

Bref mes objections tombent à l’eau, et il est évident que je dois ne pas vouloir m’en tenir aux conceptions de l’époque où je vis. La Bible est valable depuis toujours jusqu’à toujours, encore faut-il ne pas la lire avec un a priori fondamentaliste comme si l’époque où je vis avait seule, le monopole de la Vérité, avec un grand V.

Alors. excuse moi Seigneur si je me suis encore laissée aller à mon petit péché mignon. (Mais y a t-il des péchés qui peuvent être considérés comme mignons ?) Arriverais-je un jour à aborder Ta Parole avec un a priori favorable, Seigneur ?
« Oh petite ne noircit pas la situation. Toutes ces questions, ça te fais avancer non. »
Tu as raison Seigneur, aussi je Te dis merci.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/12/2012