Parabole des talents
Jusqu’ici, Seigneur, Ta parabole des talents me paraissait très claire, facile à comprendre, bien conforme à mon sens de la justice. On demanderait plus à celui qui avait reçu plus ; adéquation parfaite entre les talents reçus et les talents à rendre ! Quoi de plus normal ?
Mais aujourd’hui, cette parabole me pose problème car elle me paraît mal adaptée au monde économique, pervers que nous avons fabriqué. Je m’explique.
A ton époque, il me semble qu’on pouvait compter sur le fruit de son travail. Par exemple, tu plantais des pommiers, tu te donnais du mal pour les entretenir, les greffer, les tailler, les arroser, bêcher tout autour... et tu vendais tes pommes sans problème, à un prix raisonnable qui te permettait de vivre et de faire vivre ta famille. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué, et pas du tout évident. On peut se donner un mal de chien, et ne rien percevoir en retour. L’exemple que tu donnes au troisième serviteur, à savoir placer son argent à la banque et en retirer des intérêts est très aléatoire. Beaucoup de banques font faillite, c’est déjà arrivé et il en est à nouveau fortement question. Non seulement, tu ne retires aucun intérêt, mais tu perds ton talent... Hypothèse que Tu n’as pas envisagée mais qui est loin d’être invraisemblable.
Seulement en réfléchissant, je note que Tu condamnes seulement les paresseux. On n’a pas à s’arrêter sur les fruits plus ou moins riches obtenus par le travail effectué. Et mes objections tombent à l’eau. Bon.
Mais j’ai une autre difficulté à Te soumettre : dans ton histoire, la seule différence entre les ouvriers réside dans le nombre de pièces reçues, mais les pièces sont toutes semblables, sonnantes et trébuchantes, faciles à voir. Alors qu’il faut bien l’admettre, les talents reçus peuvent être très variés. Or pour les faire fructifier, encore faut-il les avoir reconnus et inventoriés, c’est logique.
Pour Marie, c’est assez facile à trouver en parcourant les passages d’évangile où elle est présente ; je note sa confiance en Toi et sa totale disponibilité lors de l’Annonciation, son sens du service quand elle va chez sa vieille cousine Elisabeth, son humilité au moment de la présentation au Temple, elle ne s’estime pas au-dessus des lois, sa maîtrise de soi quand elle retrouve son rejeton au Temple après trois jours et trois nuits d’angoissantes recherches, ses encouragements et son sens de l’opportunité à Cana, son acceptation des remises en cause quand elle T’entend dire : « Qui est ma mère, qui sont mes frères ? » Elle a su aussi méditer dans son cœur, quand elle ne comprenait pas tout, tout de suite ; et enfin sa présence non révoltée et silencieuse au pied de la Croix. Après la résurrection, il est plus difficile d’analyser ses réactions ; on sait seulement qu’elle était au milieu des Apôtres, et très logiquement, la famille mariste dont je fais partie, en a conclu qu’elle a été le soutien de l’Eglise naissante.
Cela fait déjà un beau paquet de talents qu’elle a fait fructifier, Marie ! Mais en ce qui me concerne, j’avoue avoir du mal à les mettre à jour, ces fichus talents ! Aussi, une fois de plus je constate qu’on est beaucoup plus fort pour juger en bien ou en mal les autres que pour se juger soi-même. D’où l’intérêt de se faire aider par quelqu’un ou de savoir écouter les autres, ceux qui nous entourent : c’est indispensable pour cheminer vers Toi. On ne devient pas chrétien tout seul.
Bref, j’en conclus que Ta parabole est très bonne, Seigneur, et que ça valait la peine de s’y arrêter un bon peu. En regardant Marie, je vois mieux comment on peut faire pour Te plaire. C’est déjà ça ! Tu ne crois pas, Seigneur ?

Laïque mariste († 2011).
- Relation avec mon ange gardien ?
- Plaidoyer pour Ananie et Saphire
- Toute révérence gardée
- Peut-on guérir les malades ?
- Une eucharistie vivante
- À propos des textes proposés pour la fête des Saints Innocents
- Savoir prier - Avoir la foi
- Le talon d’Achille des incroyants
- L’obéissance de la foi
- Recherche couronnée de succès
- Heureux les pauvres
- L’Immaculée Conception
- Rendre service, oui, mais jusqu’à quel point ?
- Parabole des talents
- Besoin de câlins
- La souffrance est-elle indispensable pour rallier le ciel ?
- La colère injustifiée de madame Tobie
- Inutile ? Prière sur l’inutilité
- Le respect du Seigneur pour la liberté de ses créatures
- Diversité, source de richesse ou de division ?
- Saint Thomas
- La divinité, but obligatoire à viser ?
- Dieu a-t-il des préférences parmi les humains ?
- Marie, refuge des pécheurs
- Ma prière varie-t-elle en fonction des aléas de la météo ?
- La nouvelle évangélisation ou plutôt l’Évangile toujours nouveau
- La croix, objet d’horreur et objet de salut
- Vous, soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait
- Les perles aux cochons
- Le signe de croix

https://portstnicolas.org/article4303