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Numéro(s) recherché(s): Dignitatis Humanae 2-8

Dignitatis Humanae2Doctrine générale sur la liberté religieuse

Objet et fondement de la liberté religieuse

Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l'ont fait connaître la parole de Dieu et la raison elle-même (1). Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l'ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu'il constitue un droit civil.

En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu'ils sont des personnes, c'est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et, par suite, pourvus d'une responsabilité personnelle, sont pressés, par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d'abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu'ils la connaissent et à régler route leur vie selon les exigences de cette vérité. Or, à cette obligation, les hommes ne peuvent satisfaire, d'une manière conforme à leur propre nature, que s'ils jouissent, outre de la liberté psychologique, de l'immunité à l'égard de toute contrainte extérieure. Ce n'est donc pas sur une disposition subjective de la personne, mais sur sa nature même, qu'est fondé le droit à la liberté religieuse. C'est pourquoi le droit à cette immunité persiste en ceux-là même qui ne satisfont pas à l'obligation de chercher la vérité et d'y adhérer; son exercice ne peut être entravé, dès lors que demeure sauf un ordre public juste.
(1) Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11/4/1963: AAS 55 (1963), pp.260-261.; Pie XII, message radiophonique, 24/12/1942: AAS 35 (1943), p.19.; Pie XI, encycl. Mit brennender Sorge, 14/5/1937: AAS 29 (1937), p.160.; Léon XIII, encycl. Libertas praestantissimum, 20/6/1888: Actes de Léon XIII, 8, (1888), pp. 237-238.
Dignitatis Humanae3Liberté religieuse et relation de l'homme à Dieu

Tout ceci est plus clairement manifeste encore si l'on considère que la norme suprême de la vie humaine est la loi divine elle-même, éternelle, objective et universelle, par laquelle Dieu, dans son dessein de sagesse et d'amour, règle, dirige et gouverne le monde entier, ainsi que les voies de la communauté humaine. De cette loi qui est sienne, Dieu rend l'homme participant de telle sorte que, par une heureuse disposition de la Providence divine, celui-ci puisse toujours davantage accéder à l'immuable vérité. C'est pourquoi chacun a le devoir et, par conséquent le droit, de chercher la vérité en matière religieuse, afin de se former prudemment un jugement de conscience droit et vrai, en employant les moyens appropriés.

Mais la vérité doit être cherchée selon la manière propre à la personne humaine et à sa nature sociale, à savoir par une libre recherche, par le moyen de l'enseignement ou de l'éducation, de l'échange et du dialogue par lesquels les uns exposent aux autres la vérité qu'ils ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de s'aider mutuellement dans la quête de la vérité; la vérité une fois connue, c'est par un assentiment personnel qu'il faut y adhérer fermement.

Mais c'est par sa conscience que l'homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine; c'est elle qu'il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités, pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il ne doit pas être empêché non plus d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse. De par son caractère même, en effet, l'exercice de la religion consiste avant tout en des actes intérieurs volontaires et libres par lesquels l'homme s'ordonne directement à Dieu: de tels actes ne peuvent être ni imposés ni interdits par aucun pouvoir purement humain (1). Mais la nature sociale de l'homme requiert elle-même qu'il exprime extérieurement ces actes internes de religion, qu'en matière religieuse il ait des échanges avec d'autres, qu'il professe sa religion sous une forme communautaire.

C'est donc faire injure à la personne humaine et à l'ordre même établi par Dieu pour les êtres humains que de refuser à l'homme le libre exercice de la religion sur le plan de la société, dès lors que l'ordre public juste est sauvegardé.

