La libération des apôtres

Martin Van Heemskerck (1498-1574), c. 1573. Gravure, 21 x 26 cm. Lyon, bibliothèque municipale

Dès le début de la prédication des apôtres après la Pentecôte, ceux qui avaient réussi à faire tuer Jésus parviennent à les emprisonner. Le livre des Actes relate comment « pendant la nuit, l’ange du Seigneur ouvrit les portes de la prison et les fit sortir ». ()
Van Heemskerck entreprit une vaste série de gravures illustrant les Actes des Apôtres. Sa mort l’empêcha de mener le projet à son terme. Pour chaque gravure, grâce à des compositions en frise et des perspectives précises, le thème est très facile à identifier, sans même recourir à la légende en latin qui l’accompagne. Fin lettré, esprit subtil et religieux, Van Heemskerck ne se limite pas à représenter l’épisode : il en déploie le sens par des allusions en images.

L’ange du Seigneur entraîne les douze hors de la prison dont on aperçoit la porte. On ne saurait coller plus au texte. Pourtant, Van Heemskerck place deux autres images dans l’image.
En multipliant les soldats, certes mentionnés par les Actes, en les représentant endormis, en imaginant une prison quasiment souterraine, l’artiste rappelle de façon évidente les représentations de la Résurrection de Jésus.
Par la représentation de la porte, par l’attitude de l’ange tenant, tirant presque Pierre par la main, Van Heemskerck évoque la très ancienne représentation du Christ tirant Adam et Eve des enfers, suivis de l’humanité jadis prisonnière de la mort.
C’est par ces citations picturales que l’artiste transforme la libération miraculeuse des apôtres en Pâque, en résurrection à la suite du Christ.

Le livre des Actes poursuit : « L’ange leur dit : “Partez, tenez-vous dans le Temple et là, dites au peuple toutes ces paroles de vie”. » A nouveau, l’image est particulièrement fidèle au texte : l’ange désigne le temple vers lequel le peuple se presse. Van Heemskerck, fin connaisseur de Rome, lui donne la forme du Panthéon. A nouveau, il glisse un indice porteur de sens : selon les Actes, il s’agit d’une scène nocturne. Pourtant, près du Temple, un soleil déploie généreusement ses rayons, Lumière de résurrection, lumière de la parole que les apôtres sont chargés de transmettre, « lumière du Christ » comme nous le chantons par trois fois pendant la nuit de Pâques.
Le Seigneur rend la liberté et la vie aux apôtres pour les envoyer en mission. C’est le sens du baptême : à la suite des apôtres, nous sommes invités à nous laisser libérer et ressusciter par le Christ, « lumière véritable qui éclaire tout homme » () et à être signes de sa présence au monde endormi dans la nuit.

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Venceslas DEBLOCK

Prêtre du diocèse de Cambrai, responsable de la Commission d’art sacré.

Publié: 22/03/2020