L’eau du baptême
À la veillée pascale de ma paroisse, j’ai été placée à l’ambon, face à l’assemblée, au moment où le célébrant procédait à l’aspersion de l’eau bénite, pour nous rappeler l’eau de notre baptême. Et contrairement à ce qui se passe habituellement, où le prêtre agite son goupillon en passant rapidement dans la nef, et en bénissant les fidèles, il se trouve que j’ai eu droit à une bénédiction individuelle, copieuse, et que j’ai reçu quelques gouttes sur le visage.
J’ai du faire un mouvement brusque, l’assemblée a souri et moi-même dans un premier temps j’ai ri intérieurement. Mais ensuite, pendant que je m’essuyais le nez et la joue, j’ai eu le temps de penser à la chance que j’avais eu de naître dans une famille aimante qui avait eu à cœur de me transmettre les valeurs auxquelles elle croyait.
Sur le moment ça ne m’a pas spécialement interpellée, mais le surlendemain, alors que j’essayais de méditer sur les mystères glorieux en récitant le chapelet, je suis arrivée à la fête de Pentecôte, où je me suis demandé comment Marie avait pu réagir, en recevant une langue de feu comme tous les Apôtres au milieu desquels elle se trouvait. Comment avait-elle vécu cette venue de l’Esprit ? Qu’est ce que ça avait pu lui apporter en plus à elle qui était déjà pleine de grâce et avait le Seigneur en elle, comme le lui avait dit l’Ange de l’Annonciation ? Il me semblait que contrairement aux Apôtres qui n’avaient pas particulièrement brillé par le courage pendant ce que nous appelons maintenant la Semaine sainte, elle n’avait besoin de rien, mais alertée par le petit fait matériel subi la veille (l’eau qui dégoulinait sur mon visage) je me suis pensée comme on dit dans le Midi, qu’elle aussi sans doute, grâce à cette flamme avait pu mieux se rendre compte de la chaleur de l’amour de Dieu pour elle. Va savoir !
Il y a en effet une grande différence entre savoir et sentir... Savoir c’est pour la tête et sentir c’est pour le corps. Or nous sommes corps et âme, et pour cheminer à plein vers Toi Seigneur, il est utile pour ne pas dire indispensable ou tout au moins recommandé d’associer le savoir et le sentir.
Et c’est ce qui se fait le plus souvent dans les sept sacrements institués par ton Eglise. Il y a généralement un rituel parfois assez long, qui joue, sur les deux tableaux. Ce faisant, j’admire la sagesse de Ton Eglise qui a su mettre en valeur cette dichotomie. Seulement pour le sacrement qu’on ne reçoit qu’une fois, comme le baptême, et qu’on peut recevoir en plus ; sans être vraiment conscient (je devais avoir une dizaine de jours quand j’ai été baptisée) le côté matériel ne m’avait pas vraiment touchée. Je savais que j’avais été baptisée, que je faisais partie de la famille de Dieu, j’en connaissais la date et le lieu mais sans plus. Et c’est cette goutte d’eau qui m’a remémoré combien l’eau est précieuse. En effet sans eau il n’y a pas de vie possible. Le peuple choisi l’a bien senti quand il a pérégriné dans le désert avec ses troupeaux assoiffés. Non seulement l’eau permet à la végétation de pousser, de donner du fruit, de l’ombre, mais en plus elle étanche la soif et a le pouvoir de laver les souillures, de faire disparaître les impuretés. Je suis bien contente d’avoir pris conscience de cette richesse fabuleuse donnée à mon baptême.
Mais je me demande : tout ça pour une petite goutte d’eau qui te coule sur le nez, tu ne crois pas que tu exagères ?
Et oui, c’est toujours la même interrogation lancinante que je me pose. Est-ce que je continue à écrire ce qui me passe par la tête, quand j’essaye d’entrer en relation avec Toi, Seigneur ? (Moi ça m’aide à me concentrer et à ne pas trop divaguer.) Est-ce que je les garde pour moi ? Ou est ce que je les partage avec quelques amis, au risque de me prendre pour quelqu’un, alors que c’est Toi qui m’as donné ce charisme… si charisme il y a. Je le sais, mais j’ai toujours peur de l’oublier.
Aide-moi, Seigneur, à T’en rendre grâce !
Laïque mariste († 2011).
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