En outre, par nature, les actes religieux par lesquels, en privé ou en public, l'homme s'ordonne à Dieu en vertu d'une décision personnelle, transcendent l'ordre terrestre et temporel des choses. Le pouvoir civil, dont la fin propre est de pourvoir au bien commun temporel, doit donc, certes, reconnaître et favoriser la vie religieuse des citoyens, mais il faut dire qu'il dépasse ses limites s'il s'arroge le droit de diriger ou d'empêcher les actes religieux.
(1) Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11/4/1963: AAS 55 (1963), p. 270.; Paul VI, message radiophonique, 22/12/64: AAS 57 (1965), pp. 181-182.; S. Thomas, Summa theologica, I-II, q. 91, a. 4 c.
Dignitatis Humanae4Liberté des groupes religieux

La liberté ou immunité de toute contrainte en matière religieuse qui revient aux individus doit aussi leur être reconnue lorsqu'ils agissent ensemble. Des groupes religieux, en effet, sont requis par la nature sociale tant de l'homme que de la religion elle-même.

Dès lors, donc, que les justes exigences de l'ordre public ne sont pas violées, ces groupes sont en droit de jouir de cette immunité afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d'un culte public la divinité suprême, aider leurs membres dans la pratique de leur vie religieuse et les sustenter par un enseignement, promouvoir enfin les institutions au sein desquelles leurs membres coopèrent à orienter leur vie propre selon leurs principes religieux.

Les groupes religieux ont également le droit de ne pas être empêchés, par les moyens législatifs ou par une action administrative du pouvoir civil, de choisir leurs propres ministres, de les former, de les nommer et de les transférer, de communiquer avec les autorités ou communautés religieuses résident dans d'autres parties du monde, d'édifier des édifices religieux, ainsi que d'acquérir et de gérer les biens dont ils ont besoin.

Les groupes religieux ont aussi le droit de ne pas être empêchés d'enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. Mais, dans la propagation de la foi et l'introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s'abstenir de toute forme d'agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête ou peu loyale, surtout s'il s'agit de gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d'agir doit être regardée comme un abus de son propre droit et une entorse au droit des autres.

La liberté religieuse demande, en outre, que les groupes religieux ne soient pas empêchés de manifester librement l'efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l'activité humaine. La nature sociale de l'homme, enfin, ainsi que le caractère même de la religion, fondent le droit qu'ont les hommes mus par leur sentiment religieux, de tenir librement des réunions ou de constituer des associations éducatives, culturelles, caritatives et sociales.
Dignitatis Humanae5Liberté religieuse de la famille

Chaque famille, en tant que société jouissant d'un droit propre et primordial, a le droit d'organiser librement sa vie religieuse, sous la direction des parents. A ceux-ci revient le droit de décider, selon leur propre conviction religieuse, de la formation religieuse à donner à leurs enfants. C'est pourquoi le pouvoir civil doit leur reconnaître le droit de choisir en toute liberté les écoles ou autres moyens d'éducation, et cette liberté de choix ne doit pas fournir prétexte à leur imposer, directement ou indirectement, d'injustes charges. En outre, les droits des parents se trouvent violés lorsque les enfants sont contraints de suivre des cours ne répondant pas à la conviction religieuse des parents ou lorsque est imposée une forme d'éducation d'où toute formation religieuse est exclue.
Dignitatis Humanae6De la responsabilité à l'égard de la liberté religieuse

Le bien commun de la société - ensemble des conditions de vie sociale permettant à l'homme de parvenir plus pleinement et plus aisément à sa propre perfection - consistant au premier chef dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine (1), le soin de veiller au droit à la liberté religieuse incombe tant aux citoyens qu'aux groupes sociaux, aux pouvoirs civils, à l'Eglise et aux autres communautés religieuses, de la manière propre à chacun, en fonction de ses devoirs envers le bien commun.

C'est pour tout pouvoir civil un devoir essentiel que de protéger et promouvoir les droits inviolables de l'homme (2). Le pouvoir civil doit donc, par de justes lois et autres moyens appropriés, assumer efficacement la protection de la liberté religieuse de tous les citoyens et assurer des conditions favorables au développement de la vie religieuse en sorte que les citoyens soient à même d'exercer effectivement leurs droits et de remplir leurs devoirs religieux, et que la société elle-même jouisse des biens de la justice et de la paix découlant de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté (3).

