Saint Thomas

Saint Thomas, un saint bien sympa, qui nous rassure parce qu’il nous conforte à un double titre. D’un côté, il y a son refus de croire à la résurrection du Christ sur le seul et simple témoignage de ses frères. Et nous pouvons penser que si un apôtre, un des douze qui a bénéficié d’une formation grandiose, qui a été traité d’ami par Toi, Seigneur, si un des douze dis-je, a eu des difficultés sérieuses à avoir foi en ta résurrection, on peut espérer que le commun des mortels, dont je fais partie, est autorisé à invoquer des excuses pour son manque de foi, ses doutes ; et quel est le chrétien qui n’en a pas eus.

Or le récit du manque de foi de Thomas est précis, détaillé et circonstancié. Il est écrit qu’il était absent quand Tu t’es manifesté la première fois à tes amis, Seigneur, vivant en chair et en os, après ta résurrection ; et il a affirmé : « Si je ne vois pas la marque des clous, si je ne touche pas son côté transpercé, je ne croirai pas. » Pour lui, ses frères sont victimes d’une hallucination.

Mais huit jours plus tard, Tu réapparais et Tu invites ce pauvre Thomas à faire ce qu’il avait exigé. On comprend la confusion de Thomas et son revirement complet. Il tombe à genoux et s’exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu. » C’est dans saint Jean () et le verset 29 est ainsi rédigé : « Parce que tu me vois, tu crois, heureux ceux qui croiront sans avoir vu. » Ce qui nous place, nous chrétiens du vingtième siècle, dans la bonne catégorie.

D’un autre côté, compte tenu de la réaction de Thomas, on peut être certain que Tu es bien mort sur la croix, Seigneur. Ce qui n’a rien d’étonnant. Les Romains quand ils crucifiaient, savaient ce qu’ils faisaient. Ils croyaient à l’exemplarité de la peine, et pensaient que les horribles souffrances subies par les condamnés, à la vue de tous, pouvaient avoir un effet dissuasif sur ceux qui auraient tendance à se rebeller contre leur autorité. (Remarquons que c’est une opinion qui a encore cours aujourd’hui, alors que, quand on interroge des récidivistes sur la peur de la prison qui aurait dû les retenir, ils avouent qu’il y ont pensé, mais seulement après le délit ou le crime commis.)

En Palestine, comme dans tout l’empire romain, aucun crucifié ne s’en sortait vivant. Ils mouraient asphyxiés, après de longues heures d’agonie, que l’on pouvait abréger en leur brisant les jambes ; c’est d’ailleurs ce qui est arrivé à tes deux compagnons d’infortune Seigneur, en raison de la proximité de la Pâque. Mais en ce qui te concerne ça n’a pas été nécessaire : Tu étais mort avant les deux autres, ce qui n’avait rien d’étonnant puisque Tu es arrivé sur le lieu du supplice bien amoché par la flagellation à laquelle Pilate t’avait condamné ; au point qu’on t’a dispensé de porter le bois de la croix comme c’était la règle, de peur que tu ne meures en route.

Tout ça est très bien écrit notamment dans Luc (). On comprend la certitude de Thomas au sujet de Ta mort, Seigneur. Il n’avait aucun doute sur la réalité de cette mort. Et grâce à lui, nous pouvons nous aussi en être persuadés.

J’espère que Thomas, à la suite de cet épisode, a pris conscience qu’on n’est pas chrétien tout seul. Nous avons besoin des autres pour croire. Nous sommes le peuple de Dieu, et Dieu nous veut solidaires les uns des autres. On reçoit et on donne, chacun à son tour. On se supporte mutuellement, dans le sens positif que lui donnent les amateurs de foot qui sont supporters, fanatiques voire délirants, de certains clubs.

À ce sujet, j’aime bien l’homélie entendue récemment dans ma paroisse, où notre attention a été attirée sur la foi du grabataire propulsé par ses camarades qui avaient troué le plafond, pour le faire atterrir devant Toi. Foi du grabataire, qui avait été précédée par celle des porteurs dudit grabat, qui eux avaient eu foi dans son espérance, d’où ta recommandation « Prends ton grabat », c’est-à-dire, prends ta misère et marche en n’oubliant pas que ce grabat a été porté par d’autres.

Ta parole est vraiment intéressante, Seigneur, quand on prend la peine de s’y attarder un brin. Elle est vivante et peut-être même dérangeante. Et c’est bien comme ça ! Aussi je te dis merci.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/02/2014