Si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l'ordre juridique de la cité à une communauté religieuse donnée, il est nécessaire qu'en même temps, pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses, le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté.

Enfin, le pouvoir civil doit veiller à ce que l'égalité juridique des citoyens, qui relève elle-même du bien commun de la société, ne soit jamais lésée, de manière ouverte ou occulte, pour des motifs religieux, et qu'entre eux aucune discrimination ne soit faite.

Il s'ensuit qu'il n'est pas permis au pouvoir public, par force, intimidation ou autres moyens, d'imposer aux citoyens la profession ou de rejet de quelque religion que ce soit, ou d'empêcher quelqu'un d'entrer dans une communauté religieuse ou de la quitter. A fortiori, est-ce agir contre la volonté de Dieu et les droits sacrés de la personne et de la famille des peuples que d'employer la force, sous quelque forme que ce soit, pour détruire ma religion ou lui faire obstacle, soit dans tout le genre humain, soit en quelque région, soit dans un groupe donné.
(1) Jean XXIII, encycl. Mater et Magistra, 15/5/1961: AAS 53 (1961), p. 417.; idem, encycl. Pacem in terris, 11/4/1963: AAS 55 (1963), p. 273.
(2) Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11/4/1963: AAS 55 (1963), pp. 273-274.; Pie XII, message radiophonique, 1/6/1941: AAS 33 (1941), p. 200.
(3) Léon XIII, encycl. Immortale Dei, 1/11/1885: ASS 18 (1885), p. 161.
Dignitatis Humanae7Limites de la liberté religieuse

C'est dans la société humaine que s'exerce le droit à la liberté en matière religieuse, aussi son usage est-il soumis à certaines règles qui le tempèrent.

Dans l'usage de toute liberté doit être observé le principe moral de la responsabilité personnelle et sociale: la loi morale oblige tout homme et groupe social à tenir compte, dans l'exercice de leurs droits, des droits d'autrui, de leurs devoirs envers les autres et du bien commun de tous. A l'égard de tous il faut agir avec justice et humanité.

En outre, comme la société civile a le droit de se protéger contre les abus qui pourraient naître sous prétexte de liberté religieuse, c'est surtout au pouvoir civil qu'il revient d'assurer cette protection; ce qui ne doit pas se faire arbitrairement et en favorisant injustement une des parties, mais selon les règles juridiques, conformes à l'ordre moral objectif, qui sont requises par l'efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et l'harmonisation pacifique de ces droits, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d'une vraie justice, ainsi que par la protection due à la moralité publique. Tout cela constitue une part fondamentale du bien commun et entre dans la définition de l'ordre public. Au demeurant, il faut observer la règle générale de la pleine liberté dans la société, selon laquelle on doit reconnaître à l'homme le maximum de liberté et ne restreindre celle-ci que lorsque c'est nécessaire et dans la mesure où c'est nécessaire.
Dignitatis Humanae8Formation à l'usage de la liberté

De nos jours, l'homme est exposé à toutes sortes de pressions et court le danger d'être frustré de son libre jugement personnel. Mais nombreux sont, d'autre part, ceux qui, sous prétexte de liberté, rejettent toute sujétion et font peu de cas de l'obéissance requise.

C'est pourquoi ce Concile du Vatican s'adresse à tous, mais tout particulièrement à ceux qui ont mission d'éduquer les autres, pour les exhorter à former des hommes qui, dans la soumission à l'ordre moral, sachent obéir à l'autorité légitime et aient à coeur la liberté authentique; des hommes qui, à la lumière de la vérité, portent sur les choses un jugement personnel, agissent en esprit de responsabilité, et aspirent à tout ce qui est vrai et juste, en collaborant volontiers avec d'autres.

C'est donc un des fruits et des buts de la liberté religieuse que d'aider les hommes à agir avec une plus grande responsabilité dans l'accomplissement de leurs devoirs au coeur de la vie sociale.
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Publié: 30/11/